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Appel contre les fondamentalismes

vendredi 1er avril 2005, par Dominique Foufelle

Il n’existe pas quelque chose comme le « choc des civilisations » : le choc dans le monde aujourd’hui se situe entre fascistes et anti-fascistes. La montée des fondamentalismes fait partie de la montée des mouvements d’extrême droite et de l’expansion de la politique libérale pro-capitaliste dans le monde aujourd’hui. Celle-ci inclut le fondamentalisme musulman qui est le contexte spécifique de la réalité que nous vivons.

Pendant plus de deux décennies, les femmes ont identifié les fondamentalismes comme des forces politiques de droite et d’extrême droite travaillant sous l’apparence de religion et de culture, plutôt que comme des mouvements religieux et spirituels qu’ils prétendent être. L’influence actuelle du fondamentalisme chrétien sur la politique des USA et la montée des politiques et des actes terroristes au nom de la défense de l’Islam ne font que confirmer cette analyse. De plus, les femmes ont constaté en diverses occasions, en commençant par la Conférence internationale de l’ONU sur la population et le développement, au Caire (ICPD), le soutien mutuel que s’accordent différentes formes de forces fondamentalistes et d’extrême droite.
Pendant plus de deux décennies, les femmes ont identifié comme des signes avertisseurs de fondamentalisme les politiques anti-femmes, qu’il s’agisse des attaques contre la contraception et l’avortement aux USA et en Europe, de la mise en place de codes vestimentaires et de voile forcé et d’attaques contre la liberté de circulation et contre les droits à l’éducation et au travail sous des régimes style Talibans. Les femmes se sont mobilisées massivement pour les femmes afghanes mourant de faim sous leurs burkas ou des femmes nigérianes condamnées à être lapidées pour relations sexuelles hors du mariage, tandis que de soi-disant lois religieuses envahissaient ces pays.

Pourtant nous sommes maintenant confrontées à un nouveau défi : ce qui semblait clair politiquement quand nous parlions de pays éloignés, perd de sa clarté quand les politiques fondamentalistes se rapprochent de l’Europe et des USA sous l’apparence d’identité culturelle « authentique », et le soutien apporté autrefois et aux victimes du fondamentalisme et à ceux qui leur résistent, dans le monde entier, s’évanouit sous le poids de considérations telles que le droit à « la différence » et un relativisme culturel.
Qu’arrive-t-il ? Le fondamentalisme musulman a ouvert un nouveau front en Europe et en Amérique du Nord. Il existe de nombreux signes avertisseurs, comme la demande de lois séparées soi-disant basées sur la religion pour résoudre principalement des questions familiales à l’intérieur de la communauté musulmane. L’expérience que nous avons dans nos pays montre qu’elles agiront de manière profondément discriminatoires et anti-femmes. A présent, les adeptes du fondamentalisme recherche le soutien de forces progressistes, au nom des valeurs mêmes que nous défendons : l’égalité, l’anti-racisme, la liberté de pensée, la liberté d’expression. Les organisations des droits humains, la Gauche et les forces progressistes en général, et maintenant même des féministes sont sollicitées pour soutenir l’agenda fondamentaliste.
Troublées par la discrimination et l’exclusion que subissent plus souvent que permis, les personnes issues de l’immigration en Europe et en Amérique du Nord, les forces progressistes à l’Ouest désirent vivement, et à juste titre, dénoncer le racisme. Mais il en résulte qu’elles choisissent souvent de sacrifier et les femmes et nos propres forces d’opposition démocratique intérieure nationale contre la dictature fondamentaliste théocratique, sur l’autel de l’anti-racisme. Ou elles censurent leurs expressions de solidarité avec nous de peur d’être accusés de racisme. Déboussolées par les invasions et les guerres néocoloniales, les forces progressistes sont prêtes à soutenir toute opposition contre les superpuissances.
Nous avons déjà dit que des intellectuels et des militants de gauche éminents admettent l’opinion que peu leur chaut que des régimes fondamentalistes théocratiques arrivent au pouvoir en Palestine ou en Irak, si seulement les USA et Israël sont boutés dehors. Nous avons été témoins que des représentants d’organisations fondamentalistes et leurs idéologues ont été invités et applaudis dans les Forum sociaux. Nous avons été témoins que des féministes éminentes défendaient le « droit de porter le voile » et cela nous rappelle tristement la défense du « droit culturel » des mutilations génitales féminines, il y a quelques décennies.
A ceux qui tentent de justifier leur confusion politique en disant que le fondamentalisme est un mouvement populaire, nous leur rappelons qu’Hitler a été élu par le peuple - i.e. par des moyens démocratiques – mais certainement pas pour le bien de la démocratie ! Nous osons ne pas être d’accord. Nous ne sommes pas d’accord en tant que femmes, c’est-à-dire les victimes les plus visibles des politiques fondamentalistes et nous ne sommes pas d’accord en tant que mouvement de personnes progressistes, démocratiques, anti-théocratiques.
A une situation d’exclusion ou d’oppression, on peut trouver plusieurs types de réponses : de la Gauche ou de la Droite ou l’extrême droite. On peut trouver des réponses qui ouvrent vers l’universalisme, l’humanité, la démocratie, les droits fondamentaux pour tous, ou des réponses faussées accrochées aux particularismes, à l’ethnicité, aux différences. Alors que nos diversités doivent être reconnues sans imposer l’homogénéité, nous ne devrions jamais oublier que la différence a été utilisée et exploitée brutalement par toutes sortes de forces d’extrême droite, du nazisme à l’apartheid, des états du sud pro-esclavagistes des USA aux fondamentalistes musulmans et aux idéologies anti-femmes - pour en citer quelques-unes. Nous devrions marcher à la lisière et ne pas tomber dans le piège dressé sous nos pieds par les fondamentalistes.

