Un texte inquiétant est paru dans Le Monde du 6 juin sous le titre « Le viol et la vertu ». M. Odon Vallet y accumule amalgames spécieux et rapprochements infondés. Je n’en relève que trois.
1. Ce professeur de droit affirme que, dans le code pénal français, « la fellation est tenue pour un viol », et qu’elle est donc passible de la cour d’assises. Est-ce à dire que la moitié de la population française devrait être en prison ? Le professeur se trompe : c’est dans la loi de Singapour et dans celle de certains États du sud des États-Unis que le sexe oral, même pratiqué dans l’intimité et entre adultes qui le désirent, est condamné comme un acte « contre nature ». Il a oublié un mot : contrainte, et ce mot change tout. Toute fellation imposée est bien un viol, et le viol est un crime. Seuls ne l’ont pas compris ceux qui disent avec Coluche : « Le viol, c’est quand on veut pas, et moi, je voulais. »
2. Selon M. Vallet, « [de nombreux jeunes des cités] ne comprennent pas que ce qui est permis dans les sous-sols des clubs échangistes soit interdit dans les caves des immeubles "sociaux", comme si la population des HLM n’avait pas droit aux plaisirs "bourgeois". (...) Lorsque les livres à
succès de Catherine Millet et de Michel Houellebecq montrent des couples et des groupes faisant l’amour en toute liberté dans des lieux ouverts au public, peut-on promettre la prison aux auteurs moins chanceux de caresses furtives et d’échanges brutaux ? » M. Vallet ignore-t-il que « les sous-sols des clubs échangistes » et « les caves des HLM » n’ont en commun que leur niveau au-dessous du sol ? Dans les premiers on trouve, en principe, des adultes responsables ; leurs rapports sexuels, qui procèdent de désirs réciproques et d’un accord commun, restent dans des limites tolérées par la société ; ce qui se déroule dans les secondes, c’est ce qu’il est inadmissible de dénommer avec désinvolture « tournantes », car ce sont des viols collectifs dont les victimes sont profondément traumatisées. Ce que M. Vallet ose qualifier de « caresses furtives et d’échanges brutaux » sont des actes de violence, voire de barbarie. Quant à leurs « auteurs moins chanceux », ils ont commis un crime et, dans les rares cas où ils sont jugés, ils encourent une peine de prison pouvant atteindre quinze années.
3. « La répression ne peut remplacer l’éducation », affirme avec raison M. Vallet à propos de la sexualité, mais en quoi selon lui consiste cette éducation ? « On doit mettre en garde les filles contre les tenues provocantes et les garçons contre les gestes déplacés. » Est-ce à dire que,
en cas de viol, les torts sont partagés, et que les « filles », nommées en premier, sont les plus fautives ? Est-ce à dire que les femmes violées « l’avaient bien cherché » si elles portaient une minijupe ou si elles marchaient dans la rue la nuit ? Non, M. Vallet, un viol ou une agression
sexuelle ne sont pas « des gestes déplacés ». Le viol est un crime, et votre texte, qui en est une apologie, est une faute.