En tant qu’association abolitionniste, qui considérons que :
la prostitution est le plus vieil esclavage du monde ;
la prostitution résulte d’un système prostitutionnel patriarcal reliant oppression économique des femmes, violences, idéologie sexiste : dichotomie entre maman/putain -dame/demoiselle.... ;
aucune femme, aucune prostituée n’est une putain, c’est-à-dire une " femme faite pour cela " ;
toute forme de prostitution est une atteinte à l’intégrité (physique et psychique) de la personne ;
nous lançons un appel au gouvernement et à nos concitoyen-nes.
"Clients", acheteurs…
Vous êtes les principaux coupables, vous etes les "prostituants".
Sans acheteurs, pas de "marché aux femmes", pas de réseaux proxénètes, pas de jules.
Clients : sachez que les prostituées sont dégoûtées par vous, par ce que vous leur demandez de faire.
Clients : le SIDA, les MST, c’est par vous qu’ils sont propagés aux femmes prostituées et aux autres.
Vous êtes des esclavagistes, et des assassins, mais rassurez vous, aucune prostituée ne vous le dira…
Intellectuel-les…
Sachez "écouter " une personne sous pression…
La parole d’une personne sous contrainte ou sous pression, physique ou psychologique, n’est pas à interpréter comme une libre expression.
Il y a deux points que les prostituées disent très clairement :
elles sont opposées à l’enfermement dans les maisons closes ;
pour les étrangères, elles souhaiteraient gagner leur vie autrement en France.
Sachez décrypter le discours de l’industrie du sexe...
Le lobby de l’ "industrie du sexe" répand l’idée que "les prostituées n’ont aucun droit, il faut légaliser le métier pour leur en donner". C’est faux. Ce qu’il veut en réalité, c’est légaliser le crime de proxénétisme et enfermer les femmes dans la prostitution : comment sortir de la prostitution quand on a été inscrite comme " bénéficiaire " d’un statut professionnel spécifique de prostituée ?
Politiques...
Respecter la convention abolitionniste de 1949
L’optique abolitionniste est opposée à toute répression visant les prostituées.
La politique de répression du "racolage" lancée par le gouvernement, la "chasse aux prostituées" doit cesser, elle a déjà provoqué des violences policières contre les prostituées.
Concernant l’expulsion des étrangèr-es, nous rappelons au gouvernement et au législateur que la France s’est engagée par la Convention abolitionniste de 1949 à protéger les étrangères victimes de trafic.
Concernant les arrêtés interdisant les centres villes aux prostituées : il ne faut négliger ni la situation des riverains d’une part, ni les risques pour les prostituées dans des lieux isolés d’autre part ; mais il faut aussi bien comprendre, que faire le jeu des macs en leur ouvrant les "trottoirs en or", c’est mettre un bien plus grand nombre encore de femmes en danger de devenir la proie de ces réseaux !
C’est pourquoi, nous demandons un interdit pour "casser le marché", mais un interdit visant les clients, et non les personnes qui se prostituent.
Casser le marche : éloigner les clients
Tant que les clients ne seront pas inquiétés, la lutte contre les réseaux sera vaine. Si les trottoirs de France cessent d’être des " trottoirs en or ", les réseaux se déliteront d’eux-mêmes.
La prostitution est un marché : il faut le casser.
Il y aura toujours de " l’offre" potentielle car celle-ci résulte de la pauvreté dans le monde, de l’oppression économique des femmes allant de pair avec les violences qu’elles subissent. Il faut agir sur la " demande " : interdire l’achat, éloigner les clients.
L’interdit protège : "Si c’était interdit, je ne serais pas là. Je serais libre." expliquait une jeune Albanaise, " Tant mieux, s’ils ferment, je repars en Roumanie. Bien sûr qu’il faut interdire la prostitution, vous croyez que c’est bien qu’une jeune fille comme moi passe ces nuits dans la rue, à la merci de tous les cinglés ? ", disait une autre jeune femme interviewée par le Nouvel Obs (22/8/2002).
En pratique, il faut éloigner les clients des prostituées :
1. dans un premier temps en utilisant les textes pénaux actuels contre le racolage et contre l’exhibition sexuelle, mais dans les deux cas, uniquement à l’encontre des clients.
2. dans un second temps en créant un délit d’achat d’acte sexuel.
