Accueil du site > Dossiers > Sous dossiers > Pour une mondialisation sociale et solidaire

Réseaux

Pour une mondialisation sociale et solidaire

mardi 9 avril 2002, par Dominique Foufelle

Du 9 au 12 octobre 2001, s’est tenue, à Québec, la rencontre internationale sur la globalisation de la solidarité. Son objet : créer une structure internationale de l’économie sociale et solidaire, susceptible de représenter les alternatives portées par tous ses réseaux au plus haut niveau de décision économique internationale.

Deuxième du genre, la rencontre internationale sur la globalisation de la solidarité, qui réunissait plus de six cents personnes, acteurs de terrain et chercheurs du Sud et du Nord, s’inscrivait dans une dynamique nouvelle : renforcer les réseaux de l’économie sociale et solidaire en créant une coordination et une structure internationale permanente interpellant les grandes institutions internationales comme l’OMC, le FMI ou encore la Banque Mondiale. Le but du Grupo Red de Economia Solidaria del Perù et le Groupe d’économie solidaire du Québec, les organisateurs, était clair : l’économie sociale et solidaire doit émerger, affirmer ses valeurs participatives, démontrer sa diversité, partager ses expériences et ses succès, sortir du " micro ", pour s’engager dans une démarche de reconnaissance des sociétés de personnes.
Dans la continuité des travaux entamés quatre ans plus tôt, en juillet 1997, à Lima au Pérou, lors du " Symposium international sur la globalisation de la solidarité " qui avait regroupé plus de deux cents personnes de trente-deux pays du monde, les participants ont confronté leurs réflexions et pratiques dans les domaines aussi variés que les rapports Nord/Sud, les financements, l’environnement, le développement local, l’emploi, la démocratisation du développement, l’habitat, les services de proximité, le rôle des politiques publiques, le transfert mutuel des savoirs... Quel que soit le terrain, il s’agit de fortifier les échanges, de consolider des formes de coopération équitables, de rendre accessibles les ressources financières et techniques indispensables au développement d’une économie qui dépasse la simple question de l’offre et de la demande. Il s’agit ainsi de renforcer " la position de l’économie sociale et solidaire sur les terrains politique, éthique et culturel " et d’" affirmer la solidarité des sociétés du Nord et du Sud autour d’une alternative à la mondialisation libérale ".

Une réponse au libéralisme


Selon Sandra Quintela, socio-économiste brésilienne, membre du Pacs, Institut de politiques alternatives pour le Cône sud,"l’économie est un système de gestion de la vie quotidienne, qui met en relation les ressources naturelles et les besoins des gens." L’économie sociale et solidaire tente de renouer avec ces principes initiaux, complètement occultés par le système dominant. En effet, krachs boursiers après krachs boursiers - Mexique en 1994, pays de l’Est en 1997, Asie et Brésil en 1998, aujourd’hui aux Etats-Unis, en Argentine - la mondialisation néo-libérale a fait la démonstration de ses dangers. Elle a aussi engendré plus d’exclusion, plus de précarité au Nord, plus de pauvreté au Sud. Ni les Plans d’ajustement structurels, ni les tergiversations autour de la dette, ne peuvent résoudre les failles d’un système basé sur la recherche du profit maximum. Tandis que les Etats se désengagent, les multinationales renforcent leurs organisations et ignorent les besoins vitaux des populations. Aussi, d’autres formes de régulation s’imposent : des gouvernances locales, des entreprises d’un nouveau type, des politiques pour réglementer autrement les échanges au plan international et des nouvelles formes de coopération au développement. C’est exactement dans tous ces champs que l’économie sociale et solidaire exerce son expertise et développe des pratiques dans le monde entier depuis plusieurs décennies.
Comme le soulignent Humberto Ortiz et Gérald Larose, représentant les organisateurs de la rencontre québécoise, "la crise a libéré un espace inédit pour l’innovation sociale, notamment dans la zone où le " social " et l’" économique " se superposent". Cette économie repose en effet sur un ensemble d’initiatives économiques à finalité sociale qui, tout en revêtant des formes diverses, procèdent de la même logique : répondre prioritairement à des besoins sociaux, produire des biens ou des services impliquant les populations locales, contribuer à faire émerger des modes collectifs et démocratiques de gestion des entreprises et du développement. De plus, aucun secteur ne leur est étranger. Elles évoluent tout autant dans les centres urbains qu’en milieu rural et sous des formes très variées. Elles se situent aussi bien dans les secteurs informel et formel. Leurs activités, marchandes ou non-marchandes, peuvent concerner un village entier ou un quartier. Elles peuvent avoir un statut d’association, de mutuelle ou de coopérative, mais très souvent elles n’en ont pas. Elles sont constituées et organisées par celles et ceux qui apportent leurs savoir-faire, et non leur capital, et qui s’investissent en groupe en misant sur la gestion collective. Ces organisations sont généralement des initiatives de la société civile. Elles émanent particulièrement de groupes de femmes en Afrique, en Asie, en Amérique Latine comme dans les pays du Nord, qui ne dissocient pas activités économiques et besoins directs des familles : santé, éducation, nutrition…
Comme le confirme Vivian Labrie, initiatrice de la loi sur l’élimination de la pauvreté déposée à l’Assemblée nationale québécoise le 22 novembre 2000, " les garderies, ou les soins à domicile, activité autrefois non "payée", sont devenus des secteurs économiques à part entière dans lesquels l’Etat est absent. Ainsi, la PID, "production intérieure douce", prend peu à peu le pas sur le PIB".

