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Le projet de loi du gouvernement Raffarin "relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste et homophobe" est indéfendable

jeudi 30 septembre 2004, par Dominique Foufelle

Le projet de loi présenté le 8 juin 2004 par Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, "relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe" a été critiqué par nombre d’associations féministes. Pour notre part, un travail critique attentif a transformé notre insatisfaction première en colère, puis en refus global de ce texte.

Le projet de loi [1] présenté le 8 juin 2004 par Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, " relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe " a été critiqué par nombre d’associations féministes. Celles-ci ont refusé la " hiérarchie " établie dans ce projet entre l’ " homophobie et le sexisme " et, tout en saluant des " avancées extrêmement positives" [2] elles ont demandé que les mesures acquises contre l’homophobie le soient aussi pour les femmes. Pour notre part, un travail critique attentif a transformé notre insatisfaction première en colère, puis en refus global de ce texte.

Ce projet de loi est, pour de nombreuses raisons, inacceptable. Il est juridiquement et politiquement indéfendable.
Sa constitutionnalité est même posée si l’on confronte la déclaration de Madame Ameline, ministre de la parité et de l’égalité professionnelle qui considérait que cette loi était "une grande avancée pour les femmes dans notre droit positif français" [3], au préambule de la Constitution de 1946, reprise par celle de la Vè République qui pose que : […] " La loi garantit à la femme dans tous les domaines des droits égaux à ceux de l’homme " ?
Le report - pour des raisons qui n’ont pas été dites et qu’il importerait de connaître - de ce projet, annoncé pour la session législative de cet automne, si peu débattu, si peu et si mal pensé s’avère une chance d’empêcher le vote de ce projet de loi inique.

Pourquoi ce projet est-il inacceptable et donc indéfendable ?
Ce projet de loi est inacceptable parce que son titre est un leurre.
Ce projet de loi prolonge des dispositions législatives injustes et en aggrave l’injustice.
Ce projet de loi est inacceptable car il confère aux personnes concernées par le terme " orientation sexuelle " des droits dont les personnes visées par le terme " sexe " ont été exclues.
Ce projet de loi est inacceptable car il emploie deux termes "sexiste" et "homophobe" qui en eux-mêmes sont inappropriés et parce qu’il assimile " orientation sexuelle " à homosexualité d’une part et " sexe " à femmes d’autre part.
Ce projet de loi est inacceptable pour les lesbiennes parce qu’elles ne sont pas prises en compte.
Enfin on peut noter qu’il servira, s’il est voté, de fondement à un texte déjà adopté qui a pour objet de permettre l’expulsion des seuls étranger- ères.
Reprenons ces différents points.

Le projet de loi est inacceptable parce que son titre est un leurre


L’intitulé de ce projet de loi, très largement reproduit sans distance critique par les médias [4] n’est, pour aucun de ces deux termes : " sexiste " et " homophobe ", repris dans le corps même du projet de loi. Le titre lui-même - et les deux termes qu’il comporte donc aussi - disparaîtra lorsque les modifications que ses articles seront intégrés dans le Code pénal. Présenter ce projet de loi comme devant " réprimer les propos homophobes et sexiste" [5] est donc un leurre.
Ce texte n’apporte - en contradiction avec la présentation médiatique et politique qui en a été faite - aucune nouveauté juridique conceptuelle.
Odile Dhavernas écrivait en 1985 concernant le projet de loi dit " anti-sexiste " d’Yvette Roudy : " Ses auteures ne se sont autorisé aucune utopie d’avant-garde, aucune incrimination expérimentale ; au contraire, elles ont solidement enraciné les dispositions nouvelles dans une tradition juridique déjà assise, elles ont recouru à des concepts familiers, usités, éprouvés " [6]. Ce jugement, à l’exception de l’ajout du mot " orientation sexuelle " sur lequel nous reviendrons, est encore juste en 2004.
Quant à l’expression "propos discriminatoires ", son apparente simplicité cache des enjeux théoriques et conceptuels importants. En effet, un propos peut-il être discriminatoire ? L’article 225-1 du Code pénal dispose que " constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques (…) ". Cette " distinction " se traduit par des actes pour certains réprimés par le droit à l’article 225-2 C.pen [7].
Or un "propos" ne peut être sanctionné par un article qui ne vise que des actes.
En outre, la référence aux " propos discriminatoires " disparaît dans le projet de loi lui-même, dans lequel il n’est plus question que de " provocation à la haine, à la violence, à la discrimination ", "d’injure " et de " diffamation ".

