Il y a longtemps que les mots - et leurs différentes significations - m’intéressent. Aussi lorsque j’ai été informée de ce colloque, j’ai proposé à Catherine Morbois et Marie-France Casalis de bien vouloir me procurer l’occasion de travailler sur le mot " viol ". J’ai été très contente qu’elles veuillent bien accepter ma proposition et je les en remercie.
Pourquoi ce travail m’est-il apparu souhaitable ?
Les mots de notre vocabulaire - la manière dont ceux-ci sont utilisés - sont en effet le résultat de l’histoire qui les ont constitués. Au même titre qu’un travail de fouilles archéologiques permet de dévoiler, strates par strates, les différentes civilisations qu’elles révèlent en les mettant au jour, un travail d’analyse des différentes modalités d’emploi des mots permets donc - idéalement - de comprendre l’évolution des diverses significations que les sociétés leur ont accordées.
Ce que je propose ici [1] n’est cependant pas une archéologie du mot " viol " - qui devra être effectuée - mais plus simplement un début de dévoilement de différentes significations - des présupposés, préjugés, non dits - de ce mot aujourd’hui. Cette "mise à nu" est nécessaire pour (mieux) penser le viol et donc mieux combattre la société patriarcale qui depuis des siècles l’a si peu et si mal analysé. " Nous exprimons toujours nos pensées avec les mots que nous avons sous la main. Ou plutôt, pour exprimer tous mes soupçons - écrivait Nietzsche – à chaque instant nous ne formons que la pensée pour laquelle nous avons précisément sous la main les mots qui peuvent l’exprimer approximativement" [2].
Au-delà de la critique maintenant mieux connue de l’expression : "Elle s’est fait violer" au lieu et place de : "Elle a été violée" [3] qui fait maintenant partie de l’acquis des mouvements féministes, j’ai donc voulu avancer dans la réflexion pour nous permettre de comprendre en quoi le langage courant participe à l’occultation, à la normalisation, à la banalisation et donc à la légitimation du viol. La critique du langage participe à cette prise de conscience. Nietzsche écrivait encore : " Danger du langage pour la liberté de l’esprit : Chaque mot est un préjugé"[(<4> F. Nietzsche. Op. cit. p. 355.]].
Dans le cadre d’un projet plus large encore inachevé, j’ai donc travaillé sur un corpus précis : les 2.200 appels - de l’année 2000 – des personnes téléphonant à Viols-Femmes-Informations [5]. Mais j’aurais pu travailler sur bien d’autre matériaux de recherches : la presse écrite, la télévision, les romans, les livres d’histoire [6], les textes féministes….
Je souhaite au préalable préciser le cadre - et les limites - de ce travail, surtout à destination des personnes, nécessairement ici très nombreuses dans cette salle, qui ont été les victimes d’un ou plusieurs violeurs, qui ont été le sujet / objet de leurs violences et qui reconstruisent leur identité brisée par cette violence.
* Je sais que l’impact de la violence est souvent tel que les victimes s’interrogeant sur sa réalité, la mettent à distance, en la minimisant ou en la niant et que ce processus de dévoilement progressif est - presque toujours, dans un premier temps - une stratégie de survie.
* Je sais que l’accès aux simples "ça", "cela" n’est pas qu’impossibilité de nommer - et donc de nier - ce qu’elles ont subi, mais peut aussi être l’aboutissement d’un cheminement après des années de silence, de mutisme, de souffrances.
* Je sais que la parole qui nomme le viol - et le violeur - entraîne nécessairement un bouleversement du monde de la victime ; la crainte légitime - voire la terreur - des conséquences d’une telle parole et du dévoilement du crime ne doit jamais être oubliée. Que depuis des siècles, le coût pour la victime d’une dénonciation soit sans commune mesure supérieur au risque encouru par le violeur doit être au fondement de cette critique du langage [7]
* Je sais aussi qu’un seul mot peut révéler les traumatismes enfouis dans l’inconscient.
* Je sais enfin que les mots des autres aident à voir plus clair et peuvent jouer un rôle de véritables explosions de vérité.
C’est aux victimes de se réapproprier à leur rythme, le langage pour elles, le plus approprié. Que celui-ci dévoile et exprime angoisses, souffrances, craintes, espoirs dans la recherche du nouveau ’moi ’ à reconstruire [7] rend le processus nécessairement long. Mais passionnant et nécessaire.
