"L’homosexualité et la bénédiction des couples du même sexe que nous croyons contraires à la Sainte Ecriture, et à la morale dans le tiers-monde […] La province Anglicance du Congo condamne tout acte immoral qui promeut l’homosexualité active en tant que norme culturelle. L’Evangile purifie toutes les cultures et doit être en accord avec la Sainte Ecriture […] La province Anglicane du Congo interpelle […] l’homosexualité qui ravage l’Europe […] prier sérieusement pour leur retour à Dieu dans une répentance réelle"
Archevêque Dr. Dirokpa Balufuga Fidele
Norme dogmatique et culturelle
Les dernières tendances dans Communion Anglicane à la suite de l’ordination de V. Gene Robinson comme premier Evêque homosexuel se consolident autour des blocs convervateurs et libéraux. La consécration d’un évêque homosexuel par l’Eglise Episcopale n’a pas seulement mis en lumière les clivages déjà existant au sein de cette église, elle a aussi donné lieu à de nouvelles alliances intra et extra dénominationnelles.
L’église Catholique Romaine, qui n’a pas encore fini d’en découdre avec les scandales des prêtres pédophiles qu’elle a protégés menace de sevrer les liens avec la tendance libérale de l’Eglise Episcopale des Etats-Unis. Quant à l’Eglise Orthodoxe Russe, elle a interrompu toute communion avec l’E.E.USA, y compris ses actions humanitaires conjointes avec cette église. La communion de foi repose dorénavant non pas sur la foi elle-même, mais sur des alliances fondées en partie sur l’adhésion à la « norme » dogmatique et culturelle.
Homosexualité hors normes
Pour justifier ses positions, l’Archevêque de la province du Congo a dénoncé l’acceptation de l’homosexualité en tant que « norme culturelle » aux dépens du saint dogme. Selon lui, « l’évangile purifie toutes les cultures ». Pourtant, aucune culture ne saurait être a priori « impure » parce qu’elle est le sceau de l’experience de vie des communautés. C’est la tendance à ne pas assumer sa culture qui la rend perverse.
L’instrumentalisation d’une « sainte écriture » à des fins de purification des cultures, est une entreprise dangereuse au regard de l’ignorance et du mépris de ce qui constitue l’âme des peuples dont elle fait l’apologie. Continuer de parler de « norme culturelle », c’est déjà renier la culture.
L’évangile (la nouvelle –bonne-) valorise les cultures en infusant dans le coeur des peuples, ce que la « normalisation de la culture » leur enlève : la conscience critique. Si répentance il y a, c’est qu’elle devrait opérer dans le but d’un renouvellement de l’intelligence pour combattre les forces d’aliénation qui tentent de maintenir les peuples dans l’obscurentisme et la sevitude. Ce déphasage entre conscience et culture qu’apportent les « mauvaises nouvelles » coulées dans la meule du dogme fait la guerre à la liberté par la promotion d’une idéologie de mutilation de soi.
Homosexualité dans la culture
Que penser du fait qu’au seizième siècle, des rapports ont été publiés sur la pratique du travestisme dans le Royaume du Congo (connu aujourd’hui sous le nom de République Démocratique du Congo ou RDC) et l’Angola ? En 1732, le missionnaire français Jean Baptiste Labat a décrit des Ganga-Ya-Chibanda, comme des prêtres qui portaient des habits de femmes ; maîtres des sacrifices encore appelés « grand-mères ». Quelles conclusions tirer du rapport de 1930 identifiant "les femmes Kundó […]comme les yaikyá bonsango", terme équivalent à celui de lesbienne ? Si, comme le prétend l’Archevêque Dirokpa, l’homosexualité est contraire à la morale du « tiers-monde », elle ne l’est qu’aujourd’hui dans ces sociétés « purifiées » par une écriture autrefois résolument dirigée contre les cultures indigènes.
Pas de morale du "tiers-monde"
Dans tous les cas, le fait culturel et historique dément la thèse de l’existence d’une « norme » sexuelle dans les sociétés indigènes en Afrique et dans celles du « tiers-monde » de la finance. Cette tentative de création d’un « tiers-monde » de la morale dont les contours restent flous, ne peut se faire que par le sacrifice des identités indigènes d’avance déclarées impures parce que se situant hors du champ littéraire (c’est le cas des communautés indigènes de tradition orale). Sur l’homosexualité, les défaillances d’une mémoire collective amnésique continuent à faire passer le dogme pour une vérité historique. Le pire de ce qui pécède c’est que les injonctions à la répentance des autres ne font pas très souvent écho dans sa propre chapelle.
