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Les femmes, principales victimes de la mondialisation

, par Josefina Gamboa

Certes, la mondialisation a facilité l’accès des femmes à l’information, et favorisé la création de réseaux de résistance. Mais elle a surtout accru les difficultés quotidiennes des plus pauvres.

L’ouverture des frontières (réelles mais aussi virtuelles) qui caractérise la mondialisation est pour tous une opportunité, en ce sens qu’elle facilite la communication entre sociétés et par conséquent leur rapprochement par les échanges d’ordre économique et culturel. Cela se fait grâce à la très large diffusion d’informations dont l’accès se démocratise de plus en plus, par le biais d’Internet. Ainsi, même dans des pays où la démocratie est inexistante ou bien est encore à l’état de balbutiement, les populations locales disposent de moyens d’échapper à leur isolement et de s’intégrer dans un processus de mondialisation inévitable.
Pour les femmes, cette ouverture est salutaire. Il faut souligner que par ce biais, elles comblent un fossé non négligeable qui est le manque d’accès à l’information. Or, l’accès à l’information est un pilier fondamental du développement durable dont il constitue également un indicateur. Les sociétés les plus avancées à l’heure actuelle sont celles où la circulation de l’information (entre peuples d’une même nation) s’est systématisée à tout point de vue. En se donnant la possibilité de s’informer, les femmes ont affiné un aspect stratégique vers le développement durable, à savoir l’organisation. En effet, l’on constate que de nombreux réseaux de femmes se sont crées, qui ont su promouvoir des relations de partenariats à toutes les échelles, ce qui fait qu’on assiste à une sorte de lobbying qui agit jusque dans les plus hautes sphères politiques, à l’image des Nations Unies.
Cependant, cela ne doit pas faire oublier que la mondialisation, qui est aussi un symbole de la montée en puissance du néolibéralisme, qui prône la dictature des marchés et la liberté du commerce touche en premier les femmes, qui font partie des couches les plus vulnérables de la société. Pour le démontrer, trois exemples issus de l’application des politiques macro-économiques inadaptées dans les pays en développement et dont les répercussions se sont sentir dans les domaines de la santé et de l’éducation, les deux parents pauvres du développement.

Les femmes, parmi les plus pauvres de la planète

Les statistiques montrent que les femmes constituent la grande majorité des plus pauvres de la planète. Selon l’UNIFEM, plus de 70 % des plus pauvres du monde sont des femmes. Les stratégies mises en place dans le cadre de la lutte contre la pauvreté dans les pays en développement reposent sur le soutien accordé aux plus pauvres, afin de leur permettre de réaliser des investissements et de mener des activités lucratives. Pour atteindre ces objectifs, des crédits leur sont octroyés. A cause des conditions d’accès au crédit, dont la première est l’apport de garantie, les femmes sont souvent peu concernées, puisqu’elles n’ont pas de biens à faire valoir. Si les hommes possèdent des terres qui, leur servent de caution, il n’en est pas de même des femmes, qui dans la majorité des pays n’ont pas accès à la terre. Par conséquent, en l’absence de crédits, elles ne peuvent pas investir, et se trouvent en marge du commerce mondial, confinées dans le secteur informel qu’elles sont plus de 60 % à animer, en quête de reconnaissance de la valeur de leur travail et de leur poids économique.
De plus, dans la plupart de ces pays où l’agriculture occupe la majorité de la population locale et constitue le pilier de l’économie, les nouvelles orientations fixées par le néolibéralisme poussent les pays pauvres à privilégier les cultures d’exportation destinées à alimenter les marchés des pays riches, au détriment de l’agriculture de subsistance qui permettait de couvrir les besoins alimentaires des paysans. Cette option entraîne en réalité une modification profonde des systèmes agricoles qui tombent sous le joug d’exploitants privés qui n’ont pas de soucis autres que le profit. Les femmes qui, pour la plupart n’ont pas accès à la terre dans ces pays, servent de main d’œuvre dans ces exploitations où elles sont traitées comme des esclaves, avec des salaires de misère. Pourtant, en Afrique par exemple, elles produisent plus de 80 % de la nourriture alors qu’elles ne possèdent que moins de 10 % des terres.

