Accueil du site > autres > Femmes et syndicalisme : débat - II

Femmes et syndicalisme : débat - II

mercredi 30 juin 2004, par Dominique Foufelle

Fabienne, SNEP-FSU :
Nous représentons les enseignants de l’éducation physique et la particularité de ce milieu c’est qu’il concerne 50 % d’hommes et 50 % de femmes et que la proportion est la même dans le syndicat. Ce syndicat a une priorité : la formation des jeunes et le renouvellement des cadres. La question c’est : à quelles conditions pourrons-nous offrir un syndicalisme de transformation sociale ; un syndicalisme qui permettra à chacun de trouver un enrichissement grâce au collectif ; un syndicalisme où chacun trouvera une gratification personnelle ; un syndicalisme dans lequel chacun pourra se situer. Il faut donc avoir le souci du pluralisme. Nous avons donc mis une grande priorité sur la formation syndicale des jeunes ou sur des thèmes plus précis. Nous avons des dossiers de plus en plus nombreux à traiter sur lesquels il faut des compétences si on veut gagner. Nous avons fait un état des lieux pour repérer combien de femmes étaient concernées dans les instances départementales, académiques et nationales et sur quelles fonctions elles apportaient leur contributions. Au niveau départemental, on retrouve à peu près un tiers des femmes sur la totalité des membres des bureaux départementaux ; sur les niveaux académiques et nationaux, un quart. Pour les tâches, elles sont souvent trésorières ou/et commissaires paritaires c’est-à-dire que les fonctions de représentation, les fonctions de négociations avec l’institution, ce sont le plus souvent les hommes qui les assument.
Pour terminer, je voudrais dire qu’on a un secteur femme au SNEPS qui fonctionne depuis très longtemps. Pour l’instant, la commission est mixte ; elle traite de problèmes spécifiques et généraux avec un éclairage masculin et féminin ; il y a un éclairage féminin à travailler à propos du métier de professeur d’éducation physique en tant que mères ou futures mères (problèmes des grossesses) et de la formation des filles futures professeures. Cette commission a par ailleurs écrit des textes qui ont été intégrés dans les textes de congrès.

Annick, Sud-PTT :
Dès sa création, Sud-PTT a inscrit dans ses textes fondateurs la reconnaissance de l’oppression spécifique des femmes, la nécessité de lutter contre et de veiller à ce que les femmes trouvent toute leur place dans leur organisation syndicale.
Malgré cet engagement de principe, le bilan est loin d’être globalement positif ! Le taux de féminisation de nos adhérents (33 %) est en dessous du taux de féminisation global de La Poste et de France Télécom (39%). A La Poste, le travail volontariste fait depuis quelques années en direction du personnel contractuel (des femmes à 85%) a permis que nous commencions à syndiquer ce personnel précaire et largement féminisé. A France Télécom, nous avons longtemps été implanté majoritairement dans les secteurs traditionnellement à dominante masculine (les services techniques) et nous avons encore du mal à nous implanter et à prendre en charge le secteur commercial, un secteur à personnel largement féminisé et qui subit aujourd’hui une aggravation de ses conditions de travail, du "stress"... et un bouleversement très important des horaires.
A Sud-PTT, nous pensons qu’il faut rendre visible la situation des femmes dans le syndicat. Pour cela, nous faisons des points réguliers, dans nos structures, nos publications, sur le taux de féminisation des adhérents, le nombre de femmes dans les structures, dans les réunions etc. Au niveau fédéral, nous avons aujourd’hui 35 % de femmes au Bureau fédéral et au Secrétariat fédéral. Il faut dire que nous avions mis en place, dès le premier congrès, des mesures statutaires en terme de places "réservées aux femmes" dans ces deux structures : 20 % au départ, puis une mesure de 33% au dernier congrès fédéral en 96. Une politique volontariste qui est beaucoup plus difficile à faire prendre en compte par les syndicats départementaux dont les structures sont peu féminisées (entre 15 et 20 % en moyenne).
Nous nous soucions aussi du problème du renouvellement des militants. Pour que l’aspect femmes soit pris en compte dans l’effort qui est fait pour que de nouvelles personnes prennent des responsabilités dans SUD-PTT, il faut être particulièrement vigilant(e)s et bien faire comprendre qu’il y a un enjeu à ce que des femmes soient dans les structures : enjeu sur les revendications, le fonctionnement, et enjeu sur le modèle social que nous construisons.
Nous avons besoin, dans le syndicat, de lieux non mixtes (commissions femmes), mais aussi et parallèlement de participer aux lieux mixtes, les structures habituelles des syndicats. Sinon, il y a deux risques : que les commissions mixtes soient "la bonne conscience" de l’organisation syndicale sans que cela change quoi que ce soit ; que ce soit aussi le lieu où les copines motivées sur ces sujets "se tiennent chaud" (c’est parfois utile de se tenir chaud...) mais ne pèsent en rien sur les orientations et la pratique du syndicat.
Enfin, nous pensons que, pour avancer, le mouvement syndical a besoin d’être bousculé par un mouvement autonome des femmes. Même si celui-ci a aujourd’hui du mal à se structurer, s’il ne peut être la reproduction des années 70, il n’en demeure pas mois nécessaire et urgent. C’est aussi pourquoi nous sommes investies dans le Collectif national pour les Droits des femmes que nous considérons comme le lieu unitaire le plus adéquat aujourd’hui pour défendre ensemble les droits des femmes.

