Les analyses et les propositions écoféministes ont donc été développées en étudiant l’ensemble des stratégies déjà pratiquées par des femmes dans les communautés de