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Pauvreté - Précarisation : l’état des lieux en France

mercredi 30 juin 2004, par Dominique Foufelle

La précarisation touche en premier lieu les femmes – c’est un fait (à peu près) (re)connu. La pauvreté aussi (et ça n’est pas tout à fait la même chose). Oui, mais… Quelle part l’Etat, les syndicats, les femmes elles-mêmes, prennent-ils au brillant succès de ce système profit/exclusion/contrôle ? Et surtout, quelle stratégies mettre en place pour le combattre avec efficacité, dans ses fondements ?

Pour ne rien vous cacher, j’ai eu beaucoup de mal à préparer cette intervention. Mon souci était double : ne pas raconter ce qu’on raconte tout le temps et ne faire une intervention ni d’experte, fut-elle sociale, ni extérieure au syndicalisme. Or, la manière même dont Anne vient de présenter les choses, le recours à des associations, ou à des journalistes, ou à des chercheuses sur des questions qui interrogent directement le syndicalisme, c’est comme si nous n’avions pas parmi nous, syndicalistes, en France ou au niveau international, des personnes capables de traiter de ces questions, alors que nous y avons réfléchi, que nous nous sommes organisées, que nous avons construit des luttes...
Je voudrais essayer de faire mon intervention en trois points. Le premier donnera un certain nombre de chiffres [1] ; le deuxième posera des réflexions sur ces questions ; le troisième donnera quelques pistes en termes de revendications et d’organisation afin d’essayer de sortir de cette situation. Autrement, nous tomberions nous-mêmes dans un des pièges évoqués ce matin : celui de croire que les questions de précarité et de pauvreté seraient de l’ordre de l’humanitaire, ou du social, ou du caritatif, et non les conséquences de l’offensive néolibérale, du capitalisme, de l’exploitation ; qu’elles ne seraient pas du domaine où il faut gagner des droits individuels et collectifs, une situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui puisque le syndicalisme est assez extérieur aux luttes sur ce terrain. Si cela continue, il y aura un tel fossé qu’on ne pourra plus le combler. Je dirai, avec un peu de perversité, qu’heureusement qu’il y a de plus en plus de précaires : cela oblige le syndicalisme à s’accrocher aux wagons, à organiser des luttes.
Les interventions de ce matin ont souligné que les situations sont complexes, qu’il n’y a pas "les femmes" en un seul bloc mais, à l’intérieur de cette catégorie, des rapports de force, de classe.
Il y a des catégories et il y a des classes. Il faut en finir avec la victimisation. C’est vrai que les femmes sont plus chômeuses, les premières licenciées, les plus précaires, les moins payées, etc. Mais, quand on prend le problème de cette façon, on ne s’en sort pas, en particulier avec les femmes les plus jeunes qui ne veulent pas entendre ce discours. On peut dire que c’est de la régression politique, idéologique mais je ne le crois pas. Les femmes de 25-30 ans sont, d’une certaine manière, nées avec la crise de l’emploi. Leur vécu de la précarité et du chômage n’est pas le même que celui des plus âgées d’entre nous. Cette question me paraît importante.

