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Le temps de la mémoire

dimanche 17 octobre 2004, par Anne Marchand

De forum en forum, il est urgent de construire une mémoire de cet espace d’échanges et de confrontation. Histoire de ne pas tourner en rond, de rendre visible ce qui prend forme, de s’offrir le temps du recul et de la réflexion… Mais cette préoccupation peine à être largement partagée.

"Tout le monde ne peut pas être parmi nous, mais tout le monde doit pouvoir savoir ce qui s’y est dit, c’est cela la démocratie", insiste Elisabeth Gauthier. Représentante d’Espace Marx, elle participe avec d’autres, Italien-nes, Hongrois-es, Roumain-es, Français-es, Espagnol-es… à un collectif européen pour la construction d’une mémoire du FSE qui tenait séminaire ce matin.
Et ce n’est pas chose facile. Loin d’être partagée par tout le monde, cette préoccupation peine à se faire entendre. Et pourtant. Sans la construction d’une "mémoire", le risque est grand de tourner en rond et de s’épuiser dans la répétition annuelle des mêmes thèmes, des mêmes contenus, des mêmes discours… jusqu’aux mêmes lacunes. Et sans mémoire, pas de trace, pas de continuité dans l’initiative, juste l’attente entre deux rencontres, juste le règne du moment. Pas de diffusion possible des débats et des idées, pas d’existence visible pour les alternatives qui émergent de ces bouillonnantes rencontres.

Partager la connaissance

"Il n’y a pas de mouvement collectif sans mémoire collective, rappelle Serge Wolikov. Mais qui contrôle sa construction ? Est-elle déléguée ou partagée ? Dans le passé, le mouvement ouvrier avait mis en place des écoles avec des professeurs et diffusait une histoire officielle. Aujourd’hui, il faut inventer des formes nouvelles pour la capitalisation des données mais aussi pour leur partage." Les projets, encore dispersés, ne manquent pas.
Ainsi, à l’initiative de Babels et son réseau d’interprètes volontaires, c’est un lexique qui prend forme avec pour objectif de restituer au mieux le sens des notions et concepts échangés (pour exemple, loin de n’être que deux mots à traduire, l’expression française "services publics" recouvre toute une histoire et une vision de l’organisation sociale). D’Italie, c’est la réalisation d’un annuaire des mouvements sociaux qui est proposée. Auquel s’intégrera une bibliographie européenne, un dictionnaire conceptuel, une chronologie… autant d’éléments utiles à la construction de convergences européennes.

La mémoire des plus puissants ?

Mais pour Simo Endre, de Hongrie, "il ne suffit pas de parler, il faut aussi donner à tous les moyens d’y participer. Sinon, dans cette mémoire, la diversité ne sera pas au rendez-vous. Que savez-vous de ce que pensent les citoyen-nes de l’Europe centrale et orientale, comment ils s’insèrent dans le FSE, comment ils jugent ce processus ? Que savez-vous de nos spécificités ? Le hongrois, le roumain, le tchèque… ne font pas partie des langues traduites, des langues coloniales. Nous avons besoin de soutien technique et financier pour nous faire entendre et pour exister dans cette mémoire."
"De quelle mémoire voulons-nous ?, s’interroge Gus Massiah. La question de la traduction des concepts est bien sûr essentielle. Mais nous devons être capables de mettre en évidence nos convergences. Si elles prennent forme autour de la question des droits et de la démocratie, c’est dans ce sens que nous devons travailler la mémoire, c’est seulement comme ça que nous pourrons construire des alternatives." Et les rendre visibles, car elles prennent forme, quoi qu’en disent certains journalistes qui persistent à ironiser sur ces "foires altermondialistes". Au-delà des déclarations d’intention, c’est aussi tout un travail d’éducation populaire qui est à construire, à renouveler.

P.-S.

Anne Marchand – 17 octobre 2004

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