Désengagement de l’Etat et privatisation à outrance des services publics : facteurs de féminisation de la pauvreté

L’application des doctrines néolibérales s’est accompagnée aussi d’un désengagement progressif des Etats dans la gestion des services publics tels la santé et l’éducation, secteurs que les pays du Sud ont tendance à considérer comme non rentables. De ce fait, les investissements dans les domaines de la santé et de l’éducation se sont beaucoup amenuisé ces dernières années, ce d’autant que les bailleurs de fonds ont fortement réduit l’aide destinée à ces secteurs. Cela se traduit dans le domaine sanitaire par le manque criard d’infrastructures surtout dans les zones rurales, auquel s’ajoute la mauvaise qualité des services octroyés (manque et cherté de médicaments, insuffisance de personnel soignant etc.). Ceci explique la forte mortalité chez les femmes en couche (près de 500 000 par an selon les chiffres officiels), la forte prévalence de maladies liées à la malnutrition, la faible espérance de vie etc.
Plus des deux tiers des 900 millions d’analphabètes dans le monde sont des femmes. Sans éducation ni formation, elles sont condamnées à accepter des métiers qui ne requièrent aucune qualification. L’éducation et la formation des femmes sont incontournables dans la lutte contre la pauvreté. Elles acquièrent par ce biais plus de chances de trouver un travail décent. Les analyses montrent qu’une seule année d’études de plus pour une femme signifie une augmentation de son revenu de 15 %. La qualité de vie s’en ressent également, puisqu’à chaque fois qu’une femme effectue une année d’études supplémentaire, elle conçoit environ 10 % moins d’enfants. Par conséquent, le droit à l’éducation n’est pas un vain concept. Il doit être une réalité même dans les localités les plus reculées. Cela ne se fera que lorsque les gouvernements cesseront de raccourcir les budgets consacrés à ce secteur, que les jeunes filles auront les mêmes chances que les garçons d’accéder à l’éducation. Ce combat est loin d’être gagné, mais la mobilisation des femmes elles-mêmes porte à croire qu’il y a de l’espoir.

Les hommes font la guerre et les femmes en paient le lourd tribut

La mondialisation est également synonyme de renforcement de la domination des plus riches sur les plus pauvres. La prédominance de la logique économique a contribué pour beaucoup à la création de nouvelles zones de tension dans les pays pauvres. En effet, on sent comme une continuation de la guerre froide dans les pays du Sud par multinationales interposées, là où le contrôle des ressources devient le point focal des enjeux économiques. Il existe plusieurs cas pour l’attester (conflits congolais et sierra-léonais, pour ne citer que ceux-là). Ce sont les femmes et les enfants qui sont les premiers touchés par ces conflits. Ils constituent plus de 80 % des réfugiés. Le départ des hommes en guerre oblige les femmes à assumer le rôle de chef de famille. Sans ressources et sans biens, dans les conditions plus que précaires des camps de réfugiés, ne bénéficiant pas toujours d’aide, les femmes sont victimes de toutes sortes de violences et de traumatismes qui empêchent leur épanouissement. Ecartées des rouages de la prise de décision politique, elles se retrouvent ainsi seules à assumer les conséquences de conflits où elles n’ont point été consultées.
En somme, l’application à grande échelle des doctrines néolibérales n’a pas beaucoup profité aux femmes. Leur "fragilité économique" s’est accrue au fil des années, faute de la prise en compte des aspects genre dans la conception et l’application des politiques aux niveaux macro, méso et micro-économique.
Une large sensibilisation doit être menée près des femmes pour les mobiliser dans la conquête de leurs droits qui sont aussi reconnus comme droits de l’homme depuis la Conférence de Beijing en 1995. Cette sensibilisation doit être menée aussi et surtout en direction des hommes sur les épaules desquels repose la prise de décision, mais qui ignorent beaucoup de choses de la problématique genre dans la conception des programmes de développement. Le chemin est encore long, parsemé d’embûches, mais notre lutte n’en sera que plus légitime et nos résultats encore plus beaux.

NB : les chiffres mentionnés dans ce texte sont contenus dans un document publié par une ONG allemande, la Welthungerhilfe, et qui s’intitule "La pauvreté est féminine".

P.-S.

Aissatou Thioubou - juin 2002

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