Analyse critique du Rapport d’activité 2000 1.
Le rapport d’activité de Cabiria
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pour l’année 2000 doit être critiqué. Non pas en tant que document de présentation de ses activités qui en représente la portion congrue, mais du fait du rôle que joue (actuellement) cette association concernant la prostitution.
I. Présentation
Crée, en 1993, notamment par Daniel Welzer-Lang>3, membre de l’équipe Simone de l’Université Toulouse-Le Mirail, Cabiria est présidée par Madame Christine Fernandez, « représentante contractuelle », « exerçant la profession de médecin » . Sa directrice est Madame Martine Schutz-Samson qui a co-signé, avec Françoise Gillemaut, la préface du rapport : Se battre pour la santé. Service de proximité et de santé pour les travailleurs du sexe en Europe >4 et co-écrit avec Daniel-Welzer-Lang : Santé communautaire et prostitution : Essai critique sur la parité.>5
Récemment, Léo Vidal qui était responsable d’Inceste Infos et qui s’était battu sur la question des droits des mères dont les enfants étaient victimes de violences sexuelles de leur père est devenu « chargé de communication ».
Une photo de l’équipe nous est présentée en quatrième de couverture : 17 personnes, qui représentent, pour l’équipe salariée, « dix équivalents-temps-plein », à laquelle s’ajoute « les personnes militantes dans l’action et les professionnel-les reçu-es en stage ». (p.27)
Le budget de l’association n’est pas évoqué.>6 Il est cependant précisé que « les comptes de l’association sont contrôlés par une commissaire aux comptes ». (p.27)
Cabiria s’inscrit dans un projet d’ « associations de santé communautaire » , au nom desquelles elle parle. Le rapport débute en effet ainsi :« Nos associations de santé communautaire ... ». (p.15), tandis qu’il est fait état de leur « fonctionnement d’une manière autonome dans les départements ».(p.15)
Si ces (autres) associations ne sont pas nommées dans ce rapport, sous la rubrique « Partenaires » du site de Cabiria, on lit, pour la France : Autres regards (Marseille)> 7, Bus des femmes (Paris), Griselidis (Toulouse) Perles (Montpellier), PASST (Paris) Rubis-Arap (Nimes).>8
Leurs « objectifs principaux » sont :« La prévention des maladies sexuellement transmissibles, la réduction des risques, la lutte contre les maladies et la dépendance » .
Leur« objectif global » est beaucoup plus large :« la lutte contre toutes les exclusions et le soutien à l’action collective ». (p.15) >9
***
**
*
Pour aller à l’essentiel, j’ai cherché à connaître la position de Cabiria sur le système proxénète, c’est-à-dire sur ce que l’on appelle traditionnellement « la prostitution ».
Auparavant, j’ai souhaité d’évoquer la question essentielle de la « méthode » de Cabiria.
En troisième lieu, je présenterai son projet.
II. Cabiria et « la méthode ».
Je me contenterai d’évoquer certains points :
A.
La première phrase de ce rapport : « Les dragons et les anges accompagnent les écrits de Cabiria depuis des années » (p.4), suivi d’une introduction ésotérique consacrées aux dits « dragons et anges » délégitime, d’emblée, toute prétention à la rigueur. L’insertion dans ce document de plusieurs reproductions - dont le sens est tout aussi abscons - de « dragons » et de « démons » prolonge le malaise tout au long de la lecture.
J’ai ressenti, en outre, dans la page consacrée aux « Remerciements », une certaine inquiétude, lorsqu’il est fait référence aux « ennemi-e-s » de Cabiria, qui « par leurs critiques et leur méchanceté nous apprennent tous le jours la patience, la persévérance, l’exigence de précision dans nos arguments et nos méthodes et renforcent notre mobilisation »... (p.7)
B.
On ne peut qu’être frappé-e par l’évidence : alors que Cabiria fait de son « travail de terrain » sa spécificité, elle ne tire aucune leçon, ni même aucune interrogation dudit travail.
L’essentiel de ce texte consiste à présenter de seconde main - sans confrontation à son expérience, sinon pour le justifier - certains écrits de quelques auteurs>10, sans que ni la logique de ces choix, ni la cohérence des référents ne soit explicités, ni compréhensibles pour le lecteur/la lectrice.
De fait, il s’agit d’une présentation de succession de (commentaires de) textes qui font fonction d’ ’analyse’.
Trois exemples :
- en conclusion d’une étude faite par MSF : « Nous avons pu observer pour notre part nombre de ces situations d’exclusion » (p. 43).
- à propos d’une présentation historique de l’immigration des femme au XX e siècle : « On trouve de grandes similitudes avec les situations actuelles » (p. 54)
- après des citations d’une étude de la Revue européenne des migrations internationales : « Si ce texte parle plus spécifiquement des immigrées marocaines en Espagne, il nous est tout de même possible de généraliser pour partie certaine analyses ». (p. 55)....
C.
La présentation de ces documents est en outre partielle, partiale et erronée.
Plus encore, Cabiria réécrit, réinterprète, occulte et déforme . >11
D.
Pas une seule présentation, analyse, parole de prostituées >12 n’est citée.
Plus signifiant encore, pas un seule analyse de Cabiria ne peut être considérée, en 200 pages, comme ayant été pensée grâce aux personnes prostituées.