En tout état de cause, c’est à la ’société’ - je pense principalement, eu égard à leurs responsabilités, aux familles, médecins, "psy" de tous ordres, à la police et à la justice - de savoir comprendre, au-delà des mots employés, ce qu’ils peuvent et doivent signifier en fonction du contexte, du moment et donc de l’histoire au sein de laquelle ils ont été prononcés. En outre, nul-e ne doit oublier que le langage est tout à la fois révélateur des intérêts et analyses dominants, expression du refoulement et description du vécu.
À cet égard, les victimes ont sans doute moins besoin d’ "aide" que d’empathie et de (tentatives de) compréhension, lesquelles ne peuvent se manifester que par une remise en cause de nombre de supposés ’acquis ’, comme de tant d’apparentes évidences.
C’est la raison pour laquelle elles ont - nous avons - surtout et avant tout besoin de clarté et de lucidité politique. C’est-à-dire surtout et avant tout de critiques féministes. La légitimité du viol est en effet consubstantielle - car elle est inscrite dans le droit - à l’analyse de la domination masculine. Quelle soit hétéro ou homosexuelle.
C’est donc par une critique du droit et du langage - et donc du langage du droit - que les victimes seront plus car mieux à même et de politiser leur vécu de la violence et de repositionner les violences qui leur furent infligées au cœur même du politique.
Le langage est donc un vrai et important lieu de combat politique ; la violence des réactions lorsque des expressions nouvelles apparaissent – je pense notamment aux diatribes lors de la naissance des Chiennes de garde –, mais aussi les débats qui surgissent ça et là autour de certains mots - je pense notamment à celui de "victime" - en sont la manifestation.
Que ces critiques soient si souvent intellectuellement lamentables s’explique par l’impossibilité théorique de récuser le réel ; qu’elles soient si aisément relayées par la presse en dévoilent leur vrai fondement : politique. Ce dont il s’agit ce n’est pas de débattre, mais de tenter de mettre un coup d’arrêt à la dénonciation grandissante par les femmes de ces violences masculines dont elles sont, comme tant d’enfants de deux sexes, les victimes si nombreuses.
Ce début de réflexion - dont je vois déjà les limites - n’étant qu’à son début, toutes les critiques sont non seulement souhaitées mais bienvenues.
Mon plan en trois parties s’est focalisé sur A) sur le viol, B) sur le violeur et C) sur la violence.
Dans la mesure où les appelant-es au Collectif féministe contre le viol étaient elles-mêmes les victimes ou proches de la victime, la question de l’usage du vocabulaire les concernant (ici manquant) ne peut s’intégrer dans ce travail. Il sera repris dans le cadre d’un autre projet critique du vocabulaire employé par la presse écrite.
Le viol
Un premier constat : soit le langage ne nomme pas le viol, soit il le considère comme un fait, comme un acte, une pratique, une donne, un comportement, mais aussi comme une chose.
Le crime qu’est un viol ne peut donc - ou beaucoup plus difficilement - de ce fait pas être porteur de condamnation.
Le viol occulté, le viol nié
Les termes employés pour qualifier le viol occultent et/ou nient et le viol et la violence.
On peut considérer trois cas de figure :
a) Le viol comme " rien " :
"C’est rien, c’est juste des histoires de cul" ; " Ce n’est rien, c’est du touche-pipi" (Un psychiatre)
b) Le viol occulté :
"Le viol a eu lieu ainsi : elle avait un peu bu et elle s’est faite raccompagner par un copain, l’agresseur. Elle est très choquée". Certes ici le mot " viol " est ici prononcé dans la première phrase, mais dans l’évocation des conditions qui auraient qui "favorisé" le viol - centrée sur la responsabilité de la victime - il est totalement occulté.
c) Le viol comme " jeu " :
"Les parents [du jeune agresseur] pensaient que c’était un jeu " ; " L’institutrice a dit que c’était un jeu sexuel " (Une jeune fille tenait la jeune victime, un jeune garçon la violait en lui introduisant ses doigts dans son sexe).
Le viol comme " ça ", " cela " [8]
"Elle ne sait pas à quel âge ça a commencé" ; " Quand ça s’est passé ", " Suite à tout ça, j’ai fait des tentatives de suicide ".
" Cela se passait pendant le bain ou quand la mère s’absentait de la maison " ; " Cela a commencé à l’âge de douze ans " ; " Elle a arrêté d’aller chez le sexologue, paniquée à l’idée que cela puisse aller plus loin " ; " Cela a démarré sur la base de sa vulnérabilité conséquente au viol [dont elle avait déjà été la victime]".
Cette difficulté, cette impossibilité de nommer le viol - quelles qu’en soient les raisons - rend plus difficile, sinon impossible, la reconnaissance du crime commis et donc la dénonciation du violeur. Il n’est en effet pas possible de dissocier, de distinguer, ce qui relève du viol, des moyens mis en œuvre par le violeur et de ses multiples conséquences.
