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De l’interprétariat à la médiation sociale interculturelle

vendredi 31 décembre 2004, par Dominique Foufelle

Le recours aux interprètes a un retentissement différent selon qu’il s’agisse de professionnels au sein d’association de médiation ou des enfants des patients, et nécessite que les soignants y soient attentifs. Les interprètes sont présents dans la relation soignant-soigné pour faciliter la communication. Mais au-delà des mots, ils doivent non seulement faciliter la communication, mais aussi la compréhension entre des personnes de culture différente, et dissiper les malentendus.

Au début des années 80, des militants associatifs, engagés à Nantes dans la défense des droits des immigrés, prennent conscience des difficultés supplémentaires que la maladie génère chez les migrants et leurs familles, notamment en cas d’hospitalisation. Aussi, participèrent-ils à la création de l’Association Santé Migrants de Loire Atlantique (ASAMLA) [[<1> Association Santé Migrants
21, allée Baco - 44000 Nantes
Tél/Fax. : 02 40 48 51 99
santemigrants.nantes@wanadoo.fr] afin de faciliter, en respectant les cultures, l’intégration dans le domaine de la santé des populations issues de l’immigration.
La première préoccupation fut alors de constituer une équipe d’interprètes pour créer une possibilité de communication entre les immigrés et les soignants. Ces interprètes seront salariés par l’association suivant la convention collective des personnels des centres sociaux. A cette période, ils exercent leur fonction d’interprétariat dans les hôpitaux du CHR et lors des consultations de protection maternelle et infantile des quartiers à forte densité immigrée. Au CHU, ils assurent à tour de rôle une permanence où ils sont sollicités aussi bien par les soignants que par les migrants eux-mêmes. Les interprètes sont donc présents dans la relation soignant-soigné pour faciliter la communication.
Mais au-delà des mots, ils doivent non seulement faciliter la communication, mais aussi la compréhension entre des personnes de culture différente, et dissiper les malentendus. L’interprète, qui a la même culture d’origine que le migrant, doit être capable de replacer un symptôme, une plainte, un comportement, dans son contexte culturel et de l’expliquer au soignant. Il faut éviter que le migrant ne soit pris pour un simulateur parce que l’expression de sa plainte ne correspond pas aux signes appris dans les manuels de médecine. En contrepartie, l’interprète doit être capable de faire accepter un examen, une prise de sang... que des habitudes culturelles poussent à refuser. L’interprète joue aussi un grand rôle dans l’explication d’un diagnostic, la compréhension et le suivi d’un traitement.
Pour cette fonction de médiation, les interprètes, bien sûr tenus au secret professionnel, suivent une formation à raison d’une demi-journée par mois. Cette formation intéresse tous les secteurs de leur activité : connaissance des structures hospitalières et médico-sociales, réflexion sur le concept de santé, notion d’éducation pour la santé, réflexion sur la pratique (le statut, le rôle, la neutralité difficile face à quelqu’un de sa culture), la législation des immigrés, l’analyse de cas, etc. Les interprètes médiateurs interviennent dans tous les services hospitaliers. Les sollicitations les plus importantes concernent la pédiatrie, la gynécologie, la maternité et plus récemment la consultation PASS (permanence d’accès aux soins de santé, destinées aux personnes en situation de précarité ou de pauvreté).
Mais la demande vis-à-vis de l’association s’est globalement modifiée avec l’évolution de la société. Ainsi dans les centres médico-sociaux, les interprètes-médiatrices présentes pour les consultations de PMI, ont progressivement été sollicitées par les autres travailleurs sociaux pour un accompagnement social. En 2002, il y a eu 275 accompagnements sociaux avec une augmentation de 57 % par rapport à l’année précédente pour 332 médiations en consultation de PMI. Au niveau de certains quartiers, ce travail de médiation est tellement reconnu que les interprètes-médiatrices sont considérées comme des partenaires et intégrées dans les différents réseaux. Quant aux permanences du CHU, elles ont été repérées petit à petit comme un lieu ressource par les migrants et 20 % des visites sont pour des « demandes sociales » : traduction de documents administratifs, dossiers de retraite, dossiers de CMU, carte de séjour...
Un 3e secteur s’est ensuite ouvert au champ des interprètes : les établissements scolaires. Il s’agit en général d’une médiation pour faciliter la communication entre un enseignant et un parent maîtrisant mal le français. On peut aussi demander à l’interprète d’être présent à un conseil de discipline ou lors de la remise des bulletins scolaires aux parents. L’association peut aussi être demandée pour des médiations collectives, comme par exemple lors d’actions passerelles pour faciliter l’entrée en maternelle ou le passage de maternelle en primaire.
Le budget de l’ASAMLA est assuré en majorité par le FASILD (fonds d’aide et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les discriminations) avec également un financement de la ville, du Conseil Général, de la DASS… Aussi avons-nous tremblé pour notre survie lors du gel du budget du FASILD en 2003. Mais une mobilisation importante s’est développée pour sauver l’association et il semble que l’avenir soit plus serein. Sur le nouveau programme du FASILD, nos subventions sont maintenant assurées sur deux secteurs précis : l’accès à la prévention sanitaire et aux soins par l’interprétariat social et le soutien à la parentalité. Cet obstacle passé et grâce à la reconnaissance de son travail, l’ASAMLA se prépare à franchir une nouvelle étape. Un poste d’Agent de Développement Local pour l’Intégration (ADLI) en direction de la communauté turque va être créé en Loire Atlantique et confié à une interprète-médiatrice de l’ASAMLA.

Article paru dans Pratiques – Les cahiers de la médecine utopique. Dossier "Face au défi de l’exil, des outils pour les soignants ».

P.-S.

Jean-Robert Pradier, Médecin généraliste

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