Simultanément à l’éloignement des clients, une aide d’urgence aux prostituées doit être mise en place.
La police doit recevoir instruction immédiatement d’éloigner les clients des prostituées, sur le fondement de l’article R 625-8 réprimant : "Le fait, par tout moyen, de procéder publiquement au racolage d’autrui en vue de l’inciter à des relations sexuelles …". Sa mission prioritaire doit être d’empêcher le racolage par le client : l’objectif n’est pas de "réprimer", une fois le délit commis, mais de l’éviter.
Dans l’esprit de ses auteurs, le texte sur le racolage visait évidemment les prostituées, il correspond à l’"ordre moral qui punit la victime, en l’accusant d’inciter l’homme à la débauche, il est inutile dans la mesure où les textes réprimant l’exhibition sexuelle suffisent à assurer l’ordre public.
Dans l’immédiat, l’utilisation de ce texte contre le client (dans une perspective inversée par rapport à celle de l’ordre moral traditionnel), permet à la police d’agir et a une vertu pédagogique.
Il faudra le remplacer par un texte clair, posant l’interdit d’abuser de son pouvoir économique pour porter atteinte à l’intégrité d’autrui.
Défendre le droit de ne pas être prostituée
Le premier droit concernant la prostitution, est le droit de ne pas être prostituée.
Le droit de ne pas y entrer, poussée par le "système prostitutionnel" à ce "viol autorisé par moi-même" qu’est la prostitution . Le droit d’en sortir. La seule situation de sécurité dans la prostitution, c’est de ne plus être prostituée, donc exposée à la violence des clients, à la contamination accidentelle par le SIDA.
Nous mettons en garde le gouvernement contre toute mesure renforçant le "système prostitutionnel", en particulier les politiques familiales détruisant l’autonomie financière des femmes.
Nous lui demandons de développer au contraire la lutte contre les discriminations sexistes et homophobes dans l’entreprise, contre le harcèlement, l’éducation antisexiste des jeunes, l’aide aux drogués (produits de substitution...), les moyens de la police contre la traite des êtres humains.
Le droit de disposer de son corps n’est pas en cause dans la législation sur la prostitution, car il existe : la prostitution de soi même n’est pas illégale, elle est déjà libre. Et elle doit le rester, non parce que se prostituer serait une manifestation de liberté (ce qu’elle n’est pas), mais parce que ce n’est pas une faute relevable contre autrui. Il ne faut pas confondre la "liberté" de se prostituer, avec la revendication de la "liberté du commerce du sexe" : celle-ci signifie légalisation du proxénétisme (il n’y a plus de proxénète mais des employeurs), accès à la voie publique, publicité, et même aides aux entreprises…
La prostitution ne peut faire l’objet d’un commerce reconnu par le droit. Certes la prostitution ne consiste pas à céder son corps, mais, comme le viol, elle constitue une atteinte à l’intégrité de la personne. Or l’intégrité d’une personne n’est pas dans le commerce. Il ne peut être reproché à une personne (au nom d’un quelconque ordre moral invoquant la "dignité" de la personne contre sa propre liberté) d’avoir accepté que l’on porte atteinte à sa propre intégrité, mais elle ne saurait y être contrainte par un engagement, même si elle a consenti à cet engagement sans contrainte. Imagine t-on une convention collective de la prostitution réglementant la cadence maximale des passes qu’un "employeur" pourra imposer à ses "travailleuses du sexe" ?
De plus, le "système prostitutionnel" comprend des éléments de violence physique ou mentale, de contrainte économique ou autre, et de dol (de tromperie) des femmes, tels, qu’aucun consentement ne semble pouvoir en réalité être exempt de vice. Si l’idéologie du don de soi, toutes les lois qui "organisent" la dépendance et l’appauvrissement des femmes, si l’exploitation de la dissociation mentale résultant de violences antérieures, ne sont pas des manœuvres dolosives : alors qu’est ce qui en est ?!
La réglementation de la prostitution est un cas des plus caractéristiques de dol légal : " Si la prostitution était un métier, je n’aurais jamais pu arrêter. Toute ma vie, je me serais crue bonne qu’à ça. La loi m’aurait dit que c’est une activité comme une autre, je me serais résignée."
Compte tenu du déséquilibre des forces entre acheteurs et prostituées, une seule disposition est de nature à prévenir des consentements viciés : l’interdiction de l’achat.
