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Jeune public... en garde !

lundi 2 mai 2005, par Dominique Foufelle

Vous connaissez la blague ? « Le pape est mort. Un autre pape est appelé à régner… Araignée ? Araignée ! Quel drôle de nom pour un pape ! » Etc. Non ? Bon.
Avec ses allures de comptine, elle me faisait beaucoup rire quand j’étais môme. Elle m’est revenue en mémoire comme antidote à la sur-médiatisation de la mort du pontife en place et de l’élection du suivant. Un peu d’air dans le dialogue sur la-les religions avec mon fils âgé de 9 ans, que je me voyais contrainte de mener à une vitesse concurrentielle avec « l’urgence de l’information ».

Vous connaissez la blague ? « Le pape est mort. Un autre pape est appelé à régner… Araignée ? Araignée ! Quel drôle de nom pour un pape ! » Etc. Non ? Bon.
Avec ses allures de comptine, elle me faisait beaucoup rire quand j’étais môme. Elle m’est revenue en mémoire comme antidote à la sur-médiatisation de la mort du pontife en place et de l’élection du suivant. Un peu d’air dans le dialogue sur la-les religions avec mon fils âgé de 9 ans, que je me voyais contrainte de mener à une vitesse concurrentielle avec « l’urgence de l’information ».
Et que je te questionne : « C’est qui, d’abord, le pape ? Et pourquoi tu l’aimes pas ? Et pourquoi t’es en colère ? ». Bien que ne subissant que les informations radiophoniques à l’heure du déjeuner, le brave garçon avait bien noté que l’on présentait « Sa Sainteté » comme un défenseur de la paix. Pourquoi sa mère, qui ne lui avait jamais caché son aversion pour les jeux guerriers, ne l’aimait-elle pas ? Hein ? Et pourquoi fulminait-elle à l’annonce de l’élection de son successeur, au nom pourtant flatteur de Benoît XVI ? Bref, pourquoi ne se joindre ni à la tristesse ni à l’allégresse, soit-disant interplanétaires ?
La question s’était déjà posée à l’occasion du tsunami – à Noël dernier, vous vous souvenez ? La catastrophe ne pouvait pas mieux tomber ! Goinfré-es d’huîtres et de Champagne, nous n’étions pas en état de résister à l’appel de la solidarité internationale. A moins de passer pour des sauvages. Risque que je pris, et fis prendre à mon fils par contrecoup inévitable ; qu’il ne comprit pas mais fut bien obligé d’accepter. Nous ne nous baignâmes pas dans la grande vallée des larmes. Nous ne cassâmes pas nos tirelires. Mais nous en discutâmes...
Non sans heurts ! L’acceptation spontanée des diktats de « l’information » par les enfants nous fournit ample matière à nous interroger. Puisqu’on le dit, dans le poste, dans la rue, dans la cour de récré, voire en salle de classe via la voix du maître, c’est que c’est vrai ! Quel contre-discours opposer ?
Le Sida, les viols, c’est plus délicat à aborder, comme « sujets », que les catastrophes naturelles, ou même que les guerres. Que la sexualité, que l’on tient, pour ne pas effrayer les innocent-es à englober dans le terme lénifiant d’ « amour » puisse être prétexte à des violences, menant le cas échéant à la mort, c’est rude pour qui l’annonce et pour qui l’entend. D’un ras de marée, on peut tirer une leçon : la nature est imprévisible - sauf si on met en œuvre les moyens qu’on a pour prévoir et contrecarrer ses sauts d’humeur. D’une guerre, aussi : des méchants sont prêts à tout pour gouverner le monde (comme dans les dessins animés) – libre à nous de nous mobiliser pour les arrêter. Mais allez expliquer la violence exercée sans profit apparent par un homme sur une femme ! Ou qu’un vieillard d’aspect inoffensif, et portant lui-même une robe, ait pu pousser la haine des femmes jusqu’à en condamner des milliers à mort au nom de convictions inconciliables avec la réalité de la vie. Et que ces convictions assassines soient partagées, ou du moins acceptées, par des millions d’individus sur terre…
Est-ce pour ne pas heurter la sensibilité du jeune public qu’on en parle si rarement à la télé ? J’ai des doutes. C’est d’ailleurs le souci de ne pas infliger à mon fils les images de charniers, d’enfants soldats, ou hurlant après avoir vu leur mère pulvérisée par une bombe, qui me fait interdire encore les infos télévisées. Que les dites infos relaient un discours pédagogique sur les violences, sexuées ou non, m’aurait plutôt arrangée.
Mais il n’est aucunement question de ça. Pour les chaînes, publiques ou privées, nous sommes toutes et tous un jeune public. Qui ingurgite des images sans faire le lien avec la réalité. Qui ne dispose que d’une mémoire encombrée, où une catastrophe chasse l’autre. Qui ne sait plus (pas encore) compter, et donc rejeter l’équivalence entre un seul et unique quidam arrivé au terme de sa vie bien remplie, et la multitude des victimes, non de l’âge mais des injustices.
Méfiez-vous, nababs ! Je crois, et je ne suis pas la seule, en la capacité du jeune public, quel que soit son âge, à se rebeller contre vos histoires, qui ne sont « même pas drôles », qui visent à nous endormir – alors que, tel-les la Belle-au-Bois dormant – nous n’aspirons qu’à nous réveiller.

P.-S.

Dominique Foufelle - 29 avril 2005

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