Un projet de loi qui prolonge des dispositions législatives injustes et en aggrave l’injustice


Ce projet de loi ne prend en effet de véritable sens que dans le cadre d’un ensemble législatif plus large. L’exposé des motifs y fait d’ailleurs explicitement référence : " Des réformes récentes sont venues très sensiblement améliorer l’arsenal législatif permettant de sanctionner de telles atteintes […] [8]".
En effet, préalablement au projet de loi Raffarin, deux lois adoptées en mars 2003 et en mars 2004, prenant en compte exclusivement le critère " d’ orientation sexuelle " avaient déjà été votées par le Parlement.

La loi du 18 mars 2003 " pour la sécurité intérieure " a - dans le prolongement de celle du 3 février 2003 " visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite et xénophobe " - institué dans le Code pénal une circonstance aggravante en raison de " l’orientation sexuelle " réelle ou supposée de la victime [9].
Le critère d’"orientation sexuelle " a donc été ajouté à la liste des autres [10] circonstances aggravantes du " meurtre " (221-4 7ème C. pen), des " tortures et actes de barbarie " (222-3 5 ter C. pen), des " violences " (222-7 à 222-13 C. pen) des " viols " (art.222-24, 9° C. pen) et des " agressions sexuelles " (222-30, 6° C.pen).
Le critère de " sexe " de la victime n’a fait, quant à lui, l’objet d’aucune circonstance aggravante.
Si l’on considère que " l’orientation sexuelle " désignerait les homosexuel-les et " le sexe ", les femmes [11], le législateur considère donc, depuis mars 2003, qu’il est plus grave de tuer, de violer, d’agresser un homme homosexuel en raison de son homosexualité que de tuer une femme parce qu’elle est une femme.
Le législateur considère ainsi que le crime commis à l’encontre de Sébastien Nouchet est plus grave que le crime commis à l’encontre de Sohane Denziane [12] : dans le premier cas, les auteurs du crime sont en effet passibles de la condamnation à perpétuité, dans le second, de 30 ans de réclusion criminelle [13].
Le législateur a voté une disposition qui considère donc que des mêmes crimes sont plus graves pour les victimes homosexuel-les que pour les victimes femmes, alors même que la comparaison est à peine possible, tant nombreux et divers sont les crimes et délits commis à l’encontre des femmes [13].
Cette différenciation importante concernant le traitement des femmes victimes est passée à l’époque inaperçue.
Le vote de cette loi signifie donc sans ambiguïté que ces violences à l’encontre des femmes font tellement partie de l’ordre des choses que le droit leur dénie la possibilité d’invoquer une circonstance aggravante.
Le vote de cette loi signifie donc que les crimes les plus banals, les plus violents, les plus fréquents - ceux commis par des hommes à l’encontre des femmes (assassinats, meurtres, contraintes au suicide, viols, agressions sexuelles, harcèlement sexuel, prostitution…) - sont des crimes simples, ne méritant aucun traitement particulier.
Le vote de cette loi signifie donc que ces violences, ces crimes - appelés fémicides par les anglosaxon-nes - sont tellement normaux et ordinaires que les peines doivent rester normales et ordinaires. Pourquoi ? Parce que les manifestations les plus graves, les plus répandues de la domination masculine ne troublent pas, dans l’ordre masculin, l’ordre public ; elles le confortent même en transférant sur des victimes - le plus souvent silencieuses - une violence qui dès lors ne se manifeste pas dans l’espace public, politique.
Par ce vote, le législateur a donc non seulement entériné la perpétuation de la normalité des violences masculines, mais en accroissant l’écart de traitement entre ces mêmes crimes et délits en fonction de l’orientation sexuelle de certaines victimes, il en a changé la nature même.
Il est banal dans l’histoire française - l’antiféminisme étant sans aucun doute l’une des spécificités politiques nationales les moins souvent interrogées - de ne pas reconnaître la cohérence politique entre toutes ces violences masculines,
* quelque soit le lieu (travail, rue, domicile, caves..) où elles s’exercent,
* quelque soient leurs modalités d’expression (rémunérées ou non),
* quelque soient les relations entre les auteurs et leurs victimes (père, oncle, enseignant, mari, employeur, collègue, prêtre, médecin, avocat…),
* quelque soient les institutions (Education nationale, police, gendarmerie, fédération sportive).
Il est en revanche une nouveauté historique que des violences liées à l’homosexualité de la victime contribuent à disqualifier les violences liées au sexe de la victime, ici, en l’occurrence les femmes.

