Il naît naturellement en moyenne 950 filles pour 1000 garçons. En Asie (en particulier en Inde, en Chine, au Pakistan, au Népal, en Afghanistan et en Corée du Sud), l’avortement sélectif (de fœtus-filles), rendu possible par l’échographie, prend des proportions alarmantes. Cette pratique est illégale, donc difficile à chiffrer, mais on peut constater qu’il est né en Inde en 2004 882 filles pour 1000 garçons (927 en 2001) et en Chine 832 filles pour 1000 garçons. Avec respectivement 25 millions et 17 millions de naissances par an, l’Inde et la Chine sont à elles deux responsables d’1/3 des naissances mondiales, c’est donc là que le phénomène prend le plus d’ampleur. Peut-on parler de « génocide » ? Quel que soit le terme, c’est grave, les états concernés en sont conscients, ne serait-ce qu’à cause des troubles sociaux, politiques et sociétaux qui découleront forcément de ce déséquilibre. Cela a d’ailleurs déjà commencé : dans les régions les plus touchées, la criminalité est en augmentation.
L’horreur est que loin de se traduire par un plus grand respect pour les filles et les femmes, leur raréfaction, au contraire, augmente leur valeur marchande, conduisant à davantage de trafic humain, de polyandrie forcée (une femme est vendue à une fratrie, par exemple) de mariages forcés, et de violences en tous genres. D’après l’Unicef, la chute du sex-ratio en Inde risque d’entraîner une augmentation des mariages précoces des filles, donc une moindre scolarisation, une augmentation de la mortalité due aux grossesses de ces très jeunes filles, la recrudescence de viols, mauvais traitements… sans parler des trafics. Que les femmes soient ou non sous pression pour avorter quand elles attendent une fille, il ne serait pas surprenant que nombre d’entre elles choisissent cette solution pour ne pas faire vivre à leurs filles ce qu’elles auront elles-mêmes enduré.
Les gouvernements des pays concernés prennent des mesures mais peinent à enrayer le phénomène. L’Inde et la Chine prévoient, entre autres, de donner de l’argent aux familles qui viendront déclarer la naissance d’une fille, et ultérieurement de donner à nouveau une somme pour sa vaccination et l’inscription de celle-ci à l’école. Il n’est pas certain que cela soit suivi d’effet : en Inde, les régions les plus riches sont aussi celles où les filles sont les plus rares, indépendamment de la religion ou de la caste.
Plus que jamais, la lutte pour les droits des femmes est d’actualité, et, en Asie, celle pour l’égalité du droit des filles à naître.
Source :
The Sunday Times, transmis par GSN
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"Avoir une fille, c’est arroser le champ du voisin", Rent-a-wife et Inde : le marché des survivantes