Il n’y a pas une mais des précarités


Je pense qu’il n’y a pas une précarité mais des précarités, dans les entreprises et hors les entreprises. Il est intéressant de regarder sur trois points comment elles se recoupent.
Le premier, c’est la précarité de statut, CDD, intérim. Quand on est au chômage c’est pareil : soit on est chômeuse de longue durée - à ce titre, les chiffres sont totalement faux, ce n’est pas 1/3 de chômeurs longue durée et 2/3 chômeurs non longue durée, c’est le contraire - soit on a une précarité de revenus : le temps partiel est une précarité (on peut avoir un CDI à temps partiel). Quand on est caissière à Carrefour ou Auchan, on ne peut pas vivre avec ce qu’on a, on est obligé d’avoir recours soit à du complément de minima sociaux soit à du complément d’activité.
Une autre précarité très importante, ce sont toutes les questions d’individualisation salariale. Il y a aujourd’hui des stratégies de la main d’œuvre qui précarisent vraiment beaucoup : les primes d’intéressement, les parts variables en tous genres, les primes de résultats d’objectif, etc. Cette question de la structure des rémunérations me paraît très importante pour nous syndicalistes. Il y a des précarités de règles sociales : quand on est dans une petite ou une grosse boîte, ce n’est pas pareil, or les femmes sont beaucoup dans les petites entreprises, quand il n’y a pas de syndicat c’est pire.
Il y a des précarités liées à des stratégies de management. Par exemple, les nouvelles règles de gestion de la main d’œuvre reposent moins sur des critères objectifs et de plus en plus sur des critères subjectifs. Ce qui fait que, dans une entreprise publique ou privée, y compris la Fonction publique d’État, toute mutation ou toute promotion revient à une nouvelle embauche avec CV, présentation, lettre de candidature. C’est évidemment beaucoup plus défavorable aux femmes. La hiérarchie, à cause des revenus liés aux primes de résultats, d’intéressement, etc, peut poser comme question à une femme qui demande une mutation : "Vous avez quel âge, vous comptez avoir des enfants, vos mômes ont quel âge, etc.".
En ce qui concerne les règles sociales, quand on est hors des entreprises, le contrôle des chômeurs est une précarité supplémentaire à l’intérieur même du statut de chômeur. L’obligation d’accepter un temps partiel, l’obligation d’accepter une baisse de salaire, l’obligation de faire toujours la preuve qu’on est active dans ses recherches d’emplois alors même que dans beaucoup d’endroits, quand on est au chômage, on n’a plus accès ni à la cantine, ni aux équipements collectifs, etc. Des contradictions qui font que les femmes, à mon avis, sont plus défavorisées dans leurs recherches d’emplois et par rapport au contrôle social que ne le sont les hommes.
Les femmes sont beaucoup dans les services or, les services sont tous des secteurs à très forte externalisation. On dit toujours "la création d’emplois, c’est le boom des services". En fait, s’il y a une part de création d’emplois, il y a surtout une part de changement du code d’activité des entreprises. Pour le gardiennage, la restauration, la blanchisserie d’un hôpital, le code d’entreprise est changé, ce n’est plus le secteur de la santé, c’est le secteur des services. En changeant le code, vous abandonnez la convention collective ou le statut, vous avez des salaires moins élevés, moins de garanties. Or, ces secteurs à forte externalisation sont des secteurs à forte main d’œuvre féminine.
La baisse des transferts sociaux augmente la pauvreté et agit à la baisse sur les salaires. Si on prend l’exemple des USA ou de la Grande-Bretagne, où l’on a réduit de manière drastique les allocations chômage, les minima sociaux, etc., on voit que la pauvreté a explosé et que les salaires sont tirés à la baisse, ce qui permet de constater qu’il y a un lien direct entre le niveau de l’indemnisation du chômage ou des minima sociaux et le niveau des salaires. Ce qui nous renvoie à une question importante : comment faisons-nous pour que cette question des allocations chômage et des minima sociaux ne soit pas une question extérieure aux revendications syndicales, mais bien une question complètement interne, comme quelque chose qui agit directement sur la pauvreté et sur les salaires.

Comment ça se passe entre précarité et stabilité ?


