Bien que l’évolution sociale soit constante, que même les publicités tournent (gentiment) le machisme des employeurs en ridicule, les stéréotypes sont encore solidement ancrés et les entreprises qui s’engagent publiquement contre la discrimination au travail sont encore trop rares… Discrimination des deux cotés d’ailleurs : on demande plus souvent à parler au patron qu’à la patronne !
Il est un fait indiscutable, la recherche du premier emploi, même pour les jeunes diplômés se révèle de plus en plus ardue. Il n’y a pas si longtemps, un bac+5 était la garantie d’un emploi à la sortie de l’université. Mais on se voit demander toujours plus d’expérience, de pratique, et de spécialisations. Difficile de choisir parmi le foisonnement des DESS et autres Mastères existants !
Sans surprise, ces difficultés augmentent lorsqu’il s’agit d’une jeune femme, car étant jeune, sans expérience, n’arrange pas son entrée sur le marché du travail qui est encore et toujours le territoire de pratiques discriminatoires et phallocrates. Nous nous heurtons régulièrement à des refus motivés par notre sexe (comme dans la pub Eram, oui) ou des remarques humiliantes, ouvertement ou sous le couvert de l’humour.
J’aimerais partager ici deux expériences, la mienne et celle d’une amie. Les choses changent peut-être, mais difficilement !
Secrétaire, sinon rien
Pour ma part, j’ai dû récemment m’inscrire à l’ANPE et rencontrer un conseiller. Il n’a pas lésiné sur les moyens pour me caser sur le marché du travail. Mais avec des méthodes que je réprouve, pour utiliser un doux euphémisme.
L’ANPE est un « service » proprement inhumain. Tout d’abord, pour avoir la chance d’être reçu, il faut arriver une heure avant l’ouverture (à sept heures et demi donc) et patienter devant la grille. Tout le monde est stressé, irrité, honteux d’être demandeur d’emploi dans une société compétitive où il faut être performant-e, et savoir se « vendre » aux entreprises. Un sentiment de culpabilité diffus mais poisseux plane sur la file d’attente, rendant l’atmosphère tendue et désagréable. Ce n’est donc pas dans un état d’esprit totalement positif que j’ai abordé ce rendez-vous.
Reçue par un conseiller, affable et plutôt patient, j’ai dû dévider mon expérience professionnelle et mes diplômes – j’ai un DESS d’administration des entreprises et je parle cinq langues. Il m’a félicitée pour mon parcours original et s’est montré impressionné par mes qualifications, puis il a interrogé sa base de données pour un poste me correspondant.
Après une recherche plus que sommaire, il a trouvé le job idéal : secrétaire ! Oui, mesdames et messieurs, secrétaire ! N’est-ce pas le premier job auquel on pense pour une jeune fille diplômée ? J’ai répondu tout d’abord que ça ne m’intéressait pas, que je préférais un poste moins payé, voire un stage, mais un poste à responsabilités, qui m’apporte et me fasse évoluer. Il m’a rétorqué que dans une entreprise, seuls les intitulés changent, et que je ferais de toute façon la même chose. J’ai ensuite adroitement glissé que je ne voulais pas avoir fait cinq ans d’études pour faire le café. Il a affirmé, péremptoire, qu’en tant que jeune femme, on me demanderait forcément de faire le café. Avec le sourire. Lui, pas moi !
L’amour, un truc de gonzesses
Si c’était un cas isolé, encore, et que j’étais une personne particulièrement malchanceuse ! Mais au même moment ou presque, une amie était reçue à Axa Assurances, pour un entretien d’embauche ! Attention, ce qui suit est bien réel, même si on croit rêver…
Axa Assurances, une adresse cossue à la Défense, une « entreprise citoyenne », « la solidarité pour principe », etc., etc., (oui j’ai consulté leur site internet !) versus Mlle Giraud, 1m68 de motivation et de volonté. Cette fois-ci, deux recruteurs l’ont attaquée sur tous les fronts. Son répondant est devenu de l’impertinence, sa volonté un excès de confiance en soi, ses dénégations de l’insolence. Certes, les entreprises recherchent de plus en plus des tempérament qui collent à « leur esprit » plus encore que des compétences, et la meilleure façon de les départager restent des entretiens poussés, déstabilisants et difficiles. Mais les deux recruteurs sont vite passés aux agressions sexistes en se montrant particulièrement inspirés dans ce domaine. Ainsi, on a pu apprendre qu’à Axa Assurances, « on rigolait bien autour de la machine à café et même dans l’ascenseur avec les femmes », « qu’on embauchait des stagiaires féminines, qu’elles savaient mettre l’ambiance ».
A la lecture de sa lettre de motivation, les deux butors se sont jetés sur la phrase "j’ai l’amour des chiffres" ou "un amour pour les chiffres" je ne sais plus. Enfin bref, un truc qu’il vaut mieux avoir pour bosser dans les assurances ! Ils en ont remis une couche sur "l’amour, l’amour, encore une obsession féminine" et "les femmes toujours dans le domaine de l’affect" ! Et les hommes d’une objectivité sans reproche, c’est ça ?