La seule référence formelle - bien que non explicitée - à [ses] « propres observations » est la suivante : « Nous avons constaté qu’elles [les personnes prostituées]restent certainement trop dépendantes des mouvements sociaux qui les soutiennent ».> 13 (p.84)
Aussi le discours récurrent de Cabiria croyant délégitimer la parole de ceux et celles qui ne partagent pas ses positions parce qu’ils-ne-donnent-pas-la-parole-aux-prostituées doit donc être formellement récusé. Il est donc inacceptable de lire, par exemple, concernant le mouvement du Nid : « Dans les théories développée par ce courant de pensée, les prostituées apparaissent comme totalement dénuée d’autonomie et de capacité d’action, et surtout d’aptitude à la parole ». (p.89) Parce que la parole des personnes prostituées existe dans Prostitution et Société, pas dans les écrits de Cabiria.
Une incidente. J’avais à cet égard été frappée par le curieux jugement de Daniel Welzer-Lang, qui avait affirmé, sans plus de précautions, lors du colloque organisé les 23/24 mars 2001>14 :« On prend les prostituées de rue en otage dans les débats actuels sur la prostitution » >15. J’ai, plus tard, compris qu’il devait sans doute faire référence à la critique du système prostitutionnel qu’avait faite - de manière bouleversante et remarquable - un homme qui avait été prostitué, Alexandre, lors de l’émission télévisée présentée trois jours auparavant.>16
E.
Aucune analyse n’est faite des politiques mises en œuvre sur le plan international.
Et lorsqu’il en est fait état, soit elles sont erronées, soit elles sont décalquées des analyses hollandaises .
Ainsi, pratiquement toutes les références aux textes de droit international sont au mieux fantaisistes, au pire, (gravement) fausses. Un seul exemple : la convention de 1949 qui est le texte de référent fondamental de toute analyse sur le système prostitutionnel - >17est dénommée : « convention de Genève » (p.79) - et son intitulé est erroné. (p.87)
Concernant plus précisément la problématique du « trafic des femmes », le manque d’analyse est flagrant. Cabiria écrit ainsi qu’il « a pris une place proéminente sur l’agenda européen et des mesures pour combattre le trafic des femmes prolifèrent un peu partout »...(.p.61).
Dès lors, les questions essentielles ne sont pas posées.
- Est-il possible d’affirmer lutter contre le trafic tout en abandonnant la lutte contre la prostitution et le proxénétisme ?
La réponse étant : non.
- Ces mesures ont-elles pour but et pour fonction de combattre le dit trafic ou d’en reconnaître la légitimité, en se donnant les moyens de fermer les frontières ou de les ouvrir - sélectivement - en (tentant de) réguler le marché en fonction de ses besoins, au gré de la demande d’infirmières, d’informaticien-nes, de chercheurs-ses, de prostituée-es... ?
La réponse étant : d’ouvrir sélectivement le marché mondial de la main d’oeuvre.
Affirmer, par ailleurs, que« le problème fondamental concernant le trafic est le manque de consensus sur sa définition ». (p.61) est faux et dépassé.
En tout état de cause, Cabiria qui, ici, ne cache ni ses sources, ni ses référents politiques et écrit tranquillement que son « analyse du trafic a été largement inspirée par un article de la Fondation néerlandaise STV » (p.68).
Faut-il rappeler que cette association est, depuis des années, est à l’avant-garde de la politique Néerlandaise de légitimation du système proxénète mondial ?
F.
Le déni de la méthode et de l’histoire - jusque et y compris contemporaine - est tel que je me refuse à la critiquer ponctuellement. Qu’il suffise de dire qu’il s’agit d’une négation de l’histoire de la prostitution, de l’abolitionnisme, du réglementarisme et du féminisme>18.> Heureusement grossière.
Quelques exemples>19 :
- « La perspective abolitionniste féministe ..occulte les possibilités de changement... » (p.74)
- ... « au siècle dernier, division entre celles qui travaillaient sous contraintes et les autres ; les femmes soumises et les insoumises ». (p.78)
- A propos des « abolitionnistes français contemporains » : « La question centrale telle qu’elle se pose dans ce système d’interprétation est la suivante : ’Existe t-il un droit de se prostituer »’. La réponse est négative et son fondement prend racine dans la notion d’abstinence - ou de continence pour les clients et de réadaptation sociale pour les prostituées ». (p. 87)
- A propos de la convention de 1949, dont la présentation a déjà été évoquée : « cette convention considère la sexualité vénale comme relevant du domaine privé et se refuse à l’interdire et encore plus à la définir ». (p.88)
-« Les féministes hétérosexuelles.. .participent à la forclusion de la parole des personnes prostituées et à l’invisibilisation de la parole des lesbiennes ». (p.109)
- « L’approche généraliste ( ?) de la prostitution s’inscrit dans des valeurs morales héritée du XIX e siècle, où le débat sur l’autonomie politique et économique des femmes était inexistant ». (p.114)
etc...
G.
Autres.
On peut aussi noter :
* des tautologies :
- « La fermeture des frontières porte directement atteinte à la liberté de circulation ». (p.47)
- « ...les études sur les femmes migrantes...ont mis en en évidence la dimension sexuée des phénomènes migratoires » .(p.53)
- ... « la migration des femmes modifie dès leur région d’origine la situation des femmes et peut devenir un facteur supplémentaire de changements pour les rapports de genre » . (p.55)
- « derrière la question du trafic se pose à notre avis toute la question de la migration des femmes et de leurs droits ».(p.63) ...
* des termes dépourvus de signification : « droits de l’humain » ; « raison humanitaire » ,
« violation des droits humains »...