On constate que, pour les femmes, entre 1992 et 1997, entre 30 et 49 ans, la probabilité de passer d’un emploi précaire à un emploi stable a baissé de 14 points. Ce qui veut dire que la norme, de plus en plus, c’est de passer de précaire à chômeuse. Ensuite, c’est de passer de précaire à précaire. Enfin, pour une toute petite minorité, c’est de passer de précaire à stable. C’est-à-dire que le chômage et la précarité jouent comme un cercle où l’on fait des allers-retours, mais avec une étanchéité de plus en plus importante entre la précarité et le stable. Évidemment, tout cela, c’est la faute des méchants patrons, le libéralisme, la mondialisation, etc. Mais est-ce que l’État est à l’écart de tout ça ? Et les organisations syndicales ?
En ce qui concerne l’État, il est extrêmement actif pour en rajouter une louche de manière à ce que cette situation perdure et s’aggrave :
* En 1992, c’est la suppression de l’allocation d’insertion qui concernait principalement les jeunes et les femmes. Les jeunes sont dans des situations catastrophiques. La France est un des seuls pays d’Europe où les jeunes, les moins de 25 ans, sont interdits de RMI ou autres.
* En 1992 toujours, c’est la loi sur le contrôle des chômeurs et chômeuses ainsi que les exonérations sur les temps partiels. Tout ça fait système quand même !
* En 1997, vous avez la modification des conditions d’accès à l’allocation de solidarité. On baisse le plancher donc moins de gens ont accès à l’allocation de solidarité.
* C’est l’État aussi qui, évidemment, décide que le RMI ou l’ASS seront des allocations différentielles. Pendant l998, nous nous étions battu-es pour que le RMI devienne un droit individuel parce qu’en terme d’augmentation, c’est considérable. On disait au gouvernement "d’accord, vous ne pouvez pas augmenter les minima sociaux, mais trouvez autre chose ; faites passer le RMI en allocation individuel ". Refus absolu parce qu’il faut maintenir la dépendance, en particulier pour les femmes ; pour qu’elles continuent à être caissières à Carrefour.
* L’État agit aussi par l’allocation parentale d’éducation, par sa politique d’équipements collectifs, et sur les normes d’emploi en privilégiant l’AGED et le chèque emploi-service, c’est-à-dire l’emploi de service à domicile individualisé au détriment des crèches ou autres équipements collectifs.
Quant aux syndicats, quand on regarde le régime d’assurance chômage - je m’en tiendrai à ce point pour ne pas être trop cruelle - sur le régime UNEDIC, en 1991, hommes et femmes confondus, il y avait un taux de rejet des dossiers de 16,8 % ; en 1994, un an après la réforme catastrophique de 1992 qui a modifié les conditions d’accès puisqu’il faut justifier de 4 mois dans les 8 derniers mois pour ouvrir des droits, donc ça pénalise les précaires, le taux de rejet est passé à 27,8 % et le taux des indemnités a beaucoup baissé, etc.
Je me permets d’attirer votre attention sur le fait que le paritarisme n’est pas la panacée universelle. Si ce n’est ni strictement l’État ni strictement le paritarisme, est-ce que le temps ne serait pas venu d’inventer autre chose ? Et qu’est-ce que les femmes pourraient bien dire de particulier sur un autre type de rapport de forces, un autre type de démocratie sociale garantissant des droits individuels, des droits contre la précarité et des droits démocratiques de citoyen et citoyenne ? Sur ce point, je pense qu’on devrait avoir un débat en tant que syndicaliste plutôt que de supplier le MEDEF de ne pas partir ou de ne rien dire, ce qui revient au même.

Pauvreté et/ou exclusion


Sur la question des pauvres, il y avait un papier dans Marianne, assez intéressant, qui disait "Les pauvres sont passés de mode". Si on ne fait rien, ça va être vrai parce qu’une petite reprise, même avec des normes dérégulées, peut très bien nous conduire à une nouvelle stigmatisation des pauvres. J’en prends pour exemple une Marche du siècle animée par Michel Field. Ce qui était inquiétant, ce n’était pas tellement ce que racontait Martine Aubry, on connaît. C’est la version "Ses pauvres à soi" de Jacques Brel, ou les dames patronnesses du 19e siècle. Ce qui est inquiétant, c’était Field : "Regardez sur le plateau, comme je vous ai sorti des chômeurs qui se bougent et qui savent s’en sortir". Et ces chômeurs étaient des chômeuses. C’est très intéressant parce qu’à la fois ça montrait des femmes qui avaient construit une vraie dynamique sociale, avec une construction d’autonomie sociale, d’indépendance, de lutte contre la soumission ; en même temps, moins intéressant, c’était ceux qui ne se bougent pas, qui sont vraiment des cons et des connes ; puisqu’il y a du boulot, on peut en trouver, même s’il est dérégulé, même si c’est du temps partiel.
J’attire votre attention là-dessus parce que le regard et la stratégie sur les pauvres et sur les pauvresses a toujours été soit sécuritaire - on enferme, on contrôle, on a toujours fait ça avec les pauvres ; soit humanitaire - on assiste, les Restos du cœur, etc. ; soit l’action sociale qui est un mélange des deux. En France, on ne parle pas tellement des pauvres d’ailleurs. On aurait probablement appelé la Marche mondiale des femmes contre la pauvreté la Marche contre l’exclusion. Ce sont les Anglo-Saxons qui parlent de pauvreté. Ils ont bien raison à mon avis, parce qu’en fait, la pauvreté ne signifie pas l’exclusion.