Un exemple de cette confusion : Lorsqu’il est fait état de ce que " Xavier, 6 ans, avait mal au rectum ; ça lui était déjà arrivé un été ", qu’en déduire, que penser, qu’analyser ? Que Xavier avait déjà eu mal au rectum avant 6 ans ou qu’il avait été violé à 6 ans ? Que signifie alors le " ça " employé : une douleur physique actuelle de cet enfant ou un second -voire un nième – viol ? Et où et comment situer la responsabilité de l’homme qui l’aurait / l’avait violé ?
Le viol comme " norme "
Plusieurs cas de figure peuvent être considérés comme tels :
a) Le viol comme " fait", c’est-à-dire comme " un acte, une action, une chose qui arrive ou qui a eu lieu " [9] sans référence à une appréciation, sans qualification, sans jugement de valeur :
" Elle a révélé les faits pour la première fois" ; " Elle passe tous ses week-ends dans la maison où les faits se sont passés " ; " Elle a écrit les faits dans son journal intime " ; " Lors des faits, elle a été confiée à cet oncle pendant que ses parents étaient en vacances " ; " Lorsqu’elle parle, elle efface les faits " ; " Ces faits qu’elle croyait enterrés sont revenus " ; " Cela la soutient de parler : les faits sortent d’elle ".
Mais aussi : " Il a reconnu les faits devant l’ensemble de la famille et a demandé pardon " ; " Son père a été interrogé : il n’a reconnu qu’une partie des faits, il reconnaît les attouchements mais pas les viols ".
Lorsque le viol qualifié de " fait " est employé en relation soit avec les conséquences du crime nécessitant une intervention médicale : " Depuis les faits, elle est en soins médicaux ; les traumatismes sont certains ", soit avec sa dénonciation pénale : " Il a été gardé en vue et a reconnu les faits" ou : " Il était parti en prison (7 ans) pour des faits de viol sur ses trois enfants", la normativité de la signification de l’emploi du mot " fait " apparaît le plus clairement.
Et lorsqu’il est dit : " Les faits sont prescrits ", c’est bien évidemment la condamnation pénale du crime qui est prescrite.
Enfin, je peux évoquer cette phrase qui nous éclaire ici positivement" : "C’est son ami qui a posé le mot viol sur les faits"
.
b) Le viol comme " acte ", qui signifie "terme très général qui se rapporte à agir [et qui] s’applique à tout ce que l’on peut faire" :
" Elle a eu l’impression qu’il a pris conscience de ses actes " ; " Ses actes n’ont pas à être minimisés ; c’est un viol ".
Dans le même sens, mais s’inscrivant dans la durée, le viol peut être qualifié d’ " agissement ", c’est à dire " manière de faire " : " Il a été dénoncé pour ses agissements".
c) Le viol comme " coup ", pouvant signifier une "une chance favorable, une circonstance imprévue" mais aussi comme "une action, bonne, mauvaise ou tout au moins hardie" :
" L’homme qui tenait le bar situé sur le passage de l’école a fait le coup à plusieurs enfants, leur faisant miroiter bonbons et argent, puis les attirant dans l’arrière-boutique ".
d) Le viol comme " pratique " mot qui signifie "exécution de ce que l’on a conçu, projeté ; accomplissement, procédé, usage, coutume, manière d’agir, conduite, expérience, habitude des choses" :
" L’agresseur était également analyste et il lui affirmait que ces pratiques dont le père était l’auteur étaient une compensation par rapport à l’absence de son propre père ". (viol par son père d’un jeune homme de l’âge de15 à 18 ans).
J’ai aussi lu récemment dans la presse : " Une pratique pédophile ".
e) Le viol comme " comportement " qui se réfère à une "manière d’être avec, d’aller avec, de co-exister mais aussi de se conduire, d’agir d’une certaine manière" :
" Son comportement a continué à son retour d’hospitalisation " ; " Dès 97, le comportement du veilleur de nuit avait été signalé ".
