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Le nouveau et le constant dans la protestation : les actions des femmes

Atelier au sein du Forum Social Mondial en Argentine

dimanche 1er septembre 2002, par Josefina Gamboa

Samedi 24, au sein du FSM en Argentine, a eu lieu cet atelier convoqué par Cecym, Mesa de Mujeres Confluencia et Mujeres al Oeste. Coordonnées par Silvia Chejter, des femmes de différentes régions d’Argentine ont pu partager avec émotion leurs expériences, reseemblances et luttes quotidiennes. Neuf brèves présentations ont agi comme détonnateur d’un échange riche de commentaires et de propositions.

En español

L’une des dirigeantes de la coopérative Los Carreros, province de Córdoba a exposé le fonctionnement de ce groupe dédié au recyclage de déchets. « Comme le tourisme est en essor, les gouvernants veulent cacher les "carros" (chariots), parce que le tourisme les intéresse plus que la faim et la misère. Les hommes se cachaient lorsque De la Sota (gouverneur du département) a décidé de suspendre leur source de revenu, mais nous les femmes avons la langue bien pendue et cela nous est suffisant », a-t-elle affirmé, réclamant du travail et rejetant l’assistanat, puisque « nous ne pouvons pas être considérées comme une gêne et que les plans sociaux sont du pain pour aujourd’hui et la faim pour demain. »

Parler pour soi-même : une découverte

Une femme du Mouvement des Travailleuses sans emploi a expliqué l’horizontalité qui règne au sein du mouvement piquetero [1], qui est politique mais pas partisan. "L’ennemi ne se trouve pas forcément dehors, mais réside parfois dans les habitudes culturelles que ce système nous a imposées", a-t-elle soutenu, affirmant qu’être piquetera "est dignité et autonomie, puisque maintenant nous sommes protagonistes de notre quotidien. À partir de cette expérience, j’ai commencé à prendre des décisions chez moi, en tant que femme, et à me sentir utile", a-t-elle dit avec les larmes aux yeux.

Femmes paysannes : un apport sans égal

Sans doute l’apport le plus enrichissant et touchant a été la présence de quelques femmes de l’intérieur du pays, parmi lesquelles plusieurs visitaient Buenos Aires pour la première fois après un très long voyage. "L’ambition individuelle a créé une industrie de « politique politicienne » pas sérieuse, et les plans sociaux ont répondu aux intérêts de ceux qui cherchaient à attirer des votes, mais pour les petits producteurs, il n’y a pas de politiques", a affirmé énergiquement Cristina Juárez du Mouvement de paysannes El Sacrificio de Tucumán. "Pour les nombreux et nombreuses qui avons si peu, la clé est dans l’organisation", a-t-elle ajouté, émue de voir une telle quantité de femmes qui ont réussi à « parler pour elles mêmes », après avoir parcouru le chemin de l’autodétermination, pavé d’effort et de lutte.
Roxana Aztudillo, de la Maison de Mères de Chubut (Patagonie) a expliqué comment, à partir de l’expérience de création d’une coopérative de tisseuses de laine de guanaco, ce groupe de femmes a récupéré l’estime de soi, a appris à être autosuffisant, et comment les unes forment les autres aux techniques ancestrales de tissage des indigènes mapuches. Aujourd’hui elles ont réussi à exporter leurs produits en Europe.
Vilma, de ’Creando juntas’ a raconté sa trajectoire dans la formation de femmes sur la santé et la violence dans le quartier de Almirante Brown (banlieue de Buenos Aires) grâce à des conférences et des rencontres, sans ressources, mais avec une admirable foi et énergie, qui a rendu cela possible.
Mariana de Coopérative La Gallega de Santa Fe a témoigné de l’énorme assurance que lui a apporté le fait de participer au travail d’entreprenariat de ce groupe de femmes.

Larmes de joie partagée

Isabel a contribué à augmenter l’émotion envahissant la salle en racontant son histoire. Le groupe de femmes auquel elle appartient produit des savons artisanaux dans le département de Chaco (région au nord, frontalière avec le Paraguay, et l’une des plus pauvres de l’Argentine). Elles apprennent à d’autres femmes cette technique pour leur offrir un métier, au-delà des conférences qu’elles organisent aussi sur des questions de genre et de droits des femmes. Elle a dû s’arrêter plusieurs fois, les larmes interrompant son discours. Pour beaucoup de participantes, c’était la première fois qu’elles racontaient leurs histoires de lutte quotidienne face à un large auditoire d’inconnues vivant la même lutte.
Celina, de la Coordination des Organisations Populaires Autonomes a incité les féministes à rejoindre les mouvements sociaux. "Aujourd’hui on voit une énorme fragmentation, mais l’autonomie doit se traduire par la coordination et l’articulation des luttes", a-t-elle affirmé. Face à la proposition de créer un réseau qui réunirait toutes ces femmes, une inquiétude naturelle est survenue : sur l’accès aux moyens d’information et de communication pour les femmes rurales et les paysannes. "Nous les paysannes, n’avons pas accès à la technologie, et c’est une des raisons pour lesquelles nous ne faisons pas partie du processus de construction du Mercosur". "À partir de la peine : rien. À partir de la dignité… tout", se sont exclamées les protagonistes de cette rencontre riche en échanges de résistances et de réussites, et chargée d’une immense émotion partagée.

P.-S.

Josefina Gamboa - 24 août 2002

Notes

[1] Mouvement de dénonciation sociale apparu en 2001 appelant à manifester pour bloquer les routes nationales, installant des feux et des campements. Les femmes ont adhéré à cette forme de réclamation audacieuse et souvent réprimée par la police, et y ont souvent participé avec leurs enfants.

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