Contre le sécuritaire et la morale : le droit individuel et collectif


De ce point de vue, il y a une situation différente entre les hommes et les femmes qui renvoie à un rapport différent à la centralité du travail. L’exclusion, ce n’est pas une absence de rapports sociaux contrairement à ce qu’on nous dit toujours. C’est un ensemble de rapports sociaux de domination encore plus importants, y compris par d’autres femmes, j’aimerais bien qu’on en discute. On pourrait dire, en caricaturant, que les hommes sont chargés de maintenir l’ordre et les femmes de maintenir la morale. Nous avons beaucoup de secteurs professionnels qui sont principalement occupés par des femmes dans des secteurs chargés de "maintenir la morale" : les assistantes sociales, les caisses d’allocations familiales, l’ANPE, les ASSEDIC, pour une part les enseignants, etc. Il faudrait avoir une réflexion sur les pratiques professionnelles, pour des pratiques professionnelles émancipatrices et réellement anti-capitalistes et subversives. Je pense qu’on pourrait avoir là un terrain d’expérimentation, de théorisation, de réflexion ; un appel à l’insoumission disant que les femmes assistantes sociales refuseront d’aller visiter à domicile ; qu’à l’ANPE, les femmes refuseront de radier, etc.
Aujourd’hui, ce contrôle social, les femmes y ont vraiment une part très importante avec une intériorisation de cette morale qui est tout à fait considérable. Il me semble qu’il faut qu’on oppose à l’humanitaire, au sécuritaire et la morale, le droit individuel et collectif. Qu’il faut réagir en termes de lutte et d’organisation pour gagner des droits sur des choses aussi évidentes que les coupures EDF, les transports, le téléphone ; être acteur ou actrice sociale c’est-à-dire gagner le droit d’être représentées, le droit de lutter, etc.
On voit dans AC ! que c’est plus difficile pour les femmes de s’organiser quand elles sont dans la précarité et le chômage. Pour les femmes, il y a toujours cette question de la légitimité du droit à avoir un emploi. Quand on se retrouve au chômage, cette question ressort en force, et comme on n’a pas réussi à la poser collectivement, chacune la vit individuellement. Tout ce qui est la recherche d’emploi reste alors de l’ordre du privé alors que ça pourrait devenir objet de lutte.
Le chômage, la précarité sont des situations d’extrême violence que les femmes vivent mais ne traduisent pas à l’extérieur de la même manière. Dans les organisations de chômeurs et de précaires, il y a beaucoup de tension et de violences, et les femmes ont du mal à y trouver leur place. Quand elles sont au chômage, les femmes sont peut-être moins exclues. Elles retrouvent un autre rôle : un rôle de régression par rapport à l’autonomisation, par rapport à cette victoire contre la soumission, l’enfermement, c’est vrai ; mais elles ne sont pas en absence de rôle alors que les hommes chômeurs, si, puisqu’ils n’ont qu’un seul rôle, celui du travail. On trouve là ce grand paradoxe du travail : le salariat est à la fois émancipateur et lieu d’exploitation et d’aliénation. Il me semble qu’il faudrait qu’on discute en tant que femmes de notre place dans le salariat : avoir une place mais que ça ait du sens. Quand vous regardez le nombre de boulots non qualifiés que des copines occupent dans des conditions catastrophiques, les abattoirs en Bretagne ou dans le textile, des emplois qui donnent une place, qui permettent de tisser des apports sociaux mais franchement, question qualification, on peut discuter !

Quelques points


Le salaire minimum :on voit que, dans les pays où il n’y en a pas, la situation est encore pire. Au Royaume-Uni, en 1996, le salaire des ouvrières était de 31 % inférieur à celui des ouvriers, alors qu’en France il n’était inférieur que de 18 %. Aux USA, toujours, le taux de pauvreté des familles monoparentales est de 36 % alors qu’en France il n’est que de 17 %, c’est-à-dire la moitié. Cela pose la question de l’intervention de l’État en filet de sécurité minimum.

Le secteur public : en Grande-Bretagne où le secteur public s’est totalement désengagé du logement, 2/3 des sans-abris sont des femmes.
Cela pose la question des équipements collectifs, du droit collectif contre une nouvelle domesticité. Il y a des femmes qui font une carrière, sont profs, agents de l’ANPE, cadres ou infirmières et qui, pour pouvoir faire tout ça, embauchent et ont des rapports de domination avec leurs employées ! Il y a des éléments structurels sur lesquels on pourrait se battre. La question des équipements collectifs en est un.

