Noël Mamère, que l’on peut soupçonner d’avoir voulu un coup de pub perso et/ou de récupération, ou encore d’avoir cherché à orienter le débat ailleurs que sur les enjeux des élections européennes, même s’il lui a fallu un certain courage pour tenir bon sous les pires insultes, a marié deux hommes à Bègles. Ce faisant, il a provoqué toute une gamme de réactions dont voici un petit florilège, sans souci d’exhaustivité :
D’abord les homophobes, ceux/celles qui s’assument comme tel-le-s. On n’en parle même pas tant ils/elles sont odieu-x-ses, on peut juste leur souhaiter de se noyer un jour dans le jus ignoble issu de leurs fantasmes maladifs.
Les suivants commencent généralement par : « Je ne suis pas contre [les homosexuels] mais… », et après, on entend de tout. Ce tout laisse rêveur (ou rêveuse) quant au choix de ses proches (je ne parle pas de la famille, celle-là, on ne l’a pas choisie, on ne peut pas être d’accord sur tout avec tout ses membres, c’est entendu…), rêveur quant aux vilaines petites pensées cachées dans des crânes où on ne les aurait pas soupçonnées et que les débats - que cette histoire de Bègles a eu le mérite de faire exister - ont fait prendre l’air.
Il y a des « partisans de la nature ». On peut les ranger en deux sous-catégories :
a) Ceux pour qui l’homosexualité ne serait pas « naturelle ». Déjà, c’est faux : même si on s’en fiche car cela n’apporte rien au débat, l’homosexualité existe aussi chez les animaux. Pas chez les plantes, du moins pas que l’on sache ! Je trouve surprenant que l’on respecte en général peu la nature mais qu’on l’appelle toujours au secours lorsqu’il s’agit de renvoyer les femmes à la maison ou les homosexuel-le-s au zonzon. Les tenants du naturel oublient un peu vite que ce qui fait l’humain a beaucoup à voir avec la culture. Nous nous préoccupons fort peu, d’habitude, de savoir si notre mode de vie est « naturel » ou non. Ce n’est pas la nature qui édicte les lois dont nous avons besoin pour vivre ensemble, la nature est plutôt fachiste si on s’en remet à elle pour organiser la société.
b) Ceux qui considèrent l’homosexualité comme une maladie. Un défaut caché quelque part dans les gènes, qu’on pourra un jour « soigner ». La couleur des yeux, par exemple, elle aussi est dans les gènes, et on n’a pas tou-te-s la même.
L’argumentaire des partisans de la nature (groupes petita comme petibé) a des points communs avec celui des religieux (modérés, car les ultras se trouvent dans la catégorie des homophobes « dur-e-s »).
Dans mon inventaire, je trouve aussi les donneu-r-se-s de leçons, genre « la Loi, c’est la loi et le rôle d’un élu n’est pas de la transgresser ». Et quand la loi est discriminatoire, injuste, n’est-il pas du devoir de chacun-e de lutter contre elle selon ses moyens ? L’histoire ne foisonne-t-elle pas d’exemples de lois iniques qui ont dû être balayées ? Dans cette catégorie il y a aussi ceux et celles qui volent au secours de « l’institution » du mariage (Jospin a même cru devoir ressortir du néant pour enfourcher ce cheval de bataille). Le mariage serait-t-il moins sacré, moins institutionnel, si les mariés sont du même sexe ?
Continuons avec d’autres hypocrites : ceux qui disent ne pas voir d’inconvénient à ce que les homos aient le droit de se marier mais qui trouvent dangereux qu’ils ou elles puissent adopter des enfants. Y a-t-il une seule étude sociologique ou psychologique sérieuse qui démontrerait la nocivité pour les enfants d’avoir deux parents du même sexe ? On peut supposer que non, sinon, l’un ou l’autre des groupes de « pas contre, mais » aurait bien su la dénicher et la brandir. Il se pourrait même que les études existantes parlent plutôt en faveur du mariage homo.
Etc. Je laisse à chacun-e le soin de compléter la liste avec sa propre collection (eh oui, on est interactif avant les vacances, style « fais toi-même ton édito »)
En gros, « pas contre, mais... » signifie « faites ce que vous voulez, mais discrètement, ne demandez ni reconnaissance, ni légitimité », ou encore « cachez-vous », « vous devriez avoir honte ». La honte est un inhibiteur puissant et la marque de rapports de domination très vivaces. Quels que soient les arguments, c’est toujours la même histoire, pour les tenant-e-s d’un droit divin, naturel ou social à ne pas transgresser, il faut que ceux et celles qui n’entrent pas bien dans le moule patriarcal, dont le modèle est, pour schématiser, le mâle dominant nimbé de ses attributs (argent, travail, famille, patrie, j’en passe…) soient discriminé-e-s. Il serait bon d’en sortir, non ? Imaginons dans 10, 20, 50 ans, comme cela semblera incongru que l’on ait pu, en 2004 encore, se demander s’il était légitime que deux humains du même sexe se marient !
Dans cette affaire, le gouvernement embarrassé, qui ne peut sans doute pas reconnaître le mariage homo sans se couper de son électorat « naturel », propose une loi réprimant l’homophobie en lot de consolation. Du coup, le sexisme aussi sera hors-la-loi. Même si c’est pour de mauvaises raisons, c’est toujours ça de pris.