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Ça bouge dans les campagnes !

vendredi 30 avril 2004, par Dominique Foufelle


Qui possède la terre, le droit de pêche, les machines et les outils ? Qui, donc, exploite les ressources naturelles à sa guise et à son profit ?
Les hommes, encore très majoritairement.
Et cet archaïsme ne connaît pas de frontières : il reste en vigueur aussi bien dans les campagnes françaises que dans les pays du Sud.
Mais voilà que des femmes de la terre et de la mer secouent le joug...
Le travail, elles le connaissent sur le bout des doigts, pour en exécuter, depuis des siècles, plus que leur part, d’un bout à l’autre de la chaîne.
Il s’agit maintenant d’en conquérir la reconnaissance, de leurs communautés et des pouvoirs publics… et bien sûr, les droits qui vont avec.

Comment comptabiliser les heures de travail d’une femme en milieu rural ? Pour beaucoup, dans les pays du Sud, la journée commence par la collecte de la ressource naturelle la plus indispensable à la vie : l’eau (Les porteuses d’eau, par Mélanie Navarro). Elle se poursuit avec les soins aux personnes, enfants et ancien(ne)s ; l’entretien de la maison ; le ravitaillement, qui dans les zones reculées, peut signifier des longues marches avec de lourdes charges (Genre et transport rural, Forum International pour le Transport Rural et le Développement) ; la cuisine, le linge, etc.
Entre, on "aide" sur l’exploitation, dans les champs, les étables ou les parcs à huîtres, mais aussi derrière la calculette et la machine à écrire, fréquemment chargée de liquider la "paperasse". Ou alors, on occupe un emploi, rarement gratifiant car il y a peu de travail "pour les femmes" en zone rurale, dont la rémunération si modeste soit-elle met du beurre dans les épinards, sans être pour autant dispensée des travaux agricoles. Première levée, dernière couchée : c’est encore le lot de millions de femmes des campagnes.

Travailleuses de l’ombre


Rien, donc, ne leur échappe de ce qui touche à l’exploitation familiale. Rien, sauf une chose : la propriété des moyens de production. La terre, le droit de pêche, ça se transmet encore de père en fils. La plupart restent "femmes de…", quelle que soit leur participation effective à l’exploitation.
La propriété, c’est la première des conquêtes, qui se heurte à un tabou plus ou moins clairement exprimé. Et on comprend qu’il y ait des réticences, car dès que les femmes possèdent la terre, leur place dans la communauté change radicalement (Burkina : le village où les femmes possèdent la terre, par Souleymane Ouattara). L’accès à l’autonomie, qui bouleverse les rapports de force au sein de la famille, permet aussi d’imposer des choix dans la production. Des choix politiques, liés à l’environnement, l’alimentation, la santé, la vie ("Politique agricole communaustère", par Anne Toromanoff).

A la conquête de la sphère publique


Quelle agriculture pour quel monde ? un débat crucial. Et si les femmes restent des travailleuses de l’ombre, elles ne peuvent y participer officiellement. C’est le cas de milliers de sans statut en France, exploitantes de fait mais pas en titre. Il a fallu attendre 1999 pour qu’un statut acceptable quoique perfectible soit créé, celui de conjoint collaborateur. Reste à convaincre les femmes elles-mêmes de le demander.
Outre des droits à une couverture sociale personnelle, ce statut ouvre celui à siéger dans les instances professionnelles, là où les options se prennent. Mais pour que les femmes s’y engagent, il faudrait remettre en cause un partage des tâches au sein de la famille qui se distingue rarement par sa modernité (Encore un effort pour être paritaire !, par Dominique Foufelle).
Que les femmes entretiennent le lien social, en milieu rural comme en milieu urbain, ça n’est ni une découverte ni une nouveauté. Occupant la plupart des emplois dans le domaine des services, développant des activités parallèles provoquant des échanges (vente directe, accueil touristique…), très présentes dans les associations et comités des fêtes, elles maintiennent une vie communautaire dans les villages tout en favorisant leur ouverture au monde extérieur. Mais qu’elles quittent la logique du dévouement pour celle de l’engagement, voilà qui est novateur et se heurte à des résistances (Agricultrice, un engagement citoyen, par Joëlle Palmieri).
Pour vaincre ces résistances, conquérir la reconnaissance de son travail et de ses droits, imposer ses propositions au sein d’un milieu macho, bref opérer une véritable révolution culturelle, certaines ont choisi la stratégie du réseau (Femmes de la mer, à l’abordage !, par Dominique Foufelle). Elles sont de plus en plus nombreuses à s’organiser, franchissant les frontières et les mers. L’avenir leur appartient !

Sur les femmes dans le monde rural, consultez aussi les dossiers :
Travailleuses de tous les pays…
Actrices du développement durable
Africaines : créativité contre discriminations

P.-S.


Dominique Foufelle – avril 2004

Photo : Corinne Provost

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