Le temps de travail : en est un autre, parce que travailler moins c’est pouvoir partager les tâches domestiques. Les tâches domestiques représenteraient à peu près 46 % du PIB, ça a un poids économique.
Il y a aujourd’hui toute une tendance qui dit "Non, ce n’est pas vrai, le travail des femmes ne renforce pas le chômage parce que le travail des femmes crée de l’emploi qui est de l’emploi de service". Le rapport du Conseil d’analyse économique met ça en évidence en même temps que les rapports de domination, les rapports de classe, entre les femmes qui en découlent.

L’organisation des précaires : les syndicats commencent à organiser des précaires. C’est le cas pour la coordination et la syndicalisation des emplois jeunes. Mais c’est un peu "l’aristocratie" des précaires. Poser la question de l’organisation des précaires de 5 ans d’accord c’est très intéressant, mais va-t-on se poser la question de leur pérennisation ? Ou de leurs droits à l’assurance-chômage, à la retraite complémentaire, à la formation, au déroulement de carrière, etc. ? Il me semble que, pour que le syndicalisme ne soit pas extérieur, cela suppose qu’on refasse du syndicalisme articulé avec les associations de proximité, ce qui repose la question des collectifs unitaires, des collectifs de femmes axés sur ces questions de proximité. Or, le fait qu’il y ait beaucoup moins qu’à une certaine époque d’interprofessionnelle est un handicap très fort, parce que, lorsqu’on est dans des situations très précaires du point de vue du travail, il faut substituer à la stabilité du travail, la stabilité de l’organisation et du projet, c’est comme ça qu’on s’en sort. C’est ce qu’on a essayé de faire avec AC !, avec un bonheur relatif d’ailleurs. Je livre ça au débat.

Revenu et salaire : je vous pointe une contradiction dans laquelle nous, à AC !, nous nous trouvons. On a demandé au gouvernement d’écrire dans le Code du travail qu’il n’y aura pas de contrat de travail conclu à temps partiel, que le temps partiel sera un droit mais dans le cadre d’un contrat de travail à temps plein. Quand le gouvernement a refusé, qu’est-ce que vous faites quand vous avez plein de copines qui travaillent à temps partiel ? Vous dites "puisque vous ne voulez pas légiférer vous payez", donc, vous vous battez sur le cumul minima sociaux et temps partiel, ou allocation chômage et temps partiel, et là, vous tombez en plein dans le piège que Seillières et ses comparses vous ont tendu, c’est-à-dire "je paye pour ce que je peux, et si la société considère que ce n’est pas assez, elle complète".Vous ne pouvez pas avoir une autre revendication qu’exiger d’obtenir le SMIC par un moyen ou un autre. Je vous soumets la contradiction, je ne sais pas y répondre. Quand vous discutez de ça avec des mecs, ils vous disent "c’est dangereux structurellement, vous ne pouvez pas avancer cette revendication". Oui, mais sans le SMIC vous ne pouvez pas vivre. Donc comment on fait ? Cela m’amène à autre chose, c’est qu’il faut se battre pour que les droits RMI, ASS, etc., soient des droits individuels ainsi que les droits à la protection sociale ; qu’il y ait un vrai droit au revenu garanti individuel, nous on dit au SMIC. C’est très difficile à vendre aujourd’hui parce que, quand il y a plein de gens qui ont beaucoup moins et que vous leur dites "nous on veut avoir le SMIC même si on est au chômage", il y a une vraie régression politique.
Je vous rappelle qu’en 1974, la CGT et la CFDT disaient "Quand on est licencié, on doit garder 90 % de son ancien salaire et jamais moins que le SMIC" parce qu’on considérait que le SMIC était un salaire de besoin et pas un salaire lié à l’accomplissement d’une tâche. Or, si c’était vrai en 1974 du point de vue des besoins, il n’y a pas de raison que ça ne le soit pas aujourd’hui.

Tiré des Actes des rencontres intersyndicales femmes, 1998

P.-S.

Claire Villiers - militante syndicaliste et associative (AC !) - 1998

Notes

[1] Chiffres consultables en annexe. Bien que relativement anciens, ils restent révélateurs d’une tendance qui s’est confirmée

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