Plus rien d’autre ne compte vraiment, la vie est en suspens autour des 22 pieds – car il y a peut-être des bras cassés mais pas d’unijambistes – de l’équipe de France de foot. Le foot, vous savez, à l’origine un sport, mais tellement plus que ça, comme une merveilleuse religion qui rassemblerait tous les peuples mâles (ceux qui ne partagent pas l’engouement général sont un peu suspects), un opium qui ferait oublier tout le reste. Exit, catastrophes naturelles, misère, chômage, conflits ethniques ou sociaux, discriminations, exploitations en tous genres, morne vie quotidienne…. Un hypnotique puissant qui justifie sans aucun doute les 3, 4, 5, x pages supplémentaires que votre journal préféré lui consacre, les longues minutes de reportages télé ou radio, les spécialistes et autres experts (pas d’expertEs, non) convoqués pour nous dire quoi ? Des platitudes, voire pire, c’est drôle parfois, comme d’entendre comment il faut « la mettre bien au fond » (Just Fontaine). On parle de quoi déjà ? Peu importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse, non ? L’important c’est d’être dans l’ambiance, on n’est pas regardant sur le reste. C’est bien, le foot, ça s’accommode de tous les sujets, même la science s’en occupe, avec, par exemple, l’ergonomie du ballon et de ses morceaux non plus cousus mais thermocollés, ce qui occasionne des turbulences imprévues, un parcours plus erratique, qui nous nuit autant que les pelouse pas arrosées à temps. Parce qu’on est (ILS sont) les meilleurs, c’est clair et c’est pour le montrer que le foot existe, mais, hélas, toutes sortes de raisons, et les experts sont là pour nous ouvrir les yeux à ce sujet, font qu’on pourrait leur voler, nous voler, leur victoire, la nôtre, la possibilité de réconciliation générale et de bonheur national. On nous sort aussi d’autres spécialistes, sortes de généralistes du foot, qui n’ont pas grand chose à apporter mais sont contents de participer à la grand-messe, de se vautrer dans cette allégresse consensuelle et factice, et, surtout, dans cette vie de frustrations, d’avoir enfin un sujet de domination intellectuelle sur l’autre moitié du genre humain. Vous savez, la deuxième moitié, celle qui ne comprend rien aux coups francs mais en reçoit, des coups, celle qui ne court pas après la balle - la pauvre, elle ne saurait pas dans quelle direction - celle qui est hors-jeu, celle qui fait du bruit dans la cuisine quand la première moitié, la dominante, mate le matche dans le canapé. Quoi ? je caricature ? Un peu, c’est vrai, mais toutes ces âneries que j’ai lues et entendues ces derniers temps ne me poussent pas à finasser, vous comprendrez, n’est-ce pas ? J’attends qu’on puisse reparler d’autre chose, ou même si ça doit être du foot, autrement au moins. Si c’est possible.
Vous en avez entendu parler ? En 2007 on remet ça, il y aura encore une coupe du monde de foot… féminin. Mais à cette occasion là, il se peut fort qu’on nous foote la paix.