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Forum Social Européen

A quand l’alliance entre pratique et discours ?

vendredi 8 novembre 2002, par Joëlle Palmieri

En cette première journée du Forum social européen, les bonnes rencontres comme les mauvaises surprises se succèdent. Ainsi, les paradoxes entre formes et contenus se bousculent et l’hypothèse d’un autre monde en marche se révèle capricieuse. A suivre....

Comme à l’accoutumée, ce qui est passionnant dans un forum social, c’est de rencontrer des personnes, toutes plus intéressantes les unes que les autres, dans les couloirs, au détour d’un hangar, à la sortie d’une salle de presse bondée, dans la queue pour pénétrer dans l’antre, le long des tables de buffet, dans les rues pour s’y rendre… Et, avec un peu de chance, c’est autour d’une bière, parfois d’une caïpirinia, ici d’un Campari, que la magie s’opère. Plans sur la comète et projets de société à la pelle, coups de gueule, fermes prises de décision, élaboration d’une foison de stratégies révolutionnaires…Bref, la construction d’un autre monde possible est en marche.
Mais, à y regarder de plus près, les idées pour transformer le monde se heurtent de plein fouet avec les formes des espaces où elles sont censées s’exprimer. On assiste en effet à une espèce de remix de vieux réflexes de guerre froide. Doit-on, en effet, systématiquement entrer dans des systèmes d’opposition, transparence/efficacité, discussion/construction du réseau, échange/élaboration de stratégies communes, autrement dit centralisme démocratique/transversalité libertaire ? On assiste ainsi, par exemple, à une plénière sur la communication – qui critique l’hégémonie américaine sur le terrain culturel, la répression des alter-mondialistes et la réduction des droits à l’expression…- où les intervenants, fort heureusement paritaires femmes/hommes, agglutinés à une ridicule table de bureau, se relaient à une sorte de barre – qui, les mains dans les poches, qui, la tête dans son papier, qui, la bouche en cœur à proférer des propos hors sujet… -, pour parler dans un micro, debout devant 2000 personnes assises et muettes, sans aucun outil d’expression. Le paradoxe se révèle d’autant plus énorme qu’il s’agit de com-mu-ni-ca-tion !
Et, parce qu’une contradiction ne vient jamais seule, quand LA première conférence de presse du forum social – la vraie, celle qui s’adresse aux « vrais » journalistes - se présente, le spectacle, sans lumière, continue sa course vers la désaffection. Il y a là, des personnes – une par plénière -, « choisies » par l’organisation, pour relater les travaux des différentes ateliers du premier matin. Affligeant ! Qui fait le choix desdites personnes ? Mettrait-on en avant une quelconque notion de notoriété basée sur une subjectivité méconnue ? Les autres composantes des tribunes ont-elles été consultées ? Que nenni…Qui décide qu’une personne suffirait à représenter la diversité des interventions ? Qui assume de donner cette représentation d’un forum, qui plus est social, à la presse, dite « bourgeoise et corrompue par le grand capital » ?
Décidément, la construction d’une démocratie populaire au service d’un autre monde possible, mais surtout nécessaire, demande la révision collective, déterminée et définitive de nos pratiques. Si cet effort, indissociable de nos stratégies de changement social, n’est pas accompli, vous pouvez circuler… y’a rien à voir !

P.-S.

Joëlle Palmiéri - Apress -7 novembre 2002

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