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En revenant du Forum

dimanche 30 novembre 2003, par Dominique Foufelle

Mais que se passe-t-il donc lors de ces Forums sociaux ? Sont-ils devenus des rendez-vous rituels, où les ténors des mouvements sociaux font l’opinion, tandis que des éléments incontrôlés en menacent la quiétude – pour schématiser encore l’image réductrice qu’en donnent les médias ? Ou restent-ils des points de rencontres, d’échanges d’idées, d’élaboration de stratégies… bref, de véritables foyers de subversion, où s’élabore, avec le temps qu’il faut pour, un autre monde qui ne serait pas qu’une formule heureuse ? Ils sont, et surtout seront ce que chacun(e) y apportera…

L’ouverture officielle du Forum Social Européen (FSE) 2003, c’était le mercredi 12 au soir, en différents lieux, chaque ville d’accueil ayant tenu à créer son propre événement festif, où des personnalités viendraient en hors d’œuvre haranguer la foule…
Le travail avait pourtant déjà commencé dès le matin, à Bobigny, avec l’Assemblée européenne des femmes. Saluons la performance : rassembler quelque 3000 personnes, en dépit d’un temps épouvantable (à croire que Bush avait soudoyé tous les dieux passant à sa portée !), fallait le faire ! Ça vous paraît pauvret au regard des 60.000 participant(e)s annoncé(e)s pour le FSE ? Nous aussi, mais il faut croire que le sujet (les droits des femmes, donc, pour résumer grossièrement) n’intéresse pas l’ensemble des altereuropéen(ne)s, partie ici majoritairement représentée des altermondialistes (terme naturellement "neutre" en français, ouf !).
C’est là que le bât blesse : les droits des femmes, ça reste "notre" affaire ! Comme si ça ne concernait que "nous". Comme si, et c’est pire, les propositions féministes n’avaient pas d’eau à apporter au moulin de l’altermondialisme. Il n’y eut, cette fois encore, pas de parité aux tribunes, surtout pas de prise en considération du féminisme comme composante des mouvements sociaux (Intégrer le genre dans l’altermondialisation, par Annick Coupé).

Le féminisme reste insoluble dans la célébrité


Il y eut plus crapuleux encore : le lâchage, lors d’un débat (si cela méritait cette noble appellation) organisé par Daniel Mermet et diffusé en direct sur France Inter, d’une militante, qui se signale depuis belle lurette par la cohérence de sa pensée pointue (notre amie Michèle Dessenne), par ses camarades de lutte, face à leur invité diaboliquement consensuel, Tariq Ramadan (La pyramide posée sur sa pointe, par Mona Chollet).
Peut-être faut-il imputer à la fatigue générée par la réunionite intensive au cours de longues années, au détriment de la réflexion triviale sur l’ici et maintenant, cette lâche défection et cette stupéfiante adhésion à des thèses relevant du communautarisme le plus évident ? Peut-être cette pratique du militantisme s’apparente-t-elle à l’onanisme ? Ce qui expliquerait qu’elle rende sourd – notamment, aux arguments avancés, avec une circonspection méritoire, par les féministes (Enjeux de la présence de Tariq Ramadan au FSE, MFPF, Cadac).
Sourd(e), c’est qu’on devient à ne plus entendre que les voix les plus fortes, en terme de décibels, à ne plus prêter l’oreille aux voix dissidentes, celles qui rapportent humblement des réalités, terribles (Conditions sociales, économiques et juridiques des femmes face au fondamentalisme en 2003 - Le cas algérien, par Chams Benghribil), sans viser le consensus.

Des urgences universelles


Bon, mais balayons devant notre porte pour commencer…
La formule de l’Assemblée "en marge" du FSE, qui prenait acte de l’importance des thèmes féministes, aurait pu (dû) permettre de porter des revendications et propositions au sein du FSE… Certes, cette intrusion n’était guère souhaitée. Mais nous sommes-nous donné les moyens de la mener ?
Nos débats furent-ils assez fouillés, assez ouverts surtout ? Nous n’en sommes, nous aussi, qu’au début d’un vrai dialogue avec toutes les citoyennes d’Europe. Du moins la convergence des thèmes d’urgence fut-elle évidente : les violences (La prostitution, est-elle une violence ou un métier comme les autres ?, par Jivka Marinova), (Atelier sur les violences faites aux femmes, par Jivka Marinova) ; la paupérisation (Capitalisme néolibéral et féminisation de la pauvreté, par Mirjana Dokmanovic – en anglais), (L’impact de l’élargissement européen sur l’accès au marché du travail sur les femmes en Bulgarie, par Jivka Marinova – en anglais)… sévissent sur tout le continent. A mettre en perspective, non seulement avec la mondialisation, mais avec la montée des nationalismes – d’où une mobilisation unanime contre les commautarismes – nous y revenons.
Ce n’était pas une découverte – mais Les Pénélopes ont fait de la confrontation des témoignages des femmes d’Europe l’enjeu de cette rencontre. D’où la volonté d’y convier des représentantes d’organisations d’Europe de l’Est. Pour confronter les points de vue (Analyses féministes croisées, par Sonia Ruiz – en anglais), et surtout pour en tirer des enseignements indispensables à la non moins indispensable cohésion des forces (Féministes et altermondialistes européennes : le défi, par Joëlle Palmieri).
Il n’y eut pas que de tristes constats, mais aussi des échanges d’expériences positives, riches d’espoir (Réseau Femmes et économie solidaire : encore des liens, par Josefina Gamboa), outrepassant le cadre de l’Europe (Economie solidaire jusqu’avec la Palestine, par Joëlle Palmieri).
Il y eut une contribution (remarquée) à des réflexions qui s’imposent, au moins dans les discussions "off"… Comment communiquer, nous-mêmes, efficacement, fidèlement, sur nos actions : (Comment affirmer la présence des mouvements sociaux sur le net ?, par Christina Haralanova – en anglais) ; (SPIP : un logiciel pour la société civile, par Christina Haralanova – en anglais) ? Comment communiquer entre nous, sans trahir nos pensées, en tenant compte de la diversité des langues (Babels : troisième génération, par Emmanuelle Rivière, Silvia Prati et Stéphanie Marseille) ?
Comment aussi, répondre au sentiment grandissant que les forums sociaux se résument à des réunions d’initiés (Qui a la parole ?, par David Boutigny) ? Comment ouvrir (Est-il possible de démocratiser les forums sociaux ?, par Joëlle Palmieri) ?
Cette ouverture, cette démocratisation, les femmes, exclues parmi les exclus, ne pouvaient que l’identifier comme une priorité. Leur parole sera-t-elle entendue ? Prochain rendez-vous convenu : le FSM, en janvier 2004. Et avant, et après, convaincre au jour le jour, disent-elles…

A lire aussi :
(Les rroms en Europe : cadre juridique et contexte politique, par Saimir Mile)
(Politique rromani et Forum Social Européen, par le Dr Marcel Courthiade)
Appel de l’Assemblée des acteurs et mouvements sociaux

P.-S.

Dominique Foufelle - novembre 2003

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