* des expressions qui s’inscrivent dans les questionnements des politiques de légitimation de la prostitution : ... « le plus gros exportateur mondial de travailleuses » ; « agent recruteur » ; « marché du travail commercial », « industrie du sexe et du travail domestique » , « service sexuel » et bien sûr « travailleuses sexuelles ».>20 Il est même fait état de « femmes ’véritablement trafiquées’ » (p.65) !
* des affirmations non étayées et fausses : « Dans les grandes villes en tous cas, 30 à 50% des prostituées sont des hommes ». (p.104)
* des erreurs :
- « l’entrée et le séjour irrégulier est réprimé aussi sévèrement qu’un crime ». (p.51)
- (Dans les années 80)..la question des rapports sociaux de sexe, telle qu’elle se pose en situation migratoire ne fait véritablement l’objet d’aucune étude »
- « Le débat international est plutôt marqué par la position abolitionniste... » (p.67)
etc... >21
* des pages entières sont incompréhensibles.
Il faut aussi noter la modestie des responsables de Cabiria qui s’auto-confèrent le doit de définir comme relevant de « la22 rupture épistémologique » ...« les actions de santé communautaire et les chercheur-es qui s’y associent » . (p.89)
III. Cabiria et le système prostitutionnel
A. Les « clients »
Cabiria s’inscrit dans les plus anciennes justifications de la domination masculine qui considèrent la prostitution comme relevant d’un droit de l’homme.
Logiquement, elle s’oppose à la législation suédoise> 23 qui pénalise les « clients » .
Elle légitime donc la validité de la permanence de la politique française, et bien entendu européenne qui, elles aussi, reconnaissent aux hommes ce droit.
Cabiria ne remet donc pas en cause le bon droit des hommes à acheter pour un temps donné un droit d’accès aux sexes des personnes prostituées. « Il n’est pas interdit d’être client. Mais il est dangereux de ne pas se protéger. Se protéger, c’est aussi protéger sa famille » peut-on lire sur l’affiche reproduite sur la quatrième de couverture.
Cabiria s’inscrit donc en outre dans la plus ancienne tradition historique réglementariste>24 - référence à « la famille » incluse - qui traite de « la prostitution » d’abord et essentiellement sous l’angle « sanitaire ».
Non seulement le-droit-des-hommes-aux-prostitué-es est ainsi légitimé, mais leur responsabilité en matière de propagation des maladies vénériennes et du sida n’étant pas posée - que révèle l’emploi du terme de « danger » - ne peut dès lors être considérée comme criminelle.
Il est simplement fait état de « danger de ne pas se protéger », à l’instar de la plus classique, dépassée et inopérante, campagne anti-sida.
Plus encore, cette affiche croit bon spécifier que « les clients » devraient mettre un préservatif pour « [leur] famille ». Cette référence ancestrale patriarcale, masculiniste, hétérosexiste à « sa famille », >25 mérite d’être soulignée, surtout émanant de ceux et celles qui présentent l’importance des « queers...rebelles à la norme ». (p.144)
Le danger criminel que les hommes font encourir aux personnes qui sont prostituées afin qu’ils puissent se satisfaire n’est donc même pas évoqué.
Si je me laissais aller à mon sentiment personnel, j’arrêterais là ma critique.
Ces trois phrases me suffisent à condamner radicalement Cabiria et à lui refuser une quelconque prétention à s’affirmer défendre les droits des personnes prostituées.>26 Comme - bien évidemment - à se présenter comme féministe.
Je poursuis néanmoins.
Pour Cabiria, les demandes sexuelles des clients en la matière relève de « la prise de risques ». En effet, dans un chapitre qui concerne leur« travail au quotidien » >27 on peut lire>28 :« trop souvent, ils entraînent les personnes prostituées dans des prises de risques ».(p.144).
Que sont ces « risques » ? : « proposer (aux personnes prostituées) plus d’argent voire des produits. >29Ces risques concernent les MST (VIH,VHB) mais aussi les violences des clients, qu’elles soient verbales ou physiques »>30 (p.144)
L’euphémisme du propos donne une idée de la valeur que Cabiria accorde à la santé et à la vie des personnes prostituées. Est-il, en effet, besoin de rappeler qu’une relation sexuelle sans préservatif, en échange de « plus d’argent » , au même titre que la drogue (ici qualifiée de « produits ») - tue ?
Par ailleurs, il fait noter que les violences exercées par les « clients » >31 à l’encontre des personnes prostituées font partie des dits « risques ».
La phrase sus-évoquée - qui ne comporte pourtant aucune ambiguïté - n’empêche pas Cabiria d’écrire, page suivante, que « constamment, (elle) lutte contre l’idée largement répandue...selon laquelle les agressions feraient partie des risques du métier » (p.146).
Mais peut être, Cabiria considère -t-elle que seules « les agressions » - et non pas « les violences » - feraient partie des « risques » encourus par les prostitué-es ?
En outre, leur formulation « entraîne » les personnes prostituées dans une co-responsabilité de la dite « prise de risques » .
Notons enfin que, même dans une optique de « prévention » qui est la sienne, la faiblesse politique de ses engagements en la matière. Dans ses objectifs affichés pour l’année 2001, on peut en, effet, simplement lire : « Continuer d’alerter les pouvoirs publics sur l’importance de la prévention chez les clients » . (p.180)
Une question s’est - en la matière - posée à moi. Cabiria, qui avait dit dans son rapport 1999 « distribuer près de 160.000 préservatifs par an » (p.34), déclare en avoir en l’an 2000 « distribué 210.000 ». (p.145)
Comment Cabiria peut-elle - ne serait-ce que matériellement parlant - distribuer plus de 5.700 préservatifs par jour ( ! ! !) pour une « population prostituée peu nombreuse à Lyon : environ 400 personnes fichées >32 et entre 200 et 300 personnes occasionnelles ». >33
A cet égard, il est important de rappeler que les critiques si souvent faites de manière irrécusable par les abolitionnistes au XIX e et au XX e siècle peuvent et doivent être reprises concernant la diffusion actuelle des préservatifs aux personnes prostitué-es : elles sont globalement inopérantes.
