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Paroles de femmes

Christine, 40 ans

, par Dominique Foufelle

Un des entretiens réalisés dans le cadre de la manifestation " Clichés de femmes, Clichés sur les femmes "

Christine une éducation de fille "à la chinoise", et raconte sa libération progressive.

A propos de la journée internationale des femmes, des droits des femmes :
Les droits des femmes c’est la liberté ! Quinze ans après mon arrivée en France, je peux faire comme je le pense, comme je le veux. Je suis d’origine chinoise et l’éducation que j’ai reçue a fait que, jusqu’en 1995, j’étais une femme soumise. Là-bas, à l’école, dans la famille, nous suivons les préceptes d’un texte très ancien qui définit ce que doit faire l’homme, ce que doit faire la femme. Nous apprenons à suivre ces préceptes à la lettre. En tant que femme, nous devons obéir à la famille, au père, au mari. La femme, la mère est au service des hommes, des autres : nous devons faire plaisir à tout le monde. On ne nous dit pas que nous pouvons choisir notre mari, choisir de le quitter. Nous n’apprenons pas que nous pouvons choisir ce qu’il nous plaît de faire. Ils nous commandent et j’ai accepté cela pendant des années sans me poser de questions, sans rien remettre en cause. Quelquefois je me dis qu’un jour, si j’en ai les moyens, je brûlerai ce texte : l’éducation est un sujet qui me met souvent en colère.
J’ai suivi mon mari en France et j’ai continué à faire comme avant. A l’époque, je travaillais à la maison comme couturière de 5h du matin à 11h du soir. Mon mari rentrait, il demandait l’argent et s’il n’y en avait pas, il se mettait en colère. Un jour, ma fille m’a dit : "Tu pleures, tu pleures, tu ne sais pas faire autre chose ! ". Ma fille n’était pas contente de moi et voulait s’en aller : c’est ce qui m’a fait prendre conscience. Mon mari, je l’aimais bien parce que c’était mon mari et, dans ma tête, c’était normal de tout accepter. Mais face au risque que ma fille s’en aille, j’ai choisi mon chemin.
A partir de ce jour, j’ai commencé à garder de l’argent pour moi. J’ai demandé à une assistante sociale comment faire si je me retrouvais seule avec mes enfants. J’ai commencé à apprendre et à utiliser les droits des femmes en France. Au fur et à mesure des discussions, j’ai commencé à comprendre, qu’en fait, je prenais tout en charge et que mon mari était un poids pour moi. J’ai compris que c’était mon éducation qui m’attachait à lui, qui m’enfermait. C’était très dur de constater cela ; j’avais du mal à l’accepter ; j’avais peur. En 1996, j’ai laissé mon mari à la porte, je lui ai dit que je n’avais plus besoin de lui.
Pour moi, les droits des femmes, c’est la possibilité de faire ce que je ressens. J’ai complètement changé de mentalité en quelques années, j’ai pris un virage à cent quatre vingt degrés. Avant, je faisais des choses que je n’aimais pas, mais je pensais que j’étais obligée de les faire parce que c’était mon mari qui me le demandait. Maintenant, je travaille pour moi-même et pour élever mes enfants. Avant, je ne comprenais pas qu’en tant que femme, j’avais la liberté de choisir et de refuser. Maintenant, je fais ce que je veux et j’arrive à dire " NON " lorsque quelqu’un me demande de faire quelque chose qui ne me convient pas. Si demain je me fais écraser dans la rue, je pourrais fermer les yeux parce que je suis contente de ma vie telle qu’elle est aujourd’hui.
Maintenant je travaille dans une association franco-chinoise et je m’y sens utile. Parfois je parle avec d’autres femmes et je leur explique qu’elles ont le droit de choisir, qu’elles ne sont pas obligées de rester à la maison, d’attendre après l’argent, après les papiers, que si le mari ne leur convient pas, elles peuvent le quitter. C’est très difficile pour nous de comprendre cela parce que là-bas, un mari c’est un mari : c’est un chef et divorcer c’est honteux pour nous. Moi, par exemple, j’ai mis des années avant de dire à ma famille que j’avais divorcé, et des années encore avant d’oser reprendre mon nom de jeune fille : j’avais peur. Ce n’est pas simple pour nous d’accepter nos droits, de les utiliser, d’avoir le courage de ne pas suivre la tradition. Aujourd’hui nous ne faisons pas exactement comme les femmes françaises mais nous apprenons nos droits ! C’est bien, non ?

P.-S.

Propos recueillis par Sabrina Lunel

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