Depuis que nous avons été licenciées de l’usine Levi’s à La Bassée, dans le Nord de la France, des dizaines d’entreprises sont parties à l’étranger. Et combien y en aura-t-il encore ? Sans doute beaucoup, jusqu’à ce que le gouvernement s’inquiète, mais nous en doutons. Peut-être y trouve-t-il du profit ? Ça, on ne le sait pas. Mais pour laisser faire tout ça… C’est bizarre.
Tous les jours aux infos, deux ou trois usines sont sur la sellette. Aujourd’hui Flodor, hier Danone, Lu, Moulinex, Thomson, et bien d’autres encore. Il y en a tellement qu’on ne peut pas toutes les nommer.
Il y a cinq ans que Levi’ Strauss a fermé ses portes. Notre usine. Pourquoi ? Délocalisation en Turquie. Dès 1996, nous étions au courant qu’une usine Levi’s allait ouvrir en Turquie. Ils faisaient le même travail que nous, les fameux 501 que tous les jeunes et même les moins jeunes portaient. Mais ne vous inquiétez pas, il n’y a aucune fermeture d’usine en Europe. Pensez-vous. Dès que Denimco, usine Levi’s en Turquie, a atteint les trois millions huit cent mille jeans que nous faisions à l’usine de La Bassée, celle-ci a fermé ses portes. Pourtant nous faisions de la très bonne qualité. Alors que nous travaillions depuis 25, 30 ans. Pas de sentiment, l’usine doit fermer. C’est comme ça. Pourquoi en Turquie ou ailleurs ? Parce que les charges sont moins lourdes pour les entreprises. Les salariés ont des paies de misère, un quart de ce que nous gagnons en France. Et combien d’heures travaille le personnel ? Certainement pas 35 heures par semaine. De l’aube au crépuscule, ils sont devant leur machine. Et pas moyen de se défendre, pas de syndicats, de comité d’entreprise. Et surtout ne se plaindre à quiconque sinon c’est le licenciement sec et net. Sans prime.
Alors pourquoi les patrons partent-ils tous à l’étranger ? Parce qu’ils ne font jamais assez de bénéfices. Toujours du profit. Ils n’ont jamais assez de pognon. Que des centaines de personnes se retrouvent sans emploi, c’est pas leur problème. Ils ne voient que leur porte-monnaie.
Un autre exemple. Renault lance sa nouvelle voiture, la Logan. Celle-ci sera fabriquée en Roumanie, puis en Croatie. Mais ne devait être vendue que dans les pays de l’Est. Une voiture pour les moins aisés, disent-ils. Mais ne sera pas vendue en France. N’auraient-ils pas pu faire travailler des centaines de salariés chez nous ? Où le chômage est de plus en plus important. Bien sûr, on ne peut pas leur en vouloir. Ce sont des ouvriers comme nous. Dernière nouvelle : la Logan sera vendue en France en 2005. Mais bien sûr, à un coût plus élevé. Ça, on s’en doutait. Ici, nous avons tous les moyens d’acheter une voiture. Les Français ne doivent pas se plaindre.
Il y a trente-cinq ans, je travaillais dans une usine de pantalons. Celle-ci a été délocalisée en 1976 à l’île Maurice. Alors vous voyez, depuis que ça existe et à ce jour, pas beaucoup d’entreprises échappent à cette délocalisation.
Nous pensons qu’il faudrait voter une loi qui empêche les patrons de nous éjecter comme des malpropres. Qu’ils ne partent pas à l’étranger dès qu’ils en ont envie. Pour leur profit. Car ils sont partis dans les pays de l’Est où la main d’œuvre est beaucoup moins chère. Mais après, où iront-ils, quand ils n’auront plus assez de pognon ? En Chine, en Asie. Et partout, ils font des malheureux. Mais ça, ça n’est pas leur problème. Et le gouvernement français, qu’il arrête de les soutenir, car la France va devenir un pays pauvre. Peut-être qu’un jour, ils reviendront. Mais il sera trop tard.
Pour en savoir plus sur les licenciées de chez Levi’s et l’association qu’elles ont créée : www.mains-bleues.org