Loi du 9 mars 2004" portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité " a institué dans le Code pénal une circonstance aggravante en raison de " l’orientation sexuelle " réelle ou supposée de la victime en matière de menace, de vol et d’extorsion.
Le critère de " sexe " n’a pas été, quant à lui, pris en compte.
Il est ainsi en France, en 2004, plus grave de voler un homme ou une femme parce qu’il/elle est homosexuel-le, que de voler un homme ou une femme sans prise en compte de leur sexe.

Un projet de loi inacceptable…


…car il confère aux personnes concernées par le terme "orientation sexuelle" des droits dont les personnes visées par le terme "sexe" ont été exclues.

Présentation globale du projet de loi
Le projet de loi du 8 juillet 2004 comporte sept articles. Il modifie le chapitre 4 de la loi, insérée dans le Code pénal, du 29 juillet 1881, dite " sur la liberté de la presse " portant sur " les crimes et délits commis par voie de presse ou tout autre moyen de publication ". Ce projet de loi ne concerne donc pas que " la presse " stricto sensu mais, beaucoup plus largement, les écrits et les paroles rendus publics.
Son article 1 ajoute au délit de " provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence", (art 24 de la loi de 1881) les critères d’" orientation sexuelle " et de " sexe " à la liste des critères déjà existants.
Ses articles 2 et 3 ajoutent aux circonstances aggravantes déjà existantes pour les délits de " diffamation" [14]. et d’"injure" [15](art 32 et 33 de la loi de 1881) celle d’"orientation sexuelle ".
Pour ces deux délits, son article 4 autorise le ministère public " à exercer d’office " les poursuites c’est-à-dire sans plainte de la victime (art 48-6 de la loi de 1881) et allonge le délai de prescription à un an (art. 65-3 de la loi de 1881)
L’article 5 autorise la constitution de partie civile des " associations […] se proposant, par [leur] statuts, de combattre les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle ou d’assister les victimes de ces discriminations " pour les délits de " provocation à la haine […] ", d’ " injures ", et de " diffamation ".
Ce même article autorise la constitution de partie civile des associations dont l’objet est " de combattre les violences ou les discriminations fondées sur le sexe ou d’assister les victimes de ces discriminations " pour le seul délit de " provocation à la haine ".
L’article 6 traite de la récidive et de la prescription.
L’article 7précise que " La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les Iles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises ". Elle exclue donc Mayotte de son champ d’application.