J’ai lu aussi - toujours dans la presse - l’expression : " Un banal crime de comportement ".
f) Le viol comme " vécu" :
" Son père a vécu un inceste de la part de son père ".
g) Le viol, comme une " situation ", terme qui signifie : "manière dont un objet est placé ; position, posture des hommes, des animaux " ; mais aussi : " état d’une personne par rapport à sa condition, à ses passions, à ses intérêts ", " affaires " et enfin : " moment de l’action qui suscite l’intérêt, dans un drame, une épopée, un roman " :
" La situation est toujours la même ; l’enfant est en danger " ; " La mère demande si elle peut porter plainte car cette situation de destruction de sa fille est insupportable pour elle " ; " L’équipe hospitalière a signalé au procureur la situation, ce qui leur a été reproché ".
h) Le viol comme " histoire " :
" Je ne suis pas la seule à qui une histoire pareille est arrivée avec ce médecin. D’après ses propres dires [ celles de l’agresseur] , il y en aurait beaucoup " ; " Son père lui a dit :’Qu’est ce que c’est que ces histoires ! tu es folle " ; " Elle ne va pas bien depuis ; son entourage pourtant se lasse de ses histoires ".
Le viol comme " chose "
Le mot " chose " qui signifie " désignation indéterminée de tout ce qui est inanimé " exclue dès lors la prise en compte de la - ou des - personnes, victimes et agresseurs :
" Quand elle est revenue au domicile conjugal, les choses ont augmenté : sa fille ne voulait plus rester avec le père " ; " Sa sœur lui a raconté des choses analogues " ; " Et si je refaisais la même chose (avec mes enfants) ? " ; " Si ça te fait du bien de dire des choses comme cela, dis les ".
Le mot " truc " plus familier, mais pouvant aussi signifier " moyen adroit pour tromper " est aussi employé : " Ils lui ont fait des trucs vraiment dégueulasses "
Enfin , j’ajoute cette phrase récemment entendue à la télévision : " Il n’y a pas eu que ma fille qui a eu un truc comme ça ".
Le viol peut ainsi être " quelque chose " qui :
" Commence " ou " recommence " :
" Elle ne sait pas à quel âge ça a commencé ". Mais aussi : " Elle lui a dit :’Ne recommence pas’ " ; " On peut redouter que le moniteur licencié aille recommencer ailleurs " ou enfin : " Il a profité de sa vulnérabilité, mais il pourrait recommencer avec des jeunes ".
" Se passe " c’est-à-dire qui " arrive, a lieu " :
" Quand ça se passait, elle fermait les yeux " ; " Cela se passait durant les absences de la mère " ; " Sa mère était quelques fois présente quand ça se passait " ; " Cela fait 18 ans que ça s’est passé ".
"Dure "qui signifie " prolonger un moment ou une chose " :
"Cela a duré plusieurs années ".
"Se continue", c’est-à-dire qui " n’est pas interrompu, se prolonge, ne s’arrête pas " :
" Elle a été violée par son beau-père quand sa mère est partie accoucher, puis cela a continué " ; " Le magnétiseur continue ".
" Se répète ", qui " recommence, se reproduit " :
" Elle a été violée à 12 ans et cela s’est répété".
"Se reproduit " qui donc " se produit, se présente de nouveau " :
" Cela s’est reproduit à l’âge de 12 ans ".
Ainsi, que le viol soit considéré comme un " fait", un " acte ", une " pratique " un " comportement ", " une chose ", les termes employés pour le qualifier s’inscrivent dans la norme de quelque chose qui a (simplement) été faite, qui a (simplement) eu lieu et ce, par quelqu’un qui a (simplement) agi, selon une pratique - habituelle ou non - dans le cadre d’un comportement - habituel ou non.
Dès lors, et quels que soient les cas de figures évoqués, le viol - " acte " considéré comme " normal " - peut aisément devenir alors la norme de référence en fonction de laquelle certains événements sont dès lors appréhendés, appréciés, jaugés, jugés à équivalence de valeur.
" Au début, il ne s’est rien passé " ; " Papa, il n’est pas si méchant, il ne m’a rien fait quand il m’a emmenée à la pâtisserie (petite fille ayant rencontré le père qui l’avait violée dans un " centre-relais ") ; L’un l’a violée, l’autre n’a rien fait " ; " Son amie a été violée par le type du café, pas par les autres ".
Les violences autres que le viol en lui-même peuvent être aussi être plus aisément appréhendées comme "moins graves" que celui-ci et ne sont pas alors jugées en elles mêmes, à la mesure de leur gravité :
" Vers 14 ans son beau-père lui a mis les mains sur les seins mais ça n’a pas été plus loin ", " A 18 ans, elle assiste à une tentative de viol sur sa mère, heureusement interrompue par l’arrivée de personnes ". Ici l’absence de jugement concernant la violence mise en œuvre dans la tentative de viol est accentuée par l’appréciation positive de l’arrêt de la dite tentative [10]. Dans le même sens, une personne fait état d’une " parole de sa mère [ qui ] l’avait poursuivie [ toute sa vie] : ’ heureusement que c’est moi qui ai été agressée, parce que toi tu en serais marquée à vie’ ".
