Dans l’historique anti-fasciste du Scalp Reflex, membre du Réseau No Pasaran, il était une évidence qu’il ne suffisait pas de vaincre le fascisme pour vaincre le capitalisme. Aujourd’hui, l’organisation politique traite le sexisme de la même manière, c’est-à-dire, comme une des nombreuses formes de domination. « Nous n’avons pas de projet de société », affirme Gildas Kerleau, jeune militant du réseau libertaire. Le féminisme n’est donc qu’un mouvement, fort légitime, de lutte d’un groupe social (« pour éviter de parler de classe »), les femmes, contre leur oppression spécifique. Pour ce qui concerne les hommes, bien évidemment ça les concerne comme la société dans son ensemble. « Le féminisme est une grille d’analyse de la société. Il aide à comprendre les rapports sociaux et humains », explique Gildas. Tout en prenant le temps de réfléchir, il ajoute : « la question de l’oppression de la femme, c’est le conflit vis-à-vis des hommes, en tant que mâles ». Etre un homme anti-sexiste consiste donc à prendre en compte la manière d’avoir été contraint en tant que personne de sexe masculin, « mâle dominant », à adopter des comportements de domination par rapport aux femmes. Un long travail de prise de conscience. Le petit livre violet « tout savoir sur le féminisme quand on est homme » commence à s’effeuiller…
Construire la personne anti-sexiste
Très sérieusement, Gildas explique qu’il faut « s’arrêter et analyser ses comportements ». Alors, « l’anti-sexisme permet de comprendre que t’es construit, en tant que groupe social, et donc, t’as beau essayer de transformer la société, c’est impossible de faire en sorte de ne plus avoir de genre ». Dont acte ! Ensuite, il s’agit de déconstruire « l’individu », perçu ici au sens individualisme/concept moderne, pour construire la personne. Ça sent le Benasayag à plein tube. « L’individu est une construction particulière, au centre du monde, tout le reste composant un décor. La personne ne se situe pas au centre du monde, elle s’intègre dans des réflexions collectives ». Pas mal. « A quoi peut ressembler cette personne ? ». Bonne question. « Dans un monde fantastique, émancipé, on peut imaginer cette personne sortie de son rôle d’individu – ok – mais, on ne sait pas comment cela pourrait fonctionner, s’organiser ». Retombée. « Il faut investir de nouvelles formes de résistance ! Il n’existe pas de projets de société clés en mains. » Dommage, la recette était au bout du tunnel. Alors, être anti-sexiste permet de comprendre les systèmes de domination et donc le capitalisme. 2-0. Et ce qui devient intéressant, c’est de comprendre « qu’est-ce qui dans le capitalisme influe sur notre conscient, et donc ce sur quoi on n’a pas prise ». Cqfd. Ainsi, tous conscients et travailleurs de conscience qu’ils sont, ces militants, ceux du Réseau, ont des « difficultés à imaginer comment ça pourrait être autrement ». On les comprend. D’autant que le libertaire ajoute : « l’anti-sexisme est une méthode ! ». Bingo ! Un courant de pensée ? « Non. Ça va bien au-delà ! ». Same player shoot again. Malgré tout, « dans mon organisation, on n’a pas envie de défendre une idéologie globale qui expliquerait le monde dans son ensemble, donc le féminisme représente un des éléments originaux, mais n’est pas au centre ». On n’a pas tout perdu. « Il n’existe pas de forme de domination principale. Résoudre les problèmes hommes/femmes ne résout pas tout ». Dommage encore. « C’est pareil concernant les oppositions Noirs/Blancs, ouvriers/bourgeois ». Ah. De plus, comme le capitalisme ne connaît pas de socle, « ce n’est pas parce qu’on aura abattu le patriarcat, qu’on aura vaincu le capitalisme. Pour preuve, le patriarcat a existé avant le capitalisme ». Combien d’inconnues à l’équation ? « Si, par exemple, on retourne - retourne ? - à un système féodal, on n’aura pas beaucoup avancé ». Ça, c’est sûr. Fin de la démonstration.
Et dans l’organisation ?
Le réseau connaît une commission « anti-patriarcat » assez active, en particulier contre le publisexisme (néologisme inventé par ses soins), dont Gildas n’est pas membre. Quoi qu’il en soit, le Scalp Reflex, comme le réseau No Pasaran, comptent une proportion non négligeable de femmes. La parité n’est pas atteinte pour autant. « La question est : est-ce que on est plus forts parce que les femmes ont trouvé une place à l’intérieur de l’organisation ou qu’on leur a donné ou qu’elles ont les moyens de la prendre ? ». Un résidu des luttes des années 70 ? A suivre.