Cette campagne électorale française comporte de nombreuses énigmes. La richesse de l’histoire politique de la France réside dans sa capacité à débattre de ses contradictions et à agir en conséquence. Malgré le nombre de candidat-e-s et la volonté affichée de certain-e-s d’entre eux d’innover en politique, à l’exemple de Ségolène Royal, la pauvreté des analyses en cours est regrettable. Il est rare de voir, à la télévision ou dans les grands journaux, des analyses ou des comparaisons en toute neutralité des propositions des candidat-e-s, et de leurs potentiels. Le monde médiatique abandonne l’approche comparative de la politique. La presse écrite et l’audiovisuel préfèrent les généralités et s’en réfèrent, sans cesse, aux sondages, assénés sans répit et sans neutralité.
Aujourd’hui, il parait plus intéressant pour les électeurs/électrices de consulter les regards croisés des internautes sur les sites politiques et autres blogs où foisonnent des analyses pertinentes des enjeux politiques, économiques, environnementaux, internationaux, bien plus critiques et libres que dans les autres médias. Les fausses affirmations foisonnent. Certains journalistes décrètent sans autre forme de procès qu’il n’existe pas de différence entre les propositions de Ségolène Royal et celles de François Bayrou, dont personne n’a connaissance. Cette même presse assurait, auparavant, que le seul candidat à avoir un programme pour gouverner la France était M. Sarkozy. Sans diaboliser la presse dans son ensemble, ni mettre tous les journalistes dans le même sac que ceux qui, comme leurs patrons, roulent pour Sarkozy, je m’interroge sur le mépris affiché parfois vis à vis de la candidature de Ségolène Royal.
Pourquoi, notamment, médias et analystes politiques ont-ils pris ombrage de la méthodologie participative prônée par la candidate socialiste ? Ces critiques semblent ignorer la gravité de la crise traversée par le système politique et sous-estiment ainsi l’impulsion que cette méthode apporterait à la rénovation démocratique, en France, où les élu-e-s sont perçu-e-s comme une élite coupée de ses élect-eur-rice-s. Or, pour la première fois dans l’histoire de la République française, une femme candidate à l’élection présidentielle élabore un pacte de 100 propositions issues d’un travail d’écoute et de discussions directes avec les citoyens et citoyennes. Cinq mille débats participatifs ont eu lieu sur tout le territoire, et 135 000 contributions écrites ont été rassemblées. Cette démarche n’est-elle pas salutaire pour la démocratie française ? Cette femme et son équipe ont réussi à mobiliser les savoirs associatifs pour bâtir un pacte qui honore la politique ! Le dialogue est important pour répondre aux questions soulevées par les organisations non gouvernementales, le monde de la recherche, de l’éducation nationale, les organisations d’étudiant-e-s, les président-e-s des universités, les représentant-e-s du monde politique, des entreprises privées et publiques, les syndicats, les magistrat-e-s, les administrations publiques, et enfin par les citoyens et citoyennes qui veulent un changement dans la façon de gouverner. Ils, elles, veulent être les protagonistes de ce nouveau défi. Construire cette France citoyenne, c’est d’abord renouveler notre système de représentation politique et de participation des citoyen-ne-s.
Face à la crise de confiance des Français-es envers leurs gouvernant-e-s, il faut mettre plus de démocratie au cœur de la République, la France doit en finir avec l’héritage monarchique et la république des notables. Les élect-eur-rice-s attendent de vrais engagements des décideur-e-s politiques et ils/elles veulent être associé-e-s aux politiques publiques qui les concernent. La réforme de l’État proposée par Mme Royal contribuera à guérir la France du pouvoir centralisé et à revigorer ainsi le système politique grâce à la redéfinition du rôle de l’État. L’organisation administrative de la France est complexe et construire un pouvoir plus démocratique sera un travail de long terme. Mme Royal est la seule candidate qui ose casser ce tabou et sur ce sujet, existent des différences cruciales entre les candidats. Sa conception de l’État s’oppose à celle de M. Sarkozy, synonyme de concentration extrême du pouvoir, où la décentralisation est synonyme de moins d’État.
Mener cette réforme, c’est mettre en place une stratégie d’action participative. Elle développe une vraie réflexion sur le rôle de l’État et sur l’exercice de la citoyenneté. La question de la décentralisation ne sera pas résolue sans redéfinir le rôle de l’État aux différents échelons du pouvoir : national, régional, départemental, municipal. De quelle marges de manœuvre dispose-t-il pour mener des politiques publiques, et élaborer une politique économique d’inclusion sociale ?
Plutôt que d’accuser la candidate socialiste de manquer de projet et de compétence pour gouverner la France, comparons ses propositions à celles de ses challengers ! Cette femme affiche la volonté d’agir d’une autre façon en politique. Pour elle, le respect des citoyen-ne-s est fondamental. Ce faisant, il est logique qu’elle perturbe les schémas de la politique traditionnelle en France. En effet, dans notre pays, le monde politique se conjugue au masculin.
Pour faire émerger, en politique, une culture de coopération dans ce pays, il faut bâtir de vrais partenariats entre l’état et les organisations représentatives du monde associatif au niveau national, notamment, celles qui sont sur le terrain dans les quartiers difficiles. Dans un contexte de crise des rapports entre générations, il ne faut pas stigmatiser les jeunes des banlieues, mais bien au contraire leur redonner confiance et estime de soi. Les mutations de notre société ne touchent pas seulement le monde du travail, mais aussi la justice, le système éducatif, l’aménagement du territoire, l’organisation de nos villes, l’environnement. Tout cela exige des élu-e-s une vision intégrée du développement national et aussi international de la France, notamment en matière de coopération avec ses anciennes colonies. Cette démarche est nécessaire pour prendre conscience des nouveaux enjeux de la globalisation tout en se projetant dans l’avenir sans avoir peur de l’autre.
Outre établir des diagnostics, il faut construire des projets novateurs et rassembleurs. Personne ne détient tout le savoir. Patience, modestie et ouverture d’esprit sont de mise pour réussir à socialiser les savoirs et les expériences au service de la République. Laissons les précipitations, la soif du pouvoir et de centralisation à Sarkozy, il est atteint d’une espèce rare de maladie, la névropathie du système de pouvoir !