A la veille du jour où un autre monde va se discuter à l’Alexandra Palace, The Media Culture and Communications Rights Network (Mccrn [1] ou Réseau Médias, Culture et Communication) inaugurait le premier des quatre jours du « Le Forum européen sur les droits à la communication ». Une journée intense au Centre Camden, au cœur de Londres, où des militant-es et chercheur-es européen-nes (et quelques Africain-es et Lation-Américain-es) [2] ont afflué de toutes parts afin de faire converger leurs efforts en matière de lutte pour les droits à l’expression et les droits à la communication.
Des projets opérationnels, en passant par les campagnes de sensibilisation et de mobilisation, au lobbying pour la défense et la promotion de ces droits auprès des institutionnels, les débats allaient bon train, au moment où des stratégies sont à réviser pour faire face aux attaques de plus en plus virulentes du libéralisme. On était par exemple en droit de se demander : qui possède quoi ? qui détient le pouvoir ? Qu’est-ce que cela représente pour le reste du monde ? Par ailleurs, il s’agissait de se focaliser sur les questions de sécurité et de mise en place d’une société de contrôle, sur les questions spécifiques des frontières et des migrations et sur la privatisation de l’espace des communications et du savoir.
Où sont les défenseurs des droits ?
Cette initiative venait donc insister sur ces questions souvent aisément balayées d’un revers de main par les altermondialistes, venus peu nombreux, au plus grand désespoir des organisateurs. Pourtant, les libertés publiques ne cessent d’être bafouées, victimes de la vague des législations antiterroristes répressives, comme en témoigne ce qui se met en place en Europe, et en particulier en Grande-Bretagne qui est en train de devenir le pays où se testent de nouveaux moyens de contrôle et de surveillance : les immigré-es sont suivi-es par satellite. La population doit posséder une carte d’identité avec des identifiants biométriques pour pouvoir accéder aux services de santé, aux transports publics et bénéficier de services sociaux, dont toutes les informations sont stockées dans des bases de données interconnectables, aux accès ouverts à des centaines de services gouvernementaux et aux collaborateurs "intéressés". Cela ne représente-t-il pas une atteinte aux droits humains fondamentaux ? Quel état des lieux, quelles stratégies sont utilisées par les défenseurs de libertés publiques pour élargir leur audience, empêcher cette vague répressive ?
Par ailleurs, malgré les tendances au contrôle des migrations et des communications au travers de gigantesques bases de données, comme le Système d’information de Shengen, les contrôles biométriques,... les gens continuent à se déplacer et échanger. Quel lien faire entre la défense du droit à communiquer et celle du droit à se déplacer ?
Ensuite, la montée en puissance du pouvoir des entreprises en Europe se reflète dans la concentration accélérée dans les médias et les moyens de communication. Les règles de défense du pluralisme ont été insuffisantes pour limiter la main-mise des grandes corporations sur la vie publique. Comment faire face ? Comment organiser les alternatives ?
Une polémique au long cours
Toutes questions relatives au droit à l’expression, c’est-à-dire à l’information, certes, mais aussi à la maîtrise du droit à communiquer, garant de la protection de la propriété intellectuelle mais aussi du respect des libertés individuelles,… de la démocratie participative tout simplement. Or, parmi tou-tes ces universitaires et militant-es, le cœur balance : droit à l’expression (référence à l’article 19 de la Déclaration universelle des droits humains) ou droit à communiquer ? Polémique déjà présente au Sommet mondial de la société de l’information (Smsi) à Genève en décembre 2003, apparemment encore d’actualité. Pourtant, le rythme de l’industrie des télécommunications, et ses périphériques, va bon train, sans aucune agression sur son terrain : les marchés, celui de travail, comme celui d’internet… Comment devenir force de proposition, comment mettre notre grain de sable dans l’engrenage du cybercapitalisme, comment se réapproprier la vitesse du profit électronique au service de la personne humaine et de ses besoins ? Comment créer l’économie des droits à communiquer ? Le colonialisme a pris ses habits de tuyaux à haut débit, façon haute couture, injectant culture (modes de pensée) et modes de travail, au Sud mais aussi au Nord, par sa force de contamination des cerveaux. Pour seul exemple, les populations appellent de leurs vœux toujours plus de sécurité, plus de contrôle, à tous les niveaux, dans la rue, dans les écoles, à l’hôpital… Ou encore la montée en puissance des communautarismes, qui loin de représenter ce qui pourrait être le bien commun, signifie davantage la conduite de force et la prise de contrôle par les politiciens. La leçon à retenir ce jour serait sans doute qu’il n’y a aucune évidence dans tout cela, que notre regard de citoyen-ne est vrillé, tout autant que nos grilles de lecture. Serait-on en train d’assister calmement à la mort de l’idéologie des droits ?
Pour plus d’informations : www.efcr2004.net