L’analyse de ses dispositions
1) L’article 1 du projet de loi modifie l’article 24 de la loi de 1881 - dite loi " sur la liberté de la presse ".
Il insère en effet " après le huitième alinéa " de cet article " un alinéa ainsi rédigé " : " Seront punis des mêmes peines ceux qui, par ces mêmes moyens, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle ".
L’analyse de cet article est importante car il est le seul parmi les sept articles à traiter à équivalence le " sexe " et l’ " orientation sexuelle ". Le seul qui autoriserait à présenter ce projet de loi comme " une avancée " pour les femmes.
Si l’on y regarde de plus près, que découvrons-nous ?

Concernant la " provocation " à la " haine "
Si les termes de " violence " et de " discrimination " renvoient à des délits ou des crimes du Code pénal, aux articles 225-1 et suivants concernant les " discriminations " et aux articles 222-7 et suivants concernant les "violences ", la " haine ", elle, n’existe pas dans le Code pénal. Le terme n’étant pas défini, la signification de ce terme sera laissée à la seule interprétation des magistrat-es qui risquent fort de perpétuer les schémas culturels, sociaux et politiques dominants lesquels excluent la " haine des femmes " du champ des " haines " reconnues comme ouvrant droit à réparation.
Comment en effet pourraient-ils reconnaître cette " haine ", puisque l’existence même de violences masculines à l’encontre des femmes n’est toujours pas analysée comme ayant une signification politique.
Tant que l’Etat ne s’engagera pas - ce qu’il n’a jamais fait concernant la " haine " à l’encontre des femmes et ce qu’il a récemment fait concernant la nécessaire lutte contre l’homophobie [16]- à reconnaître la nécessité de lutter contre toutes les manifestations des violences masculines à l’encontre des femmes, les magistrat-es, les policiers-ères notamment, continueront à exercer leurs propres jugements. Et les stéréotypes masculinistes perdureront.

Concernant la " provocation à " la " violence "
La confusion de la rédaction de cet article eu égard à l’emploi de ce terme pose un problème important. En effet, de deux choses l’une :
* Ou cet article - qui concerne donc " les provocations à " - renvoie strictement aux articles concernant les " violences " du Code pénal.
Dès lors, ne sont visés que les seuls articles inclus dans le paragraphe du Code pénal intitulé : " Des violences " [17] (articles 222-7 à 222-16) qui concernent " les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner ", " ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ", ayant et n’ayant pas " entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours " [18]
En sont donc exclus les " tortures et actes de barbarie " [19], les " meurtres " [20] et les " violences sexuelles " [21]qui ne font pas partie de ce paragraphe 2.
Dans cette hypothèse, les incessantes demandes des féministes d’une pénalisation des " provocations " aux viols, aux agressions sexuelles, au harcèlement sexuel, au meurtre, mais aussi aux tortures (lisibles dans les sites dits ’pornographiques’) seront une fois encore refusées aux femmes par le gouvernement.
Il en est de même des " provocations " à la violence sexuelle qui sont l’un des principaux ressort de la publicité [22] et de la pornographie. Si ce texte était voté, elles ne pourront pas alors être poursuivies sur la base de cet article.
* Ou bien cet article ne renvoie pas strictement au Code pénal et alors le terme de " violence " est sans assise juridique. Dès lors, des procès pourraient certes avoir lieu mais les jugements seront aléatoires, contestables, réversibles.
Par ailleurs, ce projet de loi entre en conflit avec un article déjà existant.
En effet, l’article 24 (alinéa 1) de la loi de 1881 punit déjà de cinq ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende " ceux qui auront directement provoqué [….] à commettre [ … ] les atteintes volontaires à la vie [… ] à l’intégrité de la personne et les agressions sexuelles, définies par le livre II du Code pénal ". Selon cet article, les provocations à la violence - qui sont des " atteintes " à " l’intégrité de la personne " mais aussi les " agressions sexuelles " sont déjà condamnables.
Le projet de loi punit quant à lui les " provocations à " la " violence ", " à raison du sexe " et de " l’orientation sexuelle " " d’un emprisonnement d’un an et/ou d’une amende de 45 000 euros ".
Ainsi, sur quel fondement légal une personne qui dit : " Bats ta femme, si tu ne sais pas pourquoi, elle, elle le sait " sera-t-elle poursuivie ? Au titre de la provocation " à la violence à raison du sexe " [23] ou au titre de la " provocation " aux " atteintes volontaires à l’intégrité de la personne " [24] ? La deuxième alternative qui nie la réalité sexuée de la provocation à la violence permet une condamnation plus lourde de l’agresseur.
En diminuant la pénalisation et donc la gravité du délit, cet article serait une régression en matière de répression des violences à l’encontre des personnes désignées par les critères " sexe " et "orientation sexuelle ".