Abus sexuels moraux ?
Mais au fait, de quelle morale du « tiers-monde » nous parle-t-on ?
En 1994 la Soeur Maura O’Donohue publiait les résultats d’une enquête faite dans plusieurs pays du « tiers-monde » et les états-unis d’amérique concernant les abus sexuels perpétrés sur des nonnes par les prêtres de l’église catholique romaine. Certains prêtres habitués aux prostituées et aux lycéennes, se sont rabattus sur les nonnes pour trouver un refuge imperméable au Sida. Les nonnes enceintées par les prêtres étaient renvoyées des couvents. Certaines avec leurs bébés officiellement bâtards. D’autres procédaient à des avortements dans les hôpitaux missionnaires. Le condom condamné par l’église catholique romaine avait trouvé l’absolution tant qu’il servait les frères et soeurs. D’une part, les frasques libidineuses des prêtres catholiques romains coûtaient aux soeurs vie et vocation, de l’autre, les abus sexuels sur les femmes laissaient prêtres et évêques imperturbables. La monstruosité des faits ; la durée des secrets ; le nombre de prêtres et de nonnes impliqués en Afrique a fait dire à la pauvre soeur Maura que,
Le problème des abus sexuels des nonnes par des prêtres dans les regions du monde en développement est à prendre au sérieux.
La majorité des abus sexuels ont été enregistré en Afrique même si le problème s’étend au-delà.
Marie McDonald, dans son allocution sur le problème des abus sexuels des religieuses africaines à Rome, posait le 20 Novembre 1998, une question fort intéressante :
"Le célibat et la chasteté ne sont pas valorisés dans plusieurs pays (…) la vie religieuse peut pourvoir un choix alternatif mais est-il un choix réel pour une vie de célibat et de chasteté ?"
L’injustice au nom des traditions
La réponse appartient à chacun. Le problème des abus sexuels des femmes, filles et des garçons ne se limitent pas à la seule église catholique romaine. On voit bien que le « tiers-monde » prétendument « purifié » parce qu’à l’abri de l’homosexualité n’a pas fini de balayer dans sa cour. Le pire c’est que, quand ça nous arrange, on s’accommode à l’injustice au nom des traditions. Cela va sans surprise que l’exploitation sexuelle des femmes, fillettes et garçons dans l’église n’a jamais causé de re-alignements, menaces de schisme ou méconnaissance des alliances interdénominationnelles. D’un côté, on place sa tradition sur le piédéstal quant il s’agit de justifier l’apartheid culturel (ma tradition est la meilleure celle des autres doit être purifiée) ; le racisme ; l’homophobie ; le sexisme ; le viol des femmes, des filles et des garçons etc… De l’autre côté, la purification n’opérant qu’à sens unique, on s’en prend à ceux qui, au nom de leurs cultures, reconnaissent les homosexuels par des appels à la répentance. Toutefois, l’élection et la consécration de V. Gene Robinson est loin d’être qu’un caprice de l’agenda culturel. Une lecture plus approfondie des récents développements survenus au sein de l’église Episcopale dévoile une volonté de s’affranchir des paradigmes hétéronormés d’une écriture prise à contresens de l’esprit de la lettre.
L’homophobie n’est pas un legs de l’Ecriture
"C’est vous qui êtes notre lettre, écrite dans nos coeurs, connue et lue de tous les hommes. Vous êtes manifestement une lettre de Christ, écrite, par notre ministère, non avec de l’encre mais avec l’Esprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur les coeurs"’ (2 Corinthiens 3 : 2 - 3).
La sainteté de l’Ecriture ne réside pas dans son infaillibité, encore moins dans les méchanismes de production qui la rendent accessible. Elle n’a de vie que par l’intégration des vies et d’éternité que dans une culture de la liberté par la conscientisation des esprits. L’Ecriture ne donne que ce qu’elle reçoit. Dogme pour dogme, foi pour foi. L’homophobie n’est pas un legs de l’Ecriture mais un don à l’Ecriture.