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L’essor des groupes de troc au Brésil

lundi 28 février 2005, par Laurence

Venus d’Argentine, les groupes de trocs ont commencé à se développer au Brésil depuis 6 ans, dans un contexte politique favorable. Une première rencontre nationale a permis de mettre en valeur ces initiatives et augure un avenir prometteur pour cette pratique solidaire. Du 10 au 12 septembre dernier a eu lieu à Mendes, au Brésil, la première "Rencontre nationale des groupes de troc solidaire"

Du 10 au 12 septembre dernier (2004) a eu lieu à Mendes, dans l’Etat de Rio de Janeiro au Brésil, la première "Rencontre nationale des groupes de troc solidaire", avec la participation de plus de 130 personnes appartenant à des groupes de trocs de toutes les régions du Brésil ainsi que des invités d’Argentine et du Mexique.

Il convient de rappeler que ces "groupes de troc solidaire" utilisent leurs propres monnaies sociales, produites, distribuées et contrôlées de façon autogérée et qu’il n’existait jusqu’à présent pratiquement aucun contact entre ces différentes monnaies.
Mais que représente cet événement dans le contexte mondial ? On assiste ici au début d’une articulation au niveau national d’une expérience d’innovation sociale de la société civile organisée. Par ailleurs, il convient de noter que cet événement se tient dans un contexte doublement favorable :

- un fort mouvement d’Economie Solidaire au Brésil qui a plus de dix ans d’existence ;

- l’appui manifeste et constant d’une instance du gouvernement national, le Secrétariat National à l’Economie Solidaire du Ministère du Travail et de l’Emploi brésilien (SENAES).

De fait, si l’on respecte la séquence des événements, c’est précisément l’existence de ce mouvement d’Economie Solidaire qui a abouti à la création du Secrétariat d’Etat. Le titulaire à ce poste, l’économiste reconnu Paul Singer reconnaissait d’ailleurs il y a quelques semaines, en se dirigeant à des représentants du Parlement Latino-américain : "De manière très résumée, je pourrais vous dire que l’Economie Solidaire au Brésil peut se définir par trois types d’expériences fondamentales : les initiatives économiques autogérées par les travailleurs, les coopératives et les clubs de troc"...

Une pratique venue d’Argentine

De manière très synthétique, on peut dire que historiquement au Brésil, les groupes de troc possédant une monnaie sociale ont commencé à se développer à partir de 1998 dans la ville de Sao Paulo, ils se basaient alors sur l’expérience des réseaux de troc argentins. En décembre 1999, c’est à Buenos Aires que se crée le Réseau Latino-américain de Socio-Economie Solidaire, lors d’un événement qui réunit plus de 70 participants venant de dix pays différents, qui ont rendu visite et étudié les expériences de clubs de troc dans cette ville. A partir de cette création et de la participation aux Forums Sociaux Mondiaux, se développent de nouvelles expériences à Rio de Janeiro, dans le cadre du Forum de Coopérativisme Populaire, à Porto Alegre, Canoas, Viamao, Rio Grande et Alvorada, grâce au programme d’Economie Populaire Solidaire du gouvernement de l’Etat de Rio Grande do Sul, mais aussi des initiatives de différents types d’ONG de promotion sociale à Florianopolis, Curitiba, Ponta Grossa, Teresopolis, Fortaleza, Vitoria da Conquista, entre autres, couvrant ainsi de nombreuses régions du pays.

Lors de la Deuxième Rencontre Nationale de Socio-Economie Solidaire, qui a eu lieu à Guarapari en juin dernier, l’on constate l’existence d’un nombre significatif de groupes de troc avec monnaie sociale dans tout le pays et surgit l’idée d’une première rencontre nationale. Le SENAES, présent à l’événement, décide d’appuyer sa réalisation et a contribué significativement à sa concrétisation.

Des exemples de réussites

La réalisation de l’événement, après de très nombreuses heures de travail volontaire, dans de nombreuses régions du pays et de rencontres préparatoires, a eu lieu dans la ville de Mendès. Un large éventail d’organisations de l’économie solidaire était présent, donnant ainsi à cet événement toute sa grandeur et permettant d’augurer une étape privilégiée dans le développement de ces initiatives. Parmi ces expériences, on distinguera quelques-unes des plus remarquables :

1. L’usine Catende, de l’Etat de Pernambuco, a montré comment plus de 3000 employés pouvaient autogérer et rendre productive une plantation de canne à sucre condamnée à la faillite selon les propriétaires terriens.

2. DESIGNTEGRAL de l’Etat de Santa Catarina a montré, dans le cadre d’un fort mouvement socio-environnemental local, comment des alliances entre des ONG et l’économie solidaire peuvent améliorer la qualité de production et stimuler le "design" de haute qualité dans ce secteur économique en pleine croissance.

3. GEP, Groupe d’Economie Populaire de Vitoria de Conquista, dans l’Etat de Bahia a présenté tout un réseau d’alliances entre le gouvernement local et les organisations de l’économie solidaire qui a réussi à valoriser la production locale et a incorporé une monnaie sociale à partir d’un atelier organisé par le Chantier Monnaie Sociale de l’Alliance 21 au Forum Social Mondial de Porto Alegre en 2002.

4. Enfin, la banque PALMAS, une ONG de Fortaleza, dans l’Etat de Ceará, a montré une large gamme d’expériences mises en place ces six dernières années au cours desquelles la finance solidaire a pris la forme de microcrédits autogérés, de fonds rotatifs, de marchés populaires, de clubs de troc avec une monnaie sociale à circulation locale et des plans stratégiques de développement local, avec l’appui de consultants populaires de la communauté. Nous les avons félicités pour leur dernière réalisation : la création de la Banque Communautaire du Paracuru BancoPAR, soutenue par une alliance entre la municipalité et d’autres institutions et qui cherche à intégrer différentes formes d’économie solidaire avec la participation active de la communauté et du gouvernement local.

On comptait parmi les invités étrangers le mexicain Luis Lopezllera de la Promotion du Développement Populaire et les argentins Heloisa Primavera et Carlos del Valle du Réseau Latino-américain de Socio-Economie Solidaire. Ces derniers ont présenté le projet Colibri qui est sur le point d’être mis en place dans différents pays d’Amérique latine et qui, par la formation de promoteurs du développement local intégral et durable, vise à intégrer différentes stratégies de l’économie solidaire vouées au développement d’une citoyenneté active et socialement responsable.

Si l’on prend en compte que :
* ce mois-ci, le gouvernement brésilien parraine la réalisation du Séminaire International SAVOIR GLOBAL / SAVOIR LOCAL, auquel participeront des spécialistes de différents pays pour discuter de la portée des initiatives de monnaies complémentaires ;
** le prochain Forum Social Mondial, qui aura lieu en janvier 2005 à Porto Alegre, donnera une ample diffusion de ce thème, si méconnu de la plupart des initiatives d’Economie Solidaire
*** et que cela fait à peine six ans que cette idée a traversé les frontières du Brésil, nous serons à même de comprendre que des chemins plein de promesses s’ouvrent pour nous mener vers la construction de cet autre monde possible...

P.-S.

Heloisa Primavera
Décembre 2004

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