Concernant la " provocation " à la " discrimination "
Il s’agirait alors du seul acquis non problématique de l’article 1 et donc du projet de loi pour les femmes. Mais son occurrence est quasi nulle.
Car par exemple, comment un employeur " provoquerait-il " à la discrimination ? Et pourquoi ? Puisqu’il lui suffit de le faire.
La quasi - absence de plaintes pour discrimination [25] en raison du " sexe" rend encore plus dérisoire l’avancée que cet article représenterait pour les femmes.

Concernant les conséquences de cet article au regard du droit existant
Le projet de loi a pour conséquence remarquable et inattendue - a t-elle été intentionnelle ? - qu’il serait plus grave d’inciter par la parole ou l’écrit à la violence physique à l’encontre d’une femme ou d’un groupe de femme [26] que d’exercer une violence physiqueà l’encontre de cette même femme ou de ce même groupe de femmes [27].
Ainsi, dire : " Les femmes - ou ta femme - faut leur - ou lui - foutre une raclée, si elle-s t’emmerde-nt " coûterait à l’auteur de ces paroles un an de prison et /ou 45.000 euros d’amende, alors que frapper une femme ne permet qu’une condamnation de l’agresseur à une amende de 1500 euros.
En conclusion, même l’article 1, le seul qui a été présenté - et qui pourrait être considéré - comme étant une avancée pour les femmes sera, lors de sa mise en œuvre par les tribunaux, nécessairement confronté à ses confusions conceptuelles originelles.

2) Les articles 2 et 3du projet de loi modifient les articles 32 et 33 de la loi de 1881 relatifs à la " diffamation " et à l’" injure " en aggravant ces délits s’ils sont commis en raison de l’" orientation sexuelle " de la victime. Le critère de " sexe " a été formellement exclu de ces articles.
Non seulement la peine d’amende - censée concerner les homosexuel-les - est doublée concernant l’" injure " - elle passe de 12.000 à 22.500 euros - et quadruplée concernant la diffamation - elle passe de 12 000 à 45.000 euros, mais plus encore la peine, elle même, change de nature. Les auteur-es des délits visant les homosexuel-les, autrefois passibles d’une seule peine d’amende sont désormais passibles d’une peine de prison : 6 mois pour l’" injure " et un an pour la " diffamation ", les peines d’amende et de prison pouvant se cumuler.
Là encore, non seulement il serait plus grave d’injurier ou de diffamer une personne ou un groupe de personnes à raison de son " orientation sexuelle " qu’à raison de son " sexe ", mais la très notable aggravation des peines prévues par les articles 2 et 3 rend encore plus flagrante l’injustice du projet à l’encontre des femmes.

Suite de l’article

Article paru sur les sites :
de l’AVFT : www.avft.org/html/projet_loi_raffarin.html
et de Marie-Victoire Louis : www.marievictoirelouis.net

P.-S.

Marilyn Baldeck, AVFT ; Catherine Le Magueresse, présidente de l’AVFT ; Marie-Victoire Louis, ex-présidente de l’AVFT, CNRS - 30 septembre 2004

Notes

[1] Ce texte pose des questions dont les réponses sont d’une réelle complexité, dès lors toutes les critiques sont non seulement bienvenues mais souhaitées. En fonction de ces critiques, comme de l’évolution de notre propre pensée, nous nous réservons la possibilité de le faire évoluer.