Sophie, SNUIPP-FSU :
Encore un syndicat de la FSU, le syndicat des instituteurs et des institutrices. Je voudrais dire que des choses restent quand même surprenantes. Le SNUI-pp est un syndicat jeune, 6 ans d’existence. Il avait tout à reconstruire, dans un milieu extrêmement féminisé (entre 75 à 80 % de femmes institutrices), On ne peut pas dire qu’il y avait des barrières, des gens qui s’accrochaient à leurs postes, qui empêchaient que tout le monde puisse trouver rapidement sa place. On est dans un milieu plutôt bien syndiqué par rapport au taux de syndicalisation en France. D’ailleurs, notre taux de syndicalisation est exactement à l’image de la profession, le SNUI-pp syndique 75 % de femmes. Et pourtant, dés le début, il y a véritablement une érosion de la présence des femmes plus on monte dans les instances. Dans les conseils syndicaux départementaux, on tombe de 75 % de femmes à 43 %. Quand on arrive à la direction nationale, on tombe à 25 %. Il y a là quelque chose de véritablement choquant. La première tâche que l’on a eu, à la commission femme SNUI-pp c’est de rendre cela visible. Mais même ça, ça veut dire construire un rapport de force. Soit on nous écoute pas, soit on nous écoute et puis comme ça fait mal quelque part on dit : mais oui, mais c’est comme ça, y’a d’autres problèmes ; ou on essaie d’évacuer, ou on nous écoute dans l’indifférence. Les explications générales sur la place des femmes dans la société ne sont pas si faciles à faire accepter à des camarades qui nous disent très fraternellement : "ça peut pas être moi le fautif ; c’est vrai dans des pays où la situation des femmes est terrible, où il y a des conflits sociaux, mais c’est pas possible chez nous". Ils n’acceptent pas l’idée qu’eux aussi puissent reproduire les mécanismes de domination masculine ; ça n’est pas une question d’individu bien sûr mais un ensemble collectif qui agit.
Sur les solutions : je crois qu’il ne faut pas essayer d’isoler les éléments un par un pour essayer de peser. Je crois qu’on est obligé d’articuler tout en même temps, c’est ça qui rend la tâche extrêmement difficile. A la fois, il faut articuler tout ce qui a déjà été évoqué du point de vue des raisons structurelles dans nos organisations : non cumul des mandats, rotation des tâches, il y a des statuts qui le permettent dans le SNUI-pp mais ensuite c’est loin d’être évident. Une copine disait hier qu’à partir de 18h il faudrait obligé à vider les locaux syndicaux. Comme ça les femmes n’auront plus cette culpabilité due à l’obligation quotidienne de partir toujours avant la fin des réunions, plus tôt que les autres permanents. On pourrait aussi parler de ce qu’on demande comme charge de travail aux permanents et aux militants. C’est aussi un problème cette image qu’on donne.
On a un métier qui, du point de vue des rythmes de travail, est fortement accolé au rythme de vie des enfant. Pour une institutrice, son milieu social, son mari, ses enfants s’habituent à ce qu’à 16h30, le mercredi et les vacances elle soit disponible. Passer dans le monde du militantisme syndical rompt violemment avec ce rythme. Toutes celles qui l’ont pratiqué peuvent vous dire que cela fait des dégâts autour de soi. Bien sûr, comme il nous faut tout construire, on veut s’intéresser à tout et ça mène à une vie absolument infernale qui n’est pas assumable pour une majorité de femmes. Nous devrions avoir une charte de fonctionnement qui tienne compte de ce problème.
Par ailleurs, je pense qu’il faut des commissions femmes, des structures non mixtes pour se battre, renforcer le Collectif des droits des femmes, fonctionner un peu en "lobby". Il faut renforcer à l’extérieur tout ce qui nous a permis d’avancer à la FSU. Pendant que nous nous construisions, il y avait le Collectif du droit des femmes, des manifs dans les rues, les Assises qui nous permettaient de créer un rapport de force à l’intérieur. Sinon, individuellement, la tâche est tellement écrasante, s’est tellement décourageant d’être toujours renvoyées au fait d’être féministes que des fois on baisse les bras.
Pour finir, je suis convaincue de la nécessité de construire le mouvement autonome des femmes. Par contre je pense que les formes de reconstruction de ce mouvement sont multiples. Je ne fais pas une division aussi nette que d’autres copines entre mouvement autonome et organisations syndicales. Quand on fait des commissions femmes, c’est parce qu’on se sent bien entre femmes, pour discuter, construire un rapport de force, élaborer. Pour moi, ça fait aussi partie de du mouvement de femmes. S’il faut construire un mouvement pour les femmes, par les femmes, il faut intégrer tous les milieux, toutes les structures dans lesquelles on fait avancer le schmilblic.