Le « contrôle sanitaire » censé protéger la société du « péril vénérien » imposées aux personnes prostituées « fichées » est, en termes d’efficacité, aussi vain que la distribution aléatoire actuelle de préservatifs.
Dès lors que la prostitution est légitime, aucune politique de prévention ne peut être efficace.
Notons cependant que - si l’on se réfère au rapport d’activité 1999 - Cabiria ne semble pas en être dupe. A propos de ses distributions de préservatifs, on peut lire : « Ceci représente autant de clients qui se > 34 protègent et prennent peut-être 35conscience de la protection de leur entourage (autres relations, épouses...) »
B. Le proxénétisme
La position de Cabiria à l’égard du proxénétisme - qui, lui, est condamnable dans la loi française - est plus ambiguë. Le plus souvent, le système proxénète est évacué de ses ’analyses’. Là encore, Cabiria s’inscrit et prolonge les analyses les plus classiques - que nombre d’abolitionnistes ont depuis longtemps dépassées - à savoir d’expliquer la prostitution essentiellement par les prostituées.
En outre, cette association - comme tant d’autres d’ailleurs - focalise son analyse sur le « trafic », sans même aborder la question de la substitution de cette problématique à celle de l’abandon de la lutte contre la prostitution et donc contre le proxénétisme.
Un seul exemple parmi tant d’autres : Cabiria fait référence aux « femmes victimes de trafic organisé par des réseaux politico-maffieux ».
Au gré de ces écrits - les positions étant disséminées, sans plan, dans le rapport - on peut lire que Cabiria donne cependant quasiment quitus à l’Etat français de sa politique en la matière.
Il est fait état d’une « lutte efficace contre le proxénétisme » (p.100)>36.
Plus encore, confondant la réalité du proxénétisme et son traitement politique et judiciaire - on lit qu ’« aujourd’hui, le proxénétisme a diminué ». (p.104)
Là encore, faut-il rappeler que les condamnations pour proxénétisme ne cessent de baisser : 786 en 1992 ; 474 en 1998. >37
Cabiria considère que, néanmoins, les « proxénètes sont au dessus des lois, hors la loi, voire protégés ». (p.100). Mais l’explication n’est pas cherchée par elle dans les politiques -notamment européennes >38 mises en œuvre, mais du fait de la non application de leurs propres ’analyses’ sur le sujet. (p. 100)
Dernier point. Cabiria se prémunit de l’éventuelle accusation de défendre les intérêts du proxénétisme en affirmant :« Nous nous sommes toujours battus contre le proxénétisme et la prostitution forcée ». (p.160). Sans preuve de cette assertion.
Notons, à cet égard, que du fait de la formulation ambiguë de cette expression, le qualificatif de « forcée » peut s’appliquer au terme de « prostitution » mais aussi à celui de « proxénétisme ». En tout état de cause, le résultat est le même : dès lors que l’on accole le qualificatif de « forcé » à celui de « prostitution », c’est le système proxénète qui est légitimé.
C. L’Etat.
Cabiria ne critique pas les politiques françaises et européennes, au sein des desquelles la politique française se fonde et, progressivement, disparaît.
Plus encore - après avoir défendu les intérêts de « la famille » - Cabiria s’inscrit dans une problématique sécuritaire. A leur décharge, sans excès d’ambition en la matière : « Nous créons sans cesse du lien et de la proximité afin de minorer les conséquences de l’insécurité ». (p.146) peut-on lire.
Cabiria joue donc dans le dispositif étatique un rôle et une fonction en la matière.
On apprend ainsi que « Cabiria est le seul interlocuteur reconnu par les pouvoirs publics locaux en ce qui concerne les femmes de l’est et le trafic (!) » (p.126), dans le cadre d’un projet plus global de « renforcement du travail ave le CLPD ( Comité lyonnais de prévention de la délinquance) sur les questions de délinquance, de sécurité et de citoyenneté ». (Ibid.)
Ses ambitions politiques - qui dépassent largement son action concernant la prostitution - sont donc importantes.
Sa reconnaissance institutionnelle, aussi.
D. Les personnes prostituées
a) Leur statut institutionnel dans Cabiria
Avant de présenter leurs positions, il importe de revenir sur le projet de Cabiria, à savoir « de travailler à parité avec les personnes prostituées » . (p.15) Plus loin, il est question plus précisément - ce qui en réduit notablement la portée - de« parité entre personnes prostituées et professionnelles de santé » . (p.73)
Quelques remarques :
* Si l’on considère - à juste titre - que ’la parité’ est un concept, il ne saurait être considéré comme synonyme de celui de « partenariat ». Or, dans ce texte, les deux expressions sont utilisées comme équivalentes. En effet, dans la même page >15 déjà citée, il est question de « partenariat avec les personnes prostituées ». (Ibid.)
* Le CA (Conseil d’administration) et le Bureau « qui sont constitués à parité entre personnes prostituées et non prostituées » ne sont pas les organes dirigeants de Cabiria : ils sont seulement « consultés régulièrement ».
Est-ce pour cette raison que l’association se présente comme une association « selon>39 la loi de 1901 »(p.25) ? >40
N’est-ce pas en contradiction avec la dite loi ?
