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La maquiladora : zone de non droit des travailleur-ses

vendredi 28 janvier 2005, par sophiec

Puebla n’est pas seulement une jolie petite ville coloniale proche de Mexico. C’est aussi là que se concentrent des maquiladoras de textile. Avec l’entrée en vigueur de l’accord multifibres depuis le 1er janvier 2005, les droits des travailleur-ses de ces manufactures infernales ne cessent d’être bafoués. Présent sur le FSM de Porto Alegre, l’ONG mexicaine Centre d’Aide au Travailleur (CAT) mène des actions de sensibilisation auprès de ces exploitié-es.

Depuis les années 70, les maquiladoras [1] fleurissent à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis pour s’étendre ensuite sur tout le territoire mexicain et les pays d’Amérique Centrale. Les conditions de travail des ouvrier-ères de ces fabriques sont des plus précaires : non paiement des heures supplémentaires, peu ou pas de reconnaissance des droits basiques du travail, pas de protection sociale en matière de santé, forte instabilité d’emplois. Près de 85% des employé-es des maquiladoras sont des femmes. Et bien sûr on ne peut pas passer outre la persistance d’une division sexuelle du travail : ces femmes occupent les emplois les moins bien rémunérés. Traitement de faveur oblige, elles sont la proie de harcèlement moral et sexuel.
Mais soyons rassuré-es, quand il s’agit de défendre les droits du travail et plus particulièrement le droit à s’organiser en syndicat...

Pour une meilleure défense des droits...


Et c’est là qu’intervient le CAT. Fondée en décembre 2000 par Blanca Velàzquez, jeune syndicaliste et ex-travailleuse de maquiladora et Davidal Albardo membre de USAS [2], le CAT a pour objectif d’impulser des mouvements syndicaux au sein des maquiladoras, et plus particulièrement celles de la région de Puebla. Leurs actions sont diverses. Dans un premier temps, il s’agit d’aller vers les communautés concernées et les sensibiliser à la question de leurs droits par le biais de pièces de théâtre. Les membres du CAT organise des ateliers regroupant des employé-es d’une même maquiladora autour du thème de la défense de leurs droits et des moyens par lesquels ils/elles pourront revendiquer la reconnaissance et le respect.
En outre, le CAT aide et soutient les futurs leaders syndicalistes afin qu’ils/elles soient à l’origine d’une nouvelle organisation syndicale indépendante. Il est nécessaire de leur apporter un soutien. En effet, la pression est telle que chaque leader syndicaliste et même activiste risque de se retrouver sur une liste noire des firmes multinationales leur valant le droit de perdre leur emploi (et d’avoir du mal à en retrouver...).

...et en particulier ceux des femmes


La situation des femmes des maquiladoras de Puebla (mais ce n’est pas un cas isolé) est doublement problématique. Cette région du Mexique connaît un fort taux d’immigration : les hommes partent pour la plupart vers la frontière et les plus "chanceux" vers les Etats-Unis pour trouver un travail. Les femmes, seules, doivent prendre en charge le foyer et donc trouver rapidement un emploi.
Les maris n’oublient jamais de ramener un petit cadeau pour leurs femmes entre deux migrations qu’on appelle communement le Sida. Face à cette situation, le CAT a mis en place un programme à l’intention de ces femmes sous forme d’ateliers où sont débattu des questions autour des droits du travail mais également de droits reproductifs, des droits sexuels, de la lutte contre les violences conjugales. Elles sont bien sûr fortement sollicitées pour mener des mouvements syndicaux.

Le poids du passé


Après 70 ans de corporatisme priiste [3], on aurait pu penser que le changement politique de 2000 allait mener à une démocratisation générale et notamment au sein du mouvemnent syndicaliste. Grave erreur. Le système certes est sûrement moins visible mais les liens entre le syndicat et le gouvernement restent très forts. En effet, auprès de chaque région est affectée une agence supposée défendre les droits de tous les travailleur-ses dont on attend encore une action notable. En outre, selon la loi mexicaine, tout travailleur-se peut faire entendre ses droits suivant la loi du travail. Mais celle-ci ne s’applique que dans le cas d’une signature de contrat entre l’employé et l’employeur. Or, on note une forte augmentation des contrats temporaires de courte durée (3 mois environ) qui eux ne sont pas pris en compte par la loi du travail. En outre , le gouvernement Fox a entamé une grande réforme qui entraîne une aggravation des conditions du travail et facilite les contrats temporaires.
Pour condammer ce tytpe d’intervention, le CAT et la USAS a lancé une requête en 2004 auprès des bureaux adminstratifs nationaux (NAO) des Etats-Unis et du Canada en soulignant que le gouvernment mexicain avait violé les accords du travail inscrits dans le traité de libre commerce. Pour répondre à cela, les NAO des Etats-Unis et du Canada ont récemment promulgué des recommandations à suivre par le gouvernement mexicain, recommandations qui n’ont bien sûr que peu de portée. En outre, cette requête a également été présentée auprès de l’Organisation Internationale du Travail, qui a ce jour ne s’est pas exprimée sur ce point.

P.-S.

Sophie Caussanel - 26 janvier 2005

Notes

[1] manufactures installées dans des zones franches appartenant à des firmes multinationales

[2] United Students Againts Sweatshops (union des étudiants contre les maquiladoras)

[3] Du nom du Parti Révolutionnaire Institutionnel

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