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Classes laborieuses, classes dangereuses

jeudi 30 septembre 2004, par Dominique Foufelle

Avoir une employée de maison, y’a pas à dire, c’est le rêve ! Quand on rentre après une dure journée de labeur, la maison est propre, les petits ont pris leur bain, les grands ont fait leurs devoirs… Il ne reste plus qu’à se poser en leur compagnie pour se livrer à ce qui constitue l’essence de l’éducation et garantit l’épanouissement des bambins : l’échange et le dialogue. La conscience au repos, puisqu’on suit les conseils des magazines spécialisés : on passe peu de temps ensemble, certes, mais des moments de qualité. Dans ces conditions, on peut même se permettre de revenir aux grandes et belles fratries d’antan. Amen.

Avoir une employée de maison, y’a pas à dire, c’est le rêve ! Quand on rentre après une dure journée de labeur, la maison est propre, les petits ont pris leur bain, les grands ont fait leurs devoirs… Il ne reste plus qu’à se poser en leur compagnie pour se livrer à ce qui constitue l’essence de l’éducation et garantit l’épanouissement des bambins : l’échange et le dialogue. La conscience au repos, puisqu’on suit les conseils des magazines spécialisés : on passe peu de temps ensemble, certes, mais des moments de qualité. Dans ces conditions, on peut même se permettre de revenir aux grandes et belles fratries d’antan. Amen.
L’employée, quant à elle (ou quant à lui – mais c’est rare), quitte alors les lieux de son "emploi de proximité". En admettant que le terme ne soit pas mensonger et qu’elle n’ait pas un fort long trajet jusqu’à son domicile (en admettant, donc, que riches et pauvres se côtoient dans les mêmes quartiers), cela ne signifie aucunement qu’elle aussi ait achevé sa longue journée de labeur. Si elle a des enfants (ce qui n’est pas rarissime pour une femme), où diable les a-t-elle fourrés jusqu’à cette heure tardive ? Je n’ai pas entendu parler d’un effort sur les modes de garde publics – si ? Les a-t-elle confiés à une grand-mère, une voisine, ou à eux-mêmes, les grand(e)s veillant sur les petits ? Ou bien à la nounou cathodique ? Une chose est certaine : ce n’est pas avec son salaire d’ "emploi de proximité" qu’elle aura les moyens de créer à son tour un "emploi de proximité". Parce qu’avant de bénéficier d’un abattement d’impôts, il faut d’abord payer son employé(e) de maison. Ce qui n’est pas donné à tout le monde, et surtout pas à celles qui ont le triste privilège de ne pas être imposables.
La voilà donc qui retrouve sa marmaille, pas délivrée des devoirs, pas en pyjama, pas nourrie non plus. Branle-bas de combat ! Heureusement, notre employée modèle maîtrise l’art de faire cuire des nouilles tout en vérifiant les cartables. Ceci achevé, quel temps restera-t-il pour accorder à ses enfants des "moments de qualité" ? Sans les coucher trop tard, pour ne pas nuire à leur concentration en classe. Car les magazines populaires se sont chargés de lui inculquer à elle aussi les grands principes de la pédagogie moderne. Alors, elle sait que si ses mômes ne poursuivent pas de brillantes études, ça sera parce qu’elle n’a pas su leur apporter ce qu’il leur fallait pour réussir. Encore moins si elle forme une "famille monoparentale", infligeant à sa progéniture un traumatisme profond.
Elle a tout faux. Ses enfants à elle ne seront jamais aussi lustrés que ceux dont elle s’occupe. Ils ne fréquenteront pas les meilleures écoles. Ils n’apprendront pas la musique ni ne se distingueront sur les cours de tennis. On les orientera vers des métiers qu’ils n’auront pas choisis - d’ailleurs pourront-ils jamais les exercer ? Si elle rêvait d’une grande et belle fratrie, mieux vaut y renoncer ; le porte-monnaie et la pendule lui remettront les pieds sur terre.
On a de moins en moins besoin de forces de travail. L’armement moderne nous permet de nous passer aussi de chair à canons et les prisons sont pleines… Mesdames et messieurs de la " France profonde ", tirez-en les conclusions qui s’imposent : ne vous reproduisez pas plus que nécessaire. Allez plutôt torcher les mômes de l’élite qui sera la France de demain.

P.-S.

Dominique Foufelle - septembre 2004

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