En réalité, une quantité d’hommes (y compris politiques) ne pense pas qu’il y a un droit à ne pas être prostituée, mais au contraire, qu’ils ont eux, un "droit à" la prostitution. Le système prostitutionnel sert à fabriquer la quantité de "putains" nécessaire pour satisfaire ce "droit" des hommes .
Son rabâchage du thème du "métier" sert à dire qu’il y a des "femmes faites pour ça", les "demoiselles", les "putains", différentes des "dames" portant le nom de leur mari : l’injure "putain" devient essence, le stigmate n’est pas levé : il est prouvé… La "reconnaissance" de la prostitution comme métier est martelée depuis des siècles : chacun peut constater qu’elle ne réduit en rien la stigmatisation des prostituées.
Favoriser l’accès des personnes prostituées au droit commun
Contrairement aux mensonges répandus par ceux qui veulent légaliser l’exploitation sexuelle, en France les personnes qui se prostituent ont des droits, les droits de toute personne, les droits appelés "communs" par les juristes.
Comme toute personne en France, les prostituées ont droit : à la protection de la police contre les violences ; à l’aide et la protection sociale (RMI, CMU, allocations familiales etc.) ; au régime "travailleur non salarié" de droit commun, avec son assurance sociale (ce qui leur permet d’avoir comme tout le monde des avis d’imposition présentables pour une location ou un prêt) ; aux régimes d’assurance sociale volontaire.
Comme toutes les personnes fragilisées, les prostituées ont des difficultés à faire respecter effectivement leurs droits : ces difficultés sont dues d’abord aux proxénètes qui les violentent, mais également à la mentalité dominante qui les considère encore comme des parias.
La politique à mener doit être d’aider les prostituées à bénéficier effectivement des droits de toute personne.
Un statut spécifique est totalement inutile pour reconnaître ces droits, qu’elles ont déjà.
Il serait une marque au fer rouge sous la forme d’un CV indélébile de "travailleuse du sexe".
Il ne faut en aucun cas que la "reconnaissance de droits" aux prostituées soit un piège qui les enferme dans la prostitution, une duperie qui ne servirait en fait qu’à permettre aux proxénètes (sinon les encourager à ) d’exploiter plus tranquillement un plus grand nombre de femmes.
Reconnaître la dignité, le respect dû aux prostituées, ce n’est pas institutionnaliser leur oppression, c’est leur assurer effectivement les droits qu’elles ont comme toute personne, mettre fin au mépris qui mène à leur discrimination de fait.
A cette fin :
1. L’Etat doit développer les services de soin et d’aide destinés aux femmes (et hommes) victimes de violence, ou en difficulté (toutes les difficultés et violences, y compris celle de la prostitution).
2. L’Etat doit mener des actions de formation et d’information, des personnes prostituées elles mêmes, du public (jeunes en danger, clients…), des intervenants sociaux et des policiers.
3. L’Etat et l’URSSAF doivent cesser d’être proxénètes en obligeant les prostituées à leur verser des taxes et des cotisations. Les prostituées doivent continuer à avoir la faculté de s’inscrire comme "travailleur non salarié", volontairement, mais n’avoir nulle obligation de le faire.
4. La législation sur le proxénétisme pourrait être affinée, afin qu’elle ne nuise pas inutilement aux prostituées : louer un logement ou être "videur" pour une prostituée à des prix normaux, sans l’exploiter, pourrait être décriminalisé.
5. Le Code civil pourrait préciser qu’un contrat ne peut être annulé au détriment d’une prostituée, du fait de la prostitution. A l’article 1133 " La cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes mœurs ou à l’ordre public.", serait ajoutée la phrase "La contravention aux bonnes mœurs ne saurait être opposée aux personnes prostituées.". Ce texte signifierait que l’argent de la prostituée n’est pas "sale". Il servirait à garantir aux prostituées la validité des contrats d’assurance de type professionnel qu’elles pourraient souscrire.
6. Nous souhaitons que les tribunaux continuent à juger que les prostituées ont droit, comme toute personne victime de mauvais traitement, à dédommagement de la part de proxénètes et à remboursement des sommes qu’elles leur ont indûment versées.
7. Sur le plan de la sécurité, le système français permettant la poursuite des proxénètes sans plainte de leurs victimes devrait servir de modèle à d’autres pays.
Consulter le site du C.E.R.F. : http://c-e-r-f.org