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Forum Social Mondial 2004 - suite

samedi 31 janvier 2004, par Dominique Foufelle

De plus en plus, non seulement présentes, mais visibles dans les forums sociaux, les féministes posent les bases de stratégies communes. Il s’agit de renforcer nos unions pour alerter l’opinion publique sur les discriminations certes, mais aussi imposer thématiques et propositions au sein même des mouvements sociaux. Un processus en marche et qui donne déjà d’encourageants signes de croissance.

Tout comme en novembre 2003, le Forum social européen II, le Forum social mondial IV s’est ouvert sur une Assemblée féministe (Deux jours de Dialogue Féministe, par Malin Björk). Ces rencontres servent à rassembler, non seulement les personnes, mais les idées. A dresser un état des lieux, mais aussi à émettre des propositions. Et surtout, à voir comment faire avancer les choses ensemble (Les groupes féministes élaborent des stratégies d’organisation, par Mavic Cabrera-Balleza). Cependant, si elles précèdent l’événement , elles restent, en somme, à la marge. Et cela bien sûr ne peut s’éterniser.
Il y a, c’est patent, de plus en plus d’ateliers, voire de séminaires, consacrés à des thématiques incluant, de la "question du genre" au féminisme pur et simple. Le champ s’élargit des sujets traditionnels (droits reproductifs, violences…) à ceux sur lesquels il ne semblait pas utile à tout le monde, hier encore, d’apporter un éclairage féministe, en particulier la sacrosainte économie (Commerce international : les femmes passent à l’action, par Jivka Marinova).
Fort bien. Mais il va falloir passer à la vitesse supérieure. L’entrée des thématiques et propositions féministes dans les thématiques et propositions considérées comme communes (quand bien même, elles restent majoritairement élaborées par des hommes), non plus comme des revendications émanant d’une sorte de minorité opprimée, mais comme des pistes vers "l’autre monde" sur lesquelles tous comme toutes voient intérêt à s’engager. Pour cela, il va falloir s’éparpiller de nos assemblées pour prendre la parole dans les assemblées dites "mixtes" (c’est-à-dire, là où les hommes sont majoritaires à la tribune et dans la salle, là où les problématiques ne sont pas annoncées comme "genrées"), hors des réserves qu’on nous a accordées. Influer sur l’organisation même des mouvements et des forums sociaux pour favoriser la diffusion des analyses développées et des propositions adoptées lors de nos rencontres (Des paroles à l’action, par Mirjana Dokmanovic).

Pas de fourmi ou pas de géant ?


Mais ne désespérons pas : ça vient…
Shirin Ebadi n’a pas tardé à mettre à profit la notoriété de son Nobel pour dénoncer l’utilisation de la religion pour justifier les discriminations envers les femmes. En des termes non équivoques, elle situe leur origine dans la culture patriarcale, sortant ainsi le débat du communautarisme où il s’enlise (Shirin Ebadi appelle à mettre fin aux discriminations sexistes, par Mirjana Dokmanovic).
L’(Appel de l’Assemblée des Mouvements sociaux) ne se contente pas d’affirmer son soutien aux luttes des femmes : il désigne le patriarcat au nombre des ennemis à abattre. Nous en avons pris bonne note. Et la différence est énorme ; la même qu’entre réclamer du pain pour les populations affamées, et exiger le droit des peuples à l’autodétermination dans leurs politiques agricoles, par exemple.
Du côté de la jeunesse, ça bouge aussi. Il y avait, à Bombay comme à Porto Alegre, un "camp des jeunes" qui rassemblait, comme au Brésil, des jeunes gens majoritairement de la région ou du continent d’accueil. Non seulement le nombre des jeunes filles y était notable (presque la parité !), mais encore elles ont (im)posé des débats sur la mixité et l’égalité (L’égalité de genre à l’ordre du jour du Camp des Jeunes, par Malin Björk).

Tout cela ne va pas sans tensions. En Inde, bien évidemment, où une société codifiée à l’extrême laisse peu de marge à l’expression personnelle, encore moins à la rébellion. Mais à y regarder de plus près, ces coutumes discriminatoires que nous jugeons barbares, en avons-nous ici arraché les racines ? (Femmes impures, par Malin Björk)
C’est pourtant bien à ce forum, fréquenté majoritairement par des continentaux, que non seulement les questions de parité ont été posées clairement au sein du camp des jeunes, mais encore qu’ont été abordés des sujets jusque-là, si ce n’est tabou, considérés comme secondaires (Les droits sexuels au programme, par Malin Björk).
Les médias ont abondamment dégoisé sur la "crise de croissance" du mouvement altermondialiste et des forums sociaux. Pour reprendre la métaphore… Le jeune mouvement semble montrer des dispositions à dépasser précocement le stade de la toute-puissance – contrairement à son ennemi juré le néolibéralisme qui lui, pique sa colère et menace du pire à la moindre contradiction, alors qu’il en a largement dépassé l’âge. Le premier aspire à se détacher de ses idoles, quand le second en brandit sans cesse de nouvelles, plus frelatées les unes que les autres. Reste à convaincre que l’alliance s’impose.

P.-S.

Dominique Foufelle - janvier 2004

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