Des expériences confirmées


Les secteurs couverts par l’économie sociale et solidaire sont donc très diversifiés. Dans le domaine de la création ou du maintien d’emplois, on peut mentionner les talleres de producción en Amérique latine, les groupements d’artisans en Afrique de l’Ouest, les entreprises d’insertion en Europe et au Québec ; concernant le développement agro-alimentaire, les groupements villageois, les coopératives de producteurs, les syndicats de producteurs agricoles ; sur la commercialisation des produits et intrants agricoles, les greniers villageois et les banques de céréales, les systèmes collectifs de mise en marché ; sur la commercialisation collective de l’artisanat, les associations artisanales féminines en Inde, les groupements d’artisans en Amérique andine, le commerce équitable entre le Nord et le Sud ; en matière d’épargne et de crédit solidaire, les tontines en Afrique et en Asie, les coopératives d’épargne-crédit et les caisses villageoises d’épargne-crédit en Afrique francophone, les credit unions dans les pays anglophones, les systèmes de crédit solidaire de type Grameen Bank en Asie, en Afrique et en Amérique latine, les coopératives financières dans les pays d’Europe et d’Amérique du Nord ; dans les services collectifs de santé, les cases de santé et mutuelles de santé en Afrique, les coopératives de santé en Amérique latine, les mutuelles en Europe et en Amérique du Nord ; sur la protection collective de l’environnement, les associations de reboisement et entreprises sociales de récupération et recyclage au Nord comme au Sud ; sur l’habitat collectif, les associations et coopératives d’auto-construction en Amérique latine et des associations de quartiers en Afrique, des coopératives d’habitation dans les pays du Nord ; enfin, à propos de la sécurité alimentaire, les cuisines collectives et jardins communautaires en Amérique latine, au Québec…
La diversité et l’efficacité de l’économie sociale et solidaire sont bien réelles. L’enjeu aujourd’hui est de donner à ces formes alternatives d’économies non libérales et non spéculatives plus de visibilité et d’inciter les responsables des politiques locales, régionales ou nationales à les accompagner, à les soutenir. Porto Alegre, au Brésil, démontre, par la mise en place du budget participatif, que cela ne procède pas d’une fumeuse utopie mais d’une volonté politique forte. Le premier Forum social mondial en janvier 2001, accueilli par cette grande ville de l’Etat du Rio Grande del Sul, avait déjà vu germer des accords, voire des partenariats internationaux entre différents acteurs des mouvements sociaux. Sa deuxième édition n’a pu que s’engager dans de pérennes alternatives à la mondialisation financière, dont l’économie sociale et solidaire est porteuse. C’est pourquoi les participants de la rencontre de la globalisation de la solidarité de Québec n’ont pas manqué d’affirmer leur engagement aux côtés des mouvements anti-mondialisation libérale.

Pour en savoir plus : http://www.uqah.uquebec.ca/ries2001

P.-S.

Joëlle Palmiéri

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0