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ATTAC, nouveau genre

, par Martine Paulet

Les femmes d’Attac réclament une analyse sexuée de la mondialisation libérale. Car celle-ci repose sur l’oppression du travail des femmes et la marchandisation de leur corps.

La mondialisation libérale accroît les inégalités et s’appuie notamment sur les divisions hommes-femmes qu’elle renforce.
Etat des lieux. Notons la contradiction entre l’existence croissante de législations nationales et internationales en faveur des femmes, et leurs applications défaillantes. Conséquence logique de la domination de l’économie du profit à court terme sur un droit basé sur le respect des principes humains fondamentaux : égalité et solidarité.
Autre caractéristique : la mondialisation de la criminalité financière passe par l’exploitation de la main-d’œuvre et la marchandisation des êtres humains.
Ainsi se creusent les inégalités hommes-femmes, au détriment des femmes qui sont maintenues dépendantes d’ « un pourvoyeur mâle », selon l’expression de Claude Piganiol, professeure honoraire d’université. La démocratie disparaît par la même occasion et le profit roi domine la scène internationale, sans contribuer à une redistribution des richesses pour tous-tes, bien au contraire. Notre avenir est-il donc tracé d’avance ? Mouvements sociaux et populations du Nord comme du Sud et de l’Est résistent et s’organisent pour proposer leurs solutions ou leur vision d’un autre monde.
Parmi eux, Attac (Association pour la taxation des transactions financières pour l’aide aux citoyens), qui lutte pour une société qui remet l’humain en son centre, une société plus juste. Ses moyens d’action : les analyses de l’économie libérale et de la spéculation financière et leur critique. Mais pour construire quel autre monde, avec quelles alternatives ?

Les enjeux

Remettre l’humain au centre des débats et des projets de société passe par l’accès à une vie décente pour tous-tes. Education, santé, eau potable ou ressources financières minimales en sont des exigences fondamentales. C’est-à-dire conférer aux biens communs un statut public et collectif. Pour cela : éradiquer la pauvreté et les inégalités obstacles au développement économique durable ; faire appliquer les législations et les engagements des gouvernements et des institutions internationales et poursuivre la lutte contre la corruption favorisée par les institutions financières internationales (Banque mondiale, Fonds monétaire international).
Quelles sont les forces d’Attac dans cette démarche ?

Le féminisme, pierre d’achoppement du libéralisme

Les femmes, de plus en plus qualifiées sont de plus en plus présentes sur le marché du travail salarié. Elles contribuent activement à la prospérité de leurs pays respectifs, mais majoritairement à des postes d’intermédiaires, d’employées modèles et sous-payées, sous peine de chômage. Indissociables de la richesse économique, elles gonflent donc en même temps les statistiques de la pauvreté.
Ce sont les comités locaux d’Attac qui les premiers ouvrent la voie des alternatives possibles à cette exploitation. D’abord à Paris 14e, puis à Marseille et à Tours. Parce-qu’une organisation d’éducation populaire se doit de tenir compte des différences de genre, pour y apporter des réponses adaptées et durables, parce qu’Attac se doit d’être à l’image de société qu’elle veut construire.
La déclaration de constitution « femmes et mondialisation » des comités locaux date d’octobre 2000 suite à l’utilisation régulière du terme « homme » pour qualifier l’ensemble hommes-femmes sans jamais les distinguer. Et depuis les groupes locaux poussent le Bureau national à se positionner sur les diversités hommes-femmes et à prendre en considération la dimension du genre dans l’analyse économique.

Des dossiers phare

Le groupe « Femmes et mondialisation » constitue régulièrement des dossiers de fond sur cette question. Parmi eux, la spéculation financière, la marchandisation des corps ou les médias.
La spéculation financière renforce les discriminations en les masquant pour ne mettre en valeur que les activités marchandes. Ainsi les conditions de travail se détériorent partout, les avantages sociaux sont bafoués au profit de l’individualisation qui précarise et exclue. La division sexuelle et sociale du travail marque l’oppression économique qui rabaisse les femmes au rang de sous-salariées. Claudine Blasco, du comité « Femmes et mondialisation » à Marseille, rapporte que cette situation « préfigure de l’avenir du salariat global (hommes et femmes) ».
Traite des femmes et prostitution galopantes proviennent de groupes internationaux ayant des intérêts financiers en jeu et liés aux diverses mafias et qui suivent scrupuleusement les méthodes libérales. Là encore « Femmes et mondialisation » dénoncent cette industrie et sa volonté de légaliser la prostitution, sous prétexte de banaliser cette violence. Pour Mael Reynaud, militant féministe d’Attac, « ce groupe est un vrai lieu de réflexion » et sera présent au Forum social européen à Florence en novembre 2002 sous la forme d’un atelier « mondialisation et prostitution ».
Les médias véhiculent une image des femmes standardisée et dont la principale caractéristique est d’être une marchandise utilisée pour vendre davantage de produits l’enfermant dans des stéréotypes archaïques (beauté, mode, futilité). Elle est « jeune, mince-taille 38, grande, blanche, célibataire » et surtout elle ne participe pas aux décisions. La question d’une presse diversifiée et représentative des femmes se pose mais ne se traduit dans les faits qu’auprès des médias alternatifs.
Pour Claudine, « les femmes, victimes de cette mondialisation néolibérale sans visage, en tant qu’êtres humains avec les hommes, ont le droit et le devoir de repenser et modeler l’avenir de notre humanité ».

Quelles perspectives ?

Les féministes réclament des études systématiquement genrées à commencer par les analyses de l’économie libérale ; l’instauration d’une véritable parité au sein même d’Attac pour en assurer la démocratie et la participation à des mobilisations de femmes dont la dimension est à prendre en compte dans chaque manifestation altermondialiste. La Marche mondiale des femmes ou les Femmes en noir ont déjà entrepris des regroupements qu’il s’agit de renforcer, par le nombre, mais aussi par les analyses, sur le maintien du service public, l’annulation de la dette, la Taxe Tobin, le droit au travail décent et l’interdiction de la marchandisation du corps humain.
Un groupe d’intervention national « Genre et mondialisation » s’est donc créé en janvier 2002, pour prendre le relais et fédérer comités locaux et Conseil scientifique. Objectif : rédiger un document de synthèse et montrer les spécificités des femmes dans l’économie libérale.
Pourtant les alternatives concrètes viendront davantage des partenariats entre les comités locaux et les féministes qui sont sur le terrain de la construction de bases de données des pratiques. Des féministes qui rendent visibles les initiatives d’économie solidaire. Les femmes y sont, en effet, majoritaires et y instaurent de nouvelles formes de travail et de lien social. C’est leur réponse pour absorber les chocs dus aux crises économiques et aux guerres depuis que les Etats ne s’en préoccupent plus. Ces femmes montrent l’exemple de nouvelles formes de vie et d’économie plus humaine.
Dépassons donc les constats d’inégalités et exposons les réponses possibles à une transformation sociale.

P.-S.

Martine Paulet, juin 2002

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