Comparées aux sommes pharaoniques dépensées dans l’armement, ou bien encore des festivités de prestige (le couronnement de Bush, par exemple), les aides promises par les Etats frisaient le ridicule. Encore fallait-il qu’ils tiennent leurs engagements : il y a eu des précédents d’aides promises non versées. Fut aussi rappelée une mesure simple et efficace :l’effacement de la Dette des pays touchés. Remarques auxquelles nous souscrivons, sans pouvoir toutefois ne pas noter une étrange absence dans les dénonciations : celle du tourisme sexuel.
Pudeur suspecte
Des touristes nous en vîmes sur nos écrans de télé ! De braves familles durement éprouvées, auxquelles il eut été de mauvais goût de jeter la pierre, en rappelant qu’elles étaient là pour profiter d’un soleil hivernal à prix relativement modique, sans trop se soucier de ce qu’impliquait cette activité pour le pays de résidence. Sans doute la plupart des vacanciers s’imaginaient-ils sincèrement contribuer à l’éradication de la misère, en ouvrant des emplois. Mettons-nous à leur place : les Asiatiques sont si « gentils », si « accueillants ». Comment deviner derrière le sourire les conditions de travail et de vie lamentables ? Aucun contrat de voyage ne précise à qui reviennent les profits des complexes hôteliers : locaux ou multinationales ? Du moment qu’on a son cocktail bien frappé…
Un voile encore plus opaque a recouvert la question du tourisme sexuel. Secret de Polichinelle, pourtant. Qui ne sait pas que la Thaïlande offre en la matière des services particulièrement performants, avec une spécialisation dans la chair fraîche ? Parmi les centaines de touristes disparus ou blessés, combien y étaient venus pour se les offrir ? Ils n’eurent pas les honneurs des « témoignages ». Encore moins celles et ceux que ces touristes-là considèrent comme des prestataires. Qui comptent leurs morts, là-bas, dans ces paradis touristiques où elles/ils survivaient.
On n’entendit pas davantage les victimes des viols qui ont suivi le cataclysme. Ignorance ? Que les situations de crise entraînent une recrudescence des viols, cela commence pourtant à se savoir. Est-ce parce que cela aurait détonné dans la partition bien orchestrée de la « solidarité internationale » ? Pour des bienfaiteurs contents, il faut des pauvres méritants. Ou est-ce que tout le monde s’en contrefiche ?
Quelle reconstruction ?
Prévisibles de la part des télés, ces « oublis » inquiètent de la part des commentateurs altermondialistes. Car enfin, que s’agit-il de reconstruire, une fois réglée la situation d’urgence (ce qui n’est, hélas, pas pour demain) ? Qui va en décider ? Qui passera des accords avec qui ? Les professionnels du tourisme se dépêcheront sans nul doute de ressusciter la poule aux œufs d’or. Et qui sait si, arguant de leur contribution au redressement de la région, ils n’obtiendront pas de gras soutiens financiers ?
Le tourisme (tel qu’il se pratique majoritairement aujourd’hui), cette industrie qui entraîne la dépendance des pauvres par rapport aux riches, engendre des relations humaines profondément inégalitaires. S’agissant du tourisme sexuel, elles deviennent répugnantes. On le sait ? Mais ce commerce, qui ne profitent qu’aux exploiteurs que sont les proxénètes, offrira des opportunités « durables » tant que le principe même de la prostitution ne sera pas remis en cause.
L’occasion de le faire après le tsunami a été négligée. Mais on espère en entendre parler au cours du FSM.