Yvette, SUD Éducation :
Je vais prendre comme point de départ la conclusion d’une intervenante de ce matin, qui, si j’ai bien compris, a dit qu’il faut peut-être arrêter de parler de nos spécificité. Si je peux continuer cette phrase, je dirai que c’est ce qui fonde SUD Éducation : on est dans une société mixte et multiple et c’est de cette façon là qu’il faut aborder les problèmes. Pour le moment, notre taux de syndicalisation correspond au pourcentage hommes/femmes dans les différents corps de métier. Sur le plan des prises de responsabilités, nous sommes en phase de construction. Nous n’avons pas de volontarisme, mais le pourcentage dans les postes de responsabilités correspond au pourcentage hommes/femmes de nos syndiqués. Nous avons décidé pour le moment que le problème des femmes est un problème transversal et qu’il faut le porter comme tel. On verra bien si cela marche, mais c’est en tout cas le pari qu’on veut tenir. Pour ce qui est des commissions femmes, nous avons décidé de ne pas en faire. Cela ne veut pas dire qu’en certaines périodes de l’histoire, il n’y ait pas eu besoin de groupes de paroles ciblés et éventuellement non mixtes. J’ai l’impression qu’en 1998, on n’est pas obligé de replaquer comme principe l’existence de commissions spécifiques non mixtes.
J’ai aussi envie de dire que ce n’est pas une qualité d’être une femme. Revendiquer sans arrêt des places pour les femmes, je n’ai pas envie de faire cela. Le fait d’être une femme n’est pas une qualité en soit. Que l’on reconnaisse la mixité de la société, que les femmes discriminées par la société puissent bénéficier des instruments pour se construire, c’est une chose. Par contre, en terme de militantisme politique ou syndical, n’avançons pas le fait d’être une femme comme quelque chose qui doit être pris en compte pour avoir des places. Par ailleurs, il me semble évident qu’il faut un mouvement féministe qui porte les idées féministes et soit indépendant des partis politiques et partis syndicaux.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0