[2] [ ….] " Malgré des avancées extrêmement positives, nous ne pouvons nous satisfaire de ce projet en l’état. Enfin, on envisage une loi qui permette de sanctionner les incitations à la violence sexiste et de nous porter partie civile ce que nous demandons depuis des années. Mais alors que l’on tenait enfin l’occasion de sortir du mépris envers les femmes, le texte proposé établit très clairement une hiérarchie entre l’homophobie et le sexisme. Conte l’homophobie, une loi complète, contre le sexisme, seulement une partie des mesures. [ …..] Ne nous arrêtons pas au milieu du gué. La loi a banni les insultes racistes. La loi va bannir les insultes homophobes. La loi ne doit pas discriminer les femmes en les tenant à l’écart de ce dispositif Encore un effort ! ". " Pour une vraie loi antisexiste " par L’association Chiennes de Garde. Le Monde. 20-21 juin 2004. Ce texte a été soutenu par de très nombreuses associations féministes et/ou lesbiennes. Cf., le site des Chiennes de Garde.,

[3] Communiqué de presse du 8 juin 2004

[4] Cf. le titre de première page du Monde du 10 juin 2004 : " La loi qui réprime les propos homophobes et sexistes ".

[5] Définition du Robert : " abuse, trompe, attire par des apparences séduisantes, des espérances vaines qui créent des " illusions "

[6] Odile Dhavernas, " Vers une législation antisexiste en France. Le projet de loi du 9 mars 1983 ". Étude réalisée pour l’UNESCO. Février 1985. p.4.

[7] Article 225-2 : " la discrimination est punie (…) lorsqu’elle consiste :
" 1 A refuser la fourniture d’un bien ou d’un service ;
2° A entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque ;
3° A refuser d’embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne ;
4° A subordonner la fourniture d’un bien ou d’un service à une condition fondée sur l’un des éléments visés à l’article 225-1 5° à subordonner une offre d’emploi à une condition fondée sur l’un des éléments visés à l’article 225-1. "

[8] Exposé des motifs du projet de loi enregistré à la présidence de l’Assemblée Nationale le 23 juin 2004.

[9] Modifiant l’article 132-77 du Code pénal, l’article 47 de la loi du 18 mars 2003 loi précise que " dans les cas prévus par la loi, les peines encourues pour un crime ou un délit sont aggravées lorsque l’infraction est commise en raison de l’orientation sexuelle de la victime ". La circonstance aggravante est constituée " lorsque l’infraction est précédée, accompagnée ou suivie de propos, écrits, utilisation d’images ou d’objets ou actes de toute nature portant atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime ou d’un groupe de personnes dont fait partie la victime à raison de leur orientation sexuelle vraie ou supposée ".

[10] Par exemple, concernant le " meurtre ", la loi prend déjà en compte " la particulière vulnérabilité due à l’âge, à une maladie, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse ", lorsque le meurtre est commis " sur un agent d’un exploitant de réseau de transport publique " ou lorsqu’il est commis " à raison de l’appartenance ou de la non appartenance vraie ou supposée de la victime à une ethnie, à une nation, une race ou une religion déterminée "….

[11] Nous pourrons reprendre ponctuellement cette analogie, sans pour autant la cautionner.

[12] Sohane Denzaine a été aspergée d’essence et enflammée par le jeune homme qu’elle fréquentait le 4 octobre 2002 dans un local à poubelles de Vitry-sur-seine ; elle en est morte brûlée vive. Sébastien Nouchet a été aspergé d’essence et enflammé par trois hommes dans son jardin le 16 janvier 2004. Grièvement atteint, il a survécu à ces brûlures. Pour le récit et l’analyse du crime commis à l’encontre de Sébastien Nouchet, se référer à : [www.e-llico.com.