Qui a donc alors institutionnellement le pouvoir au sein de Cabiria ? : « Ce sont les personnes impliquées sur le terrain qui construisent la politique générale de l’association ». (p.27.)
On remarquera la rigueur de la formulation....
Ainsi la politique de Cabiria n’est pas menée « à parité avec les personnes prostituées », puisque les instances institutionnelles - où ces personnes sont représentées sont dépossédées du pouvoir.
* La « parité » - telle que Cabiria la conçoit - est considérée par une association, pourtant si peu subversive pour les intérêts dominants,- et c’est bien sûr une litote - comme« une méthode de travail qui transgresse l’ordre social ». Comment et pourquoi ? Parce qu’elle « modifie les positions des acteurs ». (p.76)
b) L’analyse de Cabiria
Il faut d’abord noter, avec force, que Cabiria ne se situe pas au sein d’une analyse sur l’existence de rapports de domination - qui est le fondement de la thèse du féminisme radical - mais dans une problématique de « l’exclusion ». Ainsi, dès la seconde page, on peut lire : « Le désespoir des personnes exclues est le plus souvent dû à l’intériorisation et à la violence du stigmate et reste l’enjeu principal » . (p. 5)
Et au sein de cette approche, la spécificité essentielle de l’analyse sur la prostitution serait celle du « stigmate », référent récurrent de Cabiria dont Gail Pheterson est présentée comme la théoricienne. Cabiria présente comme « un des apports fondamentaux » ,« le stigmate de pute [qui ] devient une des clés de la logique politique qui subordonne les femmes aux hommes ». (p.71)
Ainsi, si - en toute logique - je prolonge le raisonnement, cela signifierait-il que :
- si l’on supprime le stigmate, on supprime l’oppression, la subordination des femmes aux hommes ?
- si l’on change le regard porté sur les prostitué-es, elles/ils changeront le regard qu’elles/ils portent sur elles/eux ?
Dès lors, leur « désespoir » en sera...amoindri ? transfiguré, supprimé ?
Enfin le « désespoir » des prostitué-es et plus largement des « exclu-es » est-il l’angle d’analyse, politiquement pertinent ?
En tout état de cause, dans cette ’problématique’ du « stigmate de la pute », - et/ou de la paria - la question essentielle n’est donc pas tant les violences qui leur sont imposées que le regard porté sur elles.41
De ce constat, Cabiria conclue :« Il s’agit avec le groupe, de tenter et de redonner un minimum d’autonomie, d’espace, de légitimation ».
Le système patriarcal et son cortège de barbaries n’a pas grand-chose à craindre du projet « avec le groupe » ( ?) de Cabiria avec les prostitué-es.
Enfin, notons - en toute logique - que la seule fonction positive formellement reconnue par Cabiria aux personnes prostituées est bien celle de pourvoyeuses de préservatifs :
« Les personnes prostituées sont des agents de prévention à part entière [...] Chaque préservatif mis à un client - qui ne peuvent les mettre seuls ? - par une prostituée représente un geste de santé publique de portée générale. L’éducation et la prévention sont leur combat quotidien, à elles aussi ». (p.145)
Mais, poursuivons concernant plus précisément les « migrantes ».
Dès lors que l’on est considéré-es comme « exclus-es » le projet, logique, est celui de l’inclusion dans le monde - libéral - actuel. C’est le cas. Ainsi, pour Cabiria : « Les femmes ne migrent donc plus seulement en tant que mère et épouses ( ?) mais en tant que personnes ( ?) pour s’intégrer sur le marché du travail ». (p.54)
Pour ce faire, il existe deux possibilités, le travail domestique et la prostitution> 42 :
« Même si le possibilités offertes par les pays d’accueil sont restreintes, Il ne faut pas oublier que le travail domestique représente aussi une voie d’intégration au marché du travail sans laquelle les immigrées seraient exclues . La prostitution est souvent l’autre activité alternative qui se présente aux femmes immigrées, quel que soit le pays d’accueil » (p.56) >43
Mais, pour Cabiria, cette seconde partie de l’alternative - la prostitution - est nettement préférable.
Voici ce que l’on peut lire : « Ramirez (un auteur espagnol cité) nous donne un archétype proche de bien des femme immigrées prostituées que nous rencontrerons : célibataire ou divorcée, famille à charge, travaille à son compte sans proxénète ou protecteur, elles sont indépendantes et autonomes ». (p.56/57)
Plus encore, ces femmes « indépendantes et autonomes » ne sont pas rejetées socialement : « cette activité ne les exclue pas du groupe » et, en outre, elles sont plus riches : « elles obtiennent des bénéfices bien plus importants qu’à travers la vente des services domestiques ». (p. 56)
Et Cabiria nous présente ces femmes - véritables archétypes d’actrices économiques libérales faisant des choix rationnels44 - comme des êtres capables de faire les dits choix : ... « la majorité des femmes (avant d’émigrer) ont reçues des informations, positives et négatives. Les femmes sont capables de chercher une issue à des situations infériorisantes ou oppressantes et de faire des choix pour elles-mêmes. Il ressort que les femmes réfléchissent de manière claire et rationnelle à leurs décisions de travailler à l’étranger ». (p.59) etc...