Nous ne soutiendrons pas une réponse d’extrême droite à des situations d’oppression. Nous ne soutiendrons pas l’arrivée au pouvoir de théocraties fondamentalistes. Elles remplaceraient seulement une situation terrible par une situation encore pire. Nous ne les soutiendrons pas comme réponses légitimes à l’oppression, l’exclusion, le racisme, l’exploitation et aux invasions. La terreur fondamentaliste n’est en aucune façon un instrument du pauvre contre le riche, du Tiers-monde contre l’Ouest, des gens contre le capitalisme. Ce n’est pas une réponse légitime qui puisse être soutenue par les forces progressistes du monde. Sa cible principale est l’opposition démocratique intérieure à leur projet théocratique et à leur projet de contrôler tous les aspects de la société au nom de la religion, y compris l’éducation, le système légal, les services de jeunesse etc.
Quand les fondamentalistes arrivent au pouvoir, ils réduisent le peuple au silence, ils éliminent physiquement les dissidents, les écrivains, les journalistes, les poètes, les musiciens, les peintres - comme le font les fascistes. Comme les fascistes, ils éliminent physiquement les « untermensch » - les sous-hommes - parmi leurs « races inférieures », les gays ou les handicapés physiques et mentaux. Et ils enferment les femmes « à leur place », ce qui, nous le savons d’expérience, se termine par la camisole de force. Comme les fascistes, ils soutiennent le capitalisme.

Il n’existe pas quelque chose comme le « choc des civilisations » comme Les Bush et le Ben Laden voudraient nous le faire croire. Le choc dans le Monde aujourd’hui est entre fascistes et anti-fascistes. Et c’est ce qui partage vraiment les frontières nationales, ethniques et religieuses. Nous appelons le mouvement démocratique en général, le mouvement altermondialiste réuni à Porto Alegre et plus spécifiquement le mouvement des femmes, à donner une visibilité et une reconnaissance internationales aux forces progressistes démocratiques et au mouvement des femmes qui en fait partie et qui s’opposent au projet fondamentaliste théocratique. Nous insistons auprès de vous pour que vous arrêtiez de soutenir les fondamentalistes comme s’ils étaient une réponse légitime aux situations d’oppression.

P.-S.

Femmes vivant sous lois musulmanes – janvier 2005 [1]

Notes

[1] Appel lancé au Forum social mondial 2005 et aux Dialogues féministes qui l’ont précédé.

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