[13] Sauf si la préméditation est retenue.

[13] Cf., Marie-Victoire Louis, Les violences des hommes In : Les femmes, mais qu’est - ce qu’elles veulent ? Colloque organisé par le Monde Diplomatique au Mans. Octobre 2000. Éditions Complexe. 2001. p. 129 à 154.

[14] Article 29 : " Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation "
Article 32 : " La diffamation commise envers les particuliers par l’un des moyens énoncés en l’article 23 sera punie d’une amende de 80.000 F.
La diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée sera punie d’un an d’emprisonnement et de 300000 F d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement.
En cas de condamnation pour l’un des faits prévus par l’alinéa précédent, le tribunal pourra en outre ordonner : 1° L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l’article 131-35 du code pénal "

[15] Article 29 : " Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure ".
Article 33 : " L’injure commise par les mêmes moyens envers les corps ou les personnes désignés par les articles 30 et 31 de la présente loi sera punie d’une amende de 80.000 F.
L’injure commise de la même manière envers les particuliers, lorsqu’elle n’aura pas été précédée de provocations, sera punie d’une amende de 80.000 F.
Sera punie de six mois d’emprisonnement et de 150.000 F d’amende l’injure commise, dans les conditions prévues à l’alinéa précédent, envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée . En cas de condamnation pour l’un des faits prévus par l’alinéa précédent, le tribunal pourra en outre ordonner : 1° L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l’article 131-35 du code pénal ".

[16] Cf., le discours de Jacques Chirac à Chambon-sur-Lignon, le 8 juillet 2004. Accompagné de Simone Veil, il a lancé un appel " solennel " à la " vigilance " et au " sursaut " des autorités et de tous les Français " face à la montée de toutes les formes d’intolérance et de discriminations ". Il a nommé, à égalité et à équivalence, " le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie et l’homophobie ", à propos des quels il a déclaré : " le classement sans suite est inacceptable ; chaque acte doit être sanctionné ". Il a recommandé en outre que les procureurs fassent appel de toutes les décisions des tribunaux qui leur apparaîtrait " empreintes " d’une trop grande mansuétude ". Il a conclu :[ ….] " J’appelle chacun au rassemblement, pour qu’ensemble, fidèles à nos valeurs, nous sachions faire vivre une certaine idée de l’homme, une certaine idée de la France ". Dans d’autres discours ultérieurs, l’homophobie n’a pas été nommée.

[17] & 2 " Des violences " de la Section première : " Des atteintes volontaires à l’intégrité de la personne " du Chapitre II : " Des atteintes à l’intégrité de la personne " du Titre Deuxième : " Des atteintes à la personne humaine ".

[18] ainsi que "l’administration de substances nuisibles " et " les appels téléphoniques malveillants ou les agressions sonores (intentionnel)s […].

[19] 222-1 et suivants du Code pénal

[20] 221-1 et suivants du Code pénal

[21] 222-22 et suivants du Code pénal qui concernent le viol, les agressions sexuelles, le harcèlement sexuel

[22] Le Bureau de Vérification de la Publicité (BVP) étant un organisme des professionnels de presse et des médias ne peut - en aucun cas - être considéré comme un garant. À cet égard, la référence faite dans l’exposé des motifs du projet de loi à "l’autodiscipline des professionnels" exclue toute possibilité législative. Dès lors, c’est l’ensemble des publicités misogynes qui est hors champs de la loi. Quant aux publicités homophobes, le gouvernement ne s’est pas prononcé.

[23] Article 1 du projet de loi

[24] Alinéa 1, art.24 loi de 1881

[25] Article 225-1 C. pen.

[26] Passible selon ce projet d’un an de prison et/ou de 45.000 euros d’amende

[27] Si l’ITT n’est pas supérieure à 8 jours, l’auteur est passible selon l’article R. 625-1 - d’une contravention de cinquième classe - d’une seule amende de 1500 euros

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