L’organisation d’une journée d’études sur la prostitution prévue initialement pour le lundi 5 avril 2004 dans le cadre du séminaire public du GERS 2003-2004 a suscité beaucoup de réactions de la part de collègues (cf. lettre de Marie Victoire Louis du 24/03/04) et de groupes féministes (Collectif National des Droits des Femmes, CNDF, entre autres).
Nous n’avons pas l’habitude d’intervenir dans la préparation des séances du séminaire public du GERS qui, chaque année, est pris en charge par un petit groupe de membres de l’équipe. Cependant, dans le cas du thème précis de la journée, étant donnée la très forte controverse autour de la question, il est nécessaire que les différentes positions puissent être représentées lors de cette séance. Nous sommes donc d’accord avec Marie Victoire Louis et les collectifs tels que le CNDF, sur la nécessaire représentativité des positions en présence dans le débat sur la prostitution.
Cependant, nous tenons à exprimer très fermement trois désaccords de fond.
Le premier concerne la nature du GERS. Nous ne pouvons pas être caractérisés comme un "groupe féministe". Le GERS est une UMR (Unité Mixte de Recherche) du CNRS, associée à l’Université de Paris 8-Vincennes-Saint-Denis. Au sein de notre laboratoire, plusieurs membres sont des militantes féministes et militent au CNDF ou dans d’autres groupes féministes, mais le GERS est un laboratoire de recherche du CNRS, composé de femmes et d’hommes, de chercheur-e-s et d’enseignant-e-s chercheur-e-s, qui ne sont pas toutes et tous féministes. Sa vocation est de créer des connaissances scientifiques, notamment dans le domaine des rapports sociaux de sexe/genre et de la division sexuelle du travail, des questions liées à la domination, au pouvoir, à la différence des sexes. Le GERS veut contribuer, à partir d’une démarche critique, à l’intelligibilité des sociétés contemporaines, notamment par son inscription dans les débats d’actualité sociale et politique, qu’il veut transformer, ce faisant, en débats d’actualité scientifique.
Le deuxième désaccord concerne la nature du séminaire public du GERS. La problématique du séminaire de cette année est "La vie privée entre sexualité, travail et politique". L’intitulé de la journée sur la prostitution, qui a suscité tant de remous, "La prostitution, un travail sexuel ressortant du droit à la vie privée ?", s’il peut apparaître aberrant dans le cadre d’une réflexion sur la prostitution comme une violence à abolir, est par contre pertinent dans le cadre de la problématique de recherche du programme du séminaire GERS pour l’année 2003-2004.
Enfin, le troisième désaccord concerne la méthode. Nous ne considérons pas que l’avancement du débat scientifique sur les thèmes controversés du féminisme passe par l’envoi de lettres de dénonciation et de critiques des activités d’un laboratoire tel que le GERS à nos organismes de tutelle (direction du CNRS , présidence de l’Université, présidence du Comité d’éthique), au moment même où notre avenir institutionnel se joue dans les instances d’évaluation en vue de la continuité (ou non) de nos activités scientifiques dans le cadre du CNRS et de l’Université.
Nous avons décidé de reporter cette journée pour pouvoir la préparer dans les meilleures conditions, avec un remaniement du programme tant du point de vue des interventions prévues que du titre. Nous proposons un nouveau titre : "Prostitution : travail ou violence". Ce nouvel intitulé devrait indiquer l’intérêt que le GERS a à confronter explicitement des positions fortement clivées sur cette question. Cette journée est fixée en principe pour le 21 juin prochain et a été réorganisée en partant du cadre préexistant, celui du programme 2003-2004 du séminaire, organisé par Yves Sintomer et Martine Spensky, avec la collaboration de Pascale Choquet. L’objectif n’est pas tant d’arriver à un équilibre numérique que de rendre possible un réel avancement du débat scientifique (notamment sur la question de la sexualité, sur laquelle la position présentée par M.V. Louis dans sa lettre mériterait pour le moins discussion, dans la mesure où elle évacue tout ce qui n’est pas de l’ordre du physiologique et du mécanique), à propos de ce problème d’actualité politique et sociale.
C’est avec l’espoir d’une discussion enrichissante et d’une confrontation qui fasse réellement avancer sur l’ensemble de ces questions, que nous préparons, avec les organisatrices et l’organisateur de cette journée, ce débat contradictoire sur la prostitution.
GERS – Cnrs – Iresco – 59 rue Pouchet 75017 Paris
Pour tout contact concernant cette journée : Pascale Choquet casumai@yahoo.fr ou gers@iresco.fr