Il est ainsi possible de considérer comme ’heureux’ le viol – stricto sensu – qui n’a pas eu lieu : " La police lui a dit qu’il fallait qu’elle soit contente de ne pas avoir été pénétrée " (tentative de viol, dans un ascenseur, sous la menace d’un couteau).
Enfin, une formulation, lue récemment évoquant (simplement) " les conséquences normales du viol " participe elle aussi à la normalisation du viol.
Le viol comme " scène "
Ce qui est alors évoqué, ce n’est pas ce qui a lieu, mais ce qui a été rendu visible, ce qui a été appréhendé par d’autres, ce qui relève ainsi du domaine de la représentation. Le viol est alors évoqué comme une " scène " où le ou les violeur-s et leur-s victime-s font partie de la représentation d’un même ensemble. La scène signifiant soit " la partie du théâtre où jouent les acteurs ", soit " l’action même qui fait le sujet de la pièce représentée " ; mais aussi, " un ensemble d’objets qui s’offre à la vue " ou " toute action qui offre quelque chose de remarquable " :
" Il a décrit d’autres scènes d’actes sexuels qu’il a vues " ; " Elle a assisté à des scènes de violence sexuelles " ; " Sa mère ayant encore surpris une scène de ce genre… " (viol d’une petite fille de 9 ans par son oncle de 73 ans) : " La grand-mère a vu une scène..." ( petite fille de 4 ans agressée régulièrement par le grand-père)
Le viol comme " actes sexuels ", comme " relations sexuelles "
Là encore, la violence n’étant pas prise en compte ne permet pas de distinguer ce qui relève de la liberté et de la violence mise en œuvre qui la nie.
" Alexandra, 18 ans, d’une voix remplie d’émotion, explique qu’elle a eu des relations sexuelles avec son oncle depuis l’âge de 11 ans " ; " Elle a subi des violences de cet homme et de ses copains avec lesquels il la forçait à avoir des relations sexuelles ".
Enfin, lire : " Il (le fils du violeur) a dit : ’pour Nadine, c’était juste une fois " signifie que le viol est nié, occulté, considéré comme " rien " ou pas grand-chose, comme une (simple) relation sexuelle.
Et c’est sans doute dans le cadre de cette absence de prise en compte de la distinction fondamentale entre le viol et la relation sexuelle conjointement voulue par les deux partenaires que le viol peut être défini ainsi :
a) Le viol comme " manque de tact " : " Elle a été hospitalisée en psychiatrie. Le psychiatre lui a dit qu’il ne s’agissait pas de viol mais de manque de tact ".
b) Le viol comme " égarement " : " Quelque temps après, son père lui a dit qu’il avait eu quelques égarements envers elle ".
c) Le viol comme " souhait " : " Pour obtenir ce qu’il souhaitait le surveillant, sous prétexte de regarder une cassette, l’a emmenée dans le bureau du directeur".
d) Le viol comme " profit " : " La dernière fois, il l’a fait boire et lui a dit : " Maintenant que tu as assez bu, je vais profiter de toi".
e) Le viol comme " exploit " : " Elle se souvient qu’il se vantait de ses exploits sexuels " .
Enfin, l’absence de distinction entre le viol et les relations sexuelles voulues et acceptées se retrouvent dans l’équivalence entre violer et " faire l’amour".
Lorsque des policiers après audition du violeur (lui-même policier) et de la victime lui ont dit " qu’elle n’avait pas été violée, qu’on lui avait fait l’amour violemment ", qu’analyser ? : que les policiers en niant le viol, nie la parole de la victime, la nie donc elle même, et qu’à la dénégation de la violence, de la victime, du viol, s’ajoute – et c’est là l’explication première - celle du violeur.
Le viol comme " possession "
Le viol peut aussi présenté comme quelque chose que l’on " a ", que l’on vous a donné - ? – ; en tout état de cause qui fait partie de vous :
" Ce demi-frère a eu un attouchement sexuel une fois " ; " J’ai eu un viol ".
Il peut aussi être désigné comme quelque chose que l’on s’est approprié, qui vous appartient, que le violeur - dès lors rendu invisible - vous a conféré et qui n’est plus dissociable de la victime :
Dans la comparaison entre : " Mon viol", "Mon agression" et " Le viol, l’agression dont j’ai été la victime " comme entre " Mon agresseur " et " l’homme qui m’a agressée " apparaît la distanciation entre la victime, le crime et le criminel.