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Des bases de données...
sans la base !

dimanche 31 octobre 2004, par Dominique Foufelle


J’étais en cabine pour interpréter le séminaire sur "la mémoire des FSE", le dernier jour du forum, dimanche matin, dans un Alexandra Palace semi-désert.
On a commencé très en retard : tout le monde a échangé ses opinions sur le FSE 2004, sur les magouilles de la nuit précédente, sur la nourriture dégeulasse, sur les prochains rendez-vous sociaux de l’année… Et puis le modérateur a pris la parole et a demandé à tout le monde de s’installer : le séminaire avait commencé.

Les intervenant-es ont déploré les mauvaises habitudes des participants des forums sociaux qui, par leur inertie, rendent la tâche de collecte des "rapports" difficile ; ils se plaignaient du manque de moyens techniques, et du travail des volontaires chargé-es de construire les bases de données.

Pourtant, on avait oublié l’essentiel.

Les divers intervenant-es ont parlé, à tour de rôle, de l’importance de la "mémoire des FSE", des problèmes de méthode, de bases de données, d’indexation des mots-clés, du problème de la collecte des rapports pré- et post-forum, de l’importance de la transmission de cette "mémoire" aux pays de l’Est et du Sud de l’Europe... Les intervenant-es ont déploré les mauvaises habitudes des participants des forums sociaux qui, par leur inertie, rendent la tâche de collecte des "rapports" difficile ; ils se plaignaient du manque de moyens techniques, et du travail des volontaires chargé-es de construire les bases de données. Les intervenant-es des pays de l’Est se plaignaient du manque de moyens financiers et techniques pour mettre en place des sites web pour leurs forums sociaux, leurs organisations, leurs journaux…
Pendant ce séminaire, les délégué-es ont été obnubilé-es par des questions technologiques et des questions de méthodologie (une spécialité française) qui allaient, un jour, régler le problème de la mémoire. A quand l’outil technique qui pourrait résoudre le problème d’indexation des différents acteurs politiques, des ONG, des associations, des concepts-clés, etc.? D’autres séminaires sont déjà prévus pour tenter de répondre à ces questions.

Pourtant, on avait oublié l’essentiel

Nous avons parlé de "mémoire" pendant presque deux heures sans qu’une seule personne se soit souvenue d’aller voir les interprètes en cabine pour leur parler des fameux concepts-clés, pour leur donner la feuille qu’ils allaient distribuer à l’assistance. Bref : les informations qui permettent aux interprètes de faire leur travail correctement en traduisant les débats en connaissance de cause. Personne n’a pensé à apporter le moindre document aux huit interprètes en cabine ce matin-là. Même le modérateur a oublié de nous donner le nom, la langue et l’ordre de passage des intervenant-es avant de commencer le séminaire !
Dans ma diatribe, je m’en suis aperçu par la suite, j’avais moi-même oublié de remettre en question notre passivité d’interprètes. Pourquoi n’avons-nous pas réagi plus tôt, à chaque séminaire, systématiquement, pour venir parler aux intervenant-es, et réclamer des informations ? Pourquoi attendons-nous toujours que celles/ceux-ci viennent vers nous ? Cette passivité peut s’expliquer, mais elle ne justifie rien. Nous aussi, nous aurions dû aller vers les intervenant-es, et parler avec elles/eux.

Nous avons écouté une déléguée regretter le choix de la base de données utilisée pour stocker la "mémoire" d’un FSE, cette base ayant été construite par des bénévoles.
Contrairement à ce que l’on essaie de nous faire croire, ce n’est pas parce que l’on paie pour un service qu’il sera meilleur, et ce n’est pas parce que l’on est bénévole qu’on est moins capable ou motivé qu’un salarié. Les exemples ne manquent pas : le site du FSE 2004 (coût : environ £60.000), la privatisation des chemins de fer en Angleterre…

Les délégué-es d’Europe de l’Est se sont plaint-es du manque de moyens techniques et financiers pour créér des sites web et soutenir leurs activités militantes.
Ces remarques m’ont laissé perplexe : de nos jours, avoir son propre site web ne coûte rien. Les sites du FSE 2003, du Monde diplomatique, des Pénélopes et de Babels, pour n’en citer qu’une poignée, sont tous gérés sous SPIP, un logiciel libre, facile à installer et à personnaliser. Au moins une demi-douzaine de solutions similaires existent par ailleurs (Zope, Tiki, PHPNuke, la liste s’allonge de jour en jour…). Ces logiciels, développés par des bénévoles, sont gratuits.
Et s’il faut des moyens financiers pour mettre en œuvre des projets spécifiques, espérons que les €500.000 qui restent du FSE 2003 pourront servir à quelque chose de concret… Un exemple : Babels et le groupe Nomad ont un projet qui cherche à rendre les outils d’interprétation simultanée accessibles aux petites organisations de l’Est et du Sud, qui ne peuvent pas se payer du matériel traditionnel. Nomad peut même numériser, indexer et mettre en ligne tous les débats sous format Mp3 (format "propriétaire") ou Oog ("libre"). On veut donner aux militant-es du Sud et de l’Est les moyens de s’organiser elles/eux-mêmes et de parler entre elles/eux, dans leur propre langue, sans passer toujours par les "grands" forums qui, eux, peuvent louer à grands frais du matériel d’interprétation.

Mémoire ? Quelle mémoire ?


Mais le problème n’est peut-être pas là. Ici, comme ailleurs, on a oublié les êtres humains qui constituent pourtant la base et la richesse des forums sociaux, et qui mettent en œuvre, de retour chez elles/eux, les idées débattues dans les forums. Les intervenant-es ont oublié d’aller parler aux interprètes, les interprètes ont oublié d’aller parler avec les intervenant-es…
Peut-être faut-il oublier la "mémoire des FSE", et réfléchir à une mémoire "présente", (ré)active, qui ne laisse pas de traces, mais qui nous rappelle à chaque instant que, pour comprendre et se faire comprendre, il faut d’abord aller parler aux autres ?

P.-S.


Yan Brailowsky - octobre 2004

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