Dès lors, tout est quasiment le mieux dans le meilleur des mondes possibles, puisque « une des grandes raisons de la migration des femmes en général » ...est de « permettre aux immigrantes, malgré la double oppression en tant que femmes et étrangères, un meilleur accès et contrôle de leurs ressources, et une gestion plus autonome de leur vie ». (p.55)
Plus encore Cabiria croit bon de noter que, même, lorsque, « en situation irrégulière », même « dans des conditions difficiles » : Beyrouth en 1998 pour les prostituées Philippines !, même lorsqu’ « une opération de secours est envoyée », celles-ci « manifestent peu d’enthousiasme pour le retour ». Et de citer une audition du Sénat Philippin, où il est « écrit que pas une seule d’entre elles ne souhaitait retourner chez elle », mais en plus la plupart de celle interrogées à leur retour ont exprimé le souhait de repartir à l’étranger, même à Beyrouth » . (p.58)
J’arrête là ce panégyrique insupportable de l’économie libérale impérialiste, y compris dans ses plus ignobles manifestations.
IV. Le projet de Cabiria
Outre les prétentions intellectuelles déjà évoquées, Cabiria a pour ambition :
a) Tout en refusant de se présenter comme réglementariste, de délégitimer à tout prix et sur tous les terrains, l’abolitionnisme, notamment par :
- par une réécriture travestie de son histoire
- en rebaptisant« prohibitionniste » - soigneusement isolées - certaines de ses représentantes>45. Note oubliée
Tout en s’appropriant ce qui fait sa force indestructible de l’abolitionnisme>46 : « l’éthique ».>47 terme dont Cabiria, la concernant, use et abuse.
b) Se présenter comme « féministe » et s’approprier pour ce faire certains écrits (de plus en plus nombreux) féministes, notamment Colette Guillaumin>48. Plus encore, s’inscrire dans le continuum du féminisme radical . >49 (note ajoutée)
Bien évidemment, ce qualificatif est inacceptable : on ne peut pas justifier la prostitution et être féministe. C’est aussi simple que cela.
c) Se présenter comme le (nouveau) lieu du débat légitime :
- Pour ce faire, faire table rase du passé : « Ici, nous ouvrons le débat à partir des éléments disponibles dans le contexte français, caractérisé depuis cinquante ans par son aspect monolithique » . (p.33)
- Là encore, la prudence est, politiquement, de mise. Cabiria peut ainsi (modestement ?) affirmer au Sénat qu’elle « n’a pas de solution idéale au problème de la prostitution et se situe dans un registre de questionnement ». >50
d) Devenir un interlocuteur obligé - voire privilégié et, en tout état de cause, incontournable - des pouvoirs publics à tous les niveaux, local, national, européen.
Agir en collaboration avec eux. Voire en se substituant à leur incurie en la matière .
A cet égard, que Cabiria emploie l’expression de « partenaires » ne doit pas être considéré à légère.
Parmi ses « objectifs 2001 », on peut lire, notamment :
* « Poursuivre et affiner le travail sur la sécurité des personnes ».
* « Renforcer les relations de médiation commencée fin 1999, avec le service de prévention de la mairie de Lyon, les mairies d’arrondissement, les services de police, le services de justice et les personnes prostituées ».
* « Alerter les décideurs de santé publique sur les politiques de répression engagées dans nos villes, ce sur un plan national » .
* « S’adapter à l’évolution du terrain »....
* « Poursuivre et renforcer les relations avec nos >51partenaires locaux, nationaux et européen ».
Cabiria au Sénat le 10 octobre 2000 a donc « proposé d’élargir le débat », tout en affirmant être « ainsi favorable à un collectif de réflexion qui réunirait pouvoirs publics, prostituées et associations pour mener un travail de fond sur les problèmes posés par la prostitution ». >52 (p. 131) .
Daniel Welzer-Lang avait, pour sa part, le 22 novembre 2000, évoqué « la composition d’un groupe interministériel » . >53
Plus ambitieusement, peut être, dans une lettre en date du 17 avril 2001, envoyée sur le net, Madame Schutz-Samson écrit54 : « Cabiria appelle à l’organisation d’une plate-forme nationale de discussion, organisée à parité avec les personnes prostituées. Cette plate-forme devrait permettre de rassembler les personnes prostituées, les pouvoirs publics, les organismes para-publics (CNAM, Caisses de retraite, ...) organismes privés, associations de terrain, etc... »
Dans le rapport 2000, il était fait aussi état des« féministes abolitionnistes et non abolitionnistes » et de « délégués européens ». (p.115)
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En conclusion, dans ce rapport, de « droits des personnes prostituées » il n’est pas question. >55 De droits des femmes « victimes de trafic » non plus>56 .
Marie-Victoire Louis
4 septembre 2001
P.J. Annexe : Copie de lettre à Madame Schutz-Samson
1 Rapport d’activité 2000. Cabiria. 192 pages + Annexes. Janvier 2001.
2 Association Cabiria. 4, rue Désiré, BP. 11 45. 69 203 Lyon. Cedex 01. Tel : 04 78 30 02 65. Fax : 04 78 30 97 45. e-mail : cabiria @wanadoo.fr .Site : http:www.cabiria.asso.fr
3 « On a crée Cabiria » a t-il dit sans plus de précision lors du colloque organisé « à l’invitation d’Yves Cochet, vice-président de l’Assemblé Nationale », et actuel ministre Vert du gouvernement Jospin : « Quels droits pour les personnes prostituées ? » Paris 23/24 mars 2001.
4 Financé par l’Union européenne (DG5).
Pour une critique - partielle - de ce document, cf., ma lettre à Martine Shutz-Samson en date du 3 juin 2000, restée sans réponse, reproduite en annexe.
