Quand les Etats européens exportent au-delà des frontières de l’UE la responsabilité qui leur incombe de respecter leurs engagements internationaux en protégeant les réfugiés, il est hypocrite de s’y opposer au seul motif que la Libye, l’un des pays où sont envisagés ces " portails " (nouvel euphémisme de la novlangue européenne), n’est pas un parangon de démocratie : partout, les camps sont inacceptables. Refuser d’employer le mot camp participe de la même mauvaise foi : les mécanismes à l’œuvre aujourd’hui (violations des droits fondamentaux, filtre pour les besoins de main d’œuvre) étaient déjà au principe des "camps de la plage" que la France réserva en 1936 aux républicains espagnols, ou des camps pour "asociaux" (droits communs, communistes) de l’Allemagne du début des années 30.
La même exigence de précision dans le choix des mots devrait nous faire bannir le calamiteux concept d’"Europe forteresse" qui ne conçoit l’enfermement que dans des geôles ceintes de barbelés, alors que les clôtures technologiques se multiplient, et que les camps, tout autant qu’un espace physique, sont un processus de contrôle et de filtrage. Favorisant une vision uniquement répressive, ce slogan myope ne voit dans les migrants que des victimes, des catégories ("clandestins"), alors que ce sont des sujets, des femmes et des hommes dont les parcours excèdent l’explication par l’idéologie du contrôle ou l’aide humanitaire, et qui exercent leur droit à la liberté de circulation.
Pour en savoir plus, typologie et cartes des camps en et hors d’Europe : http://www.migreurop.org