5 Ed. Dragon Lune. Cabiria Editions. Lyon. 1999.
6 « Ses crédits proviennent pour l’essentiel de la Direction générale de la santé, mais elle reçoit divers autres crédits de prévention et notamment des subventions au titre de la politique de la ville ». Audition au Sénat. 10 octobre 2000. In : Sénat. Dinah Dericke. Sénatrice. Les rapports du Sénat. N ° 209. 2000-2001. Rapport d’activité 2000. Les politiques publiques et la prostitution. p. 130 à 133.
7 Concernant les positions d’Autres regards, on peut utilement se référer à l’interview publié dans Femmes-Infos, Revue du CODIFF : Vers la marchandisation du corps humain ? N° 89. Hiver 2000. P. 14 à 16. 7 rue Bailli de Suffren. 1300I. Tel : 04 91 33 42 07 . Fax : 04 91 33 45 26.
8 Sous le même intitulé, dans son rapport, Cabiria cite : « L’amicale du Nid ». (p.161)
9 L’« objectif » du réseau européen pour la prévention VIH/MST dans le cadre de la prostitution (Europap), dont Cabiria est « le contact » pour la France, est : « la prévention du VIH et de diverses autres maladies sexuellement transmissible, ainsi que le promotion de la santé auprès des personnes prostituées » . Il est aussi de : « fournir des services appropriés, accessibles et acceptables pour les travailleurs sexuels sur tout le continent ». (p.9)
10 Didier Fassin, Danielle Lochak, Lilian Mathieu, Paola Tabet, Loïc Waquant, Griselidis Réal, Paola Tabet, Michel Foucault, Pierre Bourdieu...
Mais ses réels référents intellectuels sont Gail Pheterson et Daniel Welzer-Lang.
11 Je récuse, pour ma part, puisque je suis citée, formellement, l’intégralité de la présentation qui est faite de moi-même, ce que j’ai écrit et de mon action abolitionniste. P ar ailleurs, je note le respect que Cabiria porte aux personnes qui pourraient se retrouver dans les idées que je défends : « Sa position nous semble entraîner les autres féministes sans regard critique, ni remise en cause ou réflexions plus approfondies de la part » . « Du moins, à notre connaissance » (p.90) est-il hypocritement ajouté. Bref, Cabiria les a décrétées, du haut de sa compétence, stupides. Quant à la suite de leur raisonnement, il est lui, sans conteste, stupide.
12 La question du vocabulaire employé mérite d’être analysée finement. Lors du colloque organisé à Saint-Denis, Daniel Welzer-Lang avait simplement employé l’expression : « droit à la parole de femmes prostituées ». Colloque national : Les violences à l’encontre des femmes. Institut d’Etudes européennes. Université Paris VIII. 21/22 novembre 2000. Notes personnelles.
N.B. Lors de ce colloque, aucune critique de la politique françai se, ni européenne n’a été faite à la tribune.
13 Ce qui signifie que, pour Cabiria, les prostitué-es sont moins partie prenantes du « mouvement social » qu’elles/ils ne seraient « soutenu-es » par lui. Cela signifierait-il que les prostituée-s pourraient alors être dissociées du « mouvement social » qui le soutiendraient ?
14 Quels droits pour les personnes prostituées ?
15 Notes personnelles.
16 Ce qui fait débat, présenté par Michel Field. France 3. 21 mars.
17 Sur le plan méthodologique et politique, je considère plus globalement - et je ne pense pas qu’il s’agisse d’une prétention abusive - que toute analyse qui ne se positionne pas politiquement clairement sur l’abandon de cette convention dans les textes de droit international - ratifiés aussi, bien sûr, par la France - entérine le processus de disparition de l’abolitionnisme. Dores et déjà entériné. 18 Je n’ai pas eu l’énergie - craignant, compte tenu des délais qui me sont impartis, d’être dépassée par ma colère - de relire précisément, pour la dernière rédaction de ce texte, le paragraphe intitulé : « Prostitution et féminisme »
19 Dans le rapport 1999, on pouvait, dans le même sens, déjà lire : « Si le réglementarisme n’est pas à défendre en lui même, il avait au moins l’avantage de considérer les femmes prostituées comme citoyennes alors que l’abolitionnisme supprime le peu de droit que les femmes prostituées avaient alors. » (p.23)
20 Mais concernant cette formulation emblématique, Cabiria se fait prudente : « Nous reprenons ici la notion de travail sexuel et de travailleuses sexuelles puisque ces termes sont utilisée par ces auteur-es et de plus en plus reprises dans les discussions internationales sur la prostitution ». (p.57)
21 Je ne résiste pas en outre au plaisir de citer l’expression : « l’époux s’égare du côté des prostituées » (p.107)
22 Souligné par moi.
23 Sans pour autant justifier son refus de la politique suédoise sur le fond (Cf. Audition au Sénat. p. 132).
Cabiria y reprend l’éternel argument de tous les conservatismes, consistant à écarter la question du changement de paradigme au nom de l’inefficacité supposée des politiques nouvellement mises en œuvre (et/ou de leurs effets dits ’pervers’). Elle considère cependant - et, en tant que tel, ce jugement est grave et non étayé - que cette politique ...« augmenterait les risques de violence et d’insécurité ». (Ibid.)
24 Est-ce pour dissimuler son insertion dans cette lourde tradition que sa représentante au colloque intitulé : « Quels droits pour le personnes prostituées ? » déjà cité a pu affirmer : « Les clivages entre abolitionnistes et réglementaristes ne sont pas opérants » ?
25 Daniel Welzer- Lang déclare qu’il se sent « plus proche de la génération d’Act-Up que du catholicisme social ». Outre la question sur la pertinence historique de la comparaison, faut-il rappeler qu’au sein du catholicisme social - ou plus justement au sein du « christianisme » social - nombreux et nombreuses sont ceux et celles qui critiqué « la famille » et « le système prostitutionnel ». Et se sont inscrits dans les mouvements sociaux critiques, féministes et abolitionnistes. Ce qui n’est pas, à l’exception, sans doute, de la critique de « la famille » le cas - tant s’en faut - d’Act Up ?
26 Une autre affiche est présentée sur son site, par ailleurs reproduite dans le rapport 1999 (p.64) sous le titre « Proposition d’affiche pour une campagne nationale de prévention en direction des clients » : « Il n’est pas illégal d’être client, mais il est dangereux de ne pas se protéger. Se protéger, c’est aussi protéger ses partenaires ». Deux femmes prostituées présentées de manière caricaturale (représentation du « stigmate de la pute » ? ) comme prostituées affirment avec fierté : « Nous, c’est toujours avec ! » .Tandis qu’une masse anonyme d’hommes sans visage se cachent derrière elles.
27 « IV. Activités et axes de travail au quotidien »
28 Au sein d’un paragraphe intitulé : « Prévention. Du VIH,VHC,VHB,MST »
29 Souligné par moi.
30 L’expression « violences sexuelles » n’est pas évoquée.
31 On peut lire aussi cette incroyable ’analyse’ d’une association qui présente « ses actions de proximité » (p.119) comme étant sa spécificité : « Les clients. appartiennent à la classe dominante. Ils sont issus des classes moyennes ou des classes bourgeoises... Ils sont doublement protégés parce qu’ils font partie des dominants ». (p. 103)
32 L’emploi de ce vocabulaire réglementariste doit être souligné. D’autant que le fichage est interdit en France.
33 Rapport d’activité 1999.p38.
34 Souligné par moi.
35Ibid.
36 Dans son rapport d’activité 1999, Cabiria estimait qu’« entre les années 60 et 80, la lutte contre le proxénétisme a porté ses fruits ». (p.8) Doit-on en déduire que la ’cueillette’ est close ?
37 République française. Troisième rapport national sur l’application de la convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes. Juillet 1999. P.20. 38 Cf, Aurelia Costes, La légitimation de la prostitution par l’Union Européenne. Faculté de droit de Limoges. Maîtrise de droit public ; 2000-2001.
39 Souligné par moi.
40 Les statuts de l’association ne sont ni dans le rapport, ni sur son site.
41 Cabiria, mêlant la cause et l’effet en inverse la logique. Elle en arrive ainsi à écrire : « à cause du statut de paria des personnes prostituées, ces législations sont difficiles à appliquer dans les cas ( !) de trafic »( p.65)
42 Cependant, aux « services domestiques et sexuels, deux domaines de revenus directs disponibles aux femmes » Cabiria ajoute quelques pages plus loin, « le mariage, source de revenus indirects, particulièrement pour les femmes venant de pays pauvres ». (p.64)
43 « Malheureusement , nous manquons de recherches à ce propos pour pouvoir en parler plus sociologiquement », regrette Cabiria. (p.56)
44 « Les femmes seraient-elles irrationnelles ? » se demande même Cabiria. (p.59)
45 C’est ainsi que sans autre forme de procès, ni aucune justification, Cabiria peut écrire : « Ainsi, Marie-Victoire Louis défend des positions plus proche du prohibitionnisme que de l’abolitionnisme » (p.93) , après avoir évoqué « mon engagement aux côtés des abolitionnistes » (p.89), et m’avoir présentée comme « l’une des inspiratrices ( !) des mouvements abolitionnistes ». (p.93)
46 L’enjeu ne serait-il, un jour, de s’approprier le terme ? Pour ma part, je le pense.
47 Comme « la rigueur » d’ailleurs.
48 Ce qui est particulièrement douloureux, eu égard à l’importance que ses écrits ont représentés pour tant de féministes, et notamment pour moi .
49 Ce qui a été expressément dit lors du colloque : « Quels droits pour les personnes prostituées ? » Et ce qui en a représenté une de ses fonctions politiques.
50 Audition au Sénat. Op.cit. p. 131.
N.B. Dans la mesure où les textes de ces auditions n’ont pas été relus par les personnes auditionnées, toute citation est sujette à caution.
Pour ma part, j’ai adressé, le 10 juin 2001 à la Délégation, puis le 18 août 2000 une lettre à Madame Dinah Derycke, les deux étant restées sans réponse. Dans la dernière, j’ai fait état d’une « appropriation indue de ma parole qui ne reflète pas mes position ».
51 Souligné par moi.
52 Madame Dinah Dericke, chargée pourtant de représenter l’intérêt général et plus particulièrement « les droits des femmes » en a accepté le principe, en« retenant l ’idée émise d’une table ronde » , au niveau local. (p.133)
53 Lors du colloque national : Les violences à l’encontre des femmes et le droit en France. 21/22 novembre 2000. Université Paris 8. Institut d’études européennes. Notes personnelles.
54 « Suite aux différentes déformations, incompréhensions, rumeurs autour de la position politique de Cabiria en matière de prostitution »...
De la teneur des « déformations, incompréhensions, rumeurs », nous n’en saurons pas plus...
55 Cette question sera, plus globalement, reprise. Dans un autre texte.
56 Elles devront se contenter de « la demande aujourd’hui que tout soit fait pour que les femmes victime de trafic puissent obtenir des mesures d’aide et de protection ».
57 « Nous avons donc intégré en tant que responsable (En gras dans le texte) le programme Europap, en octobre 1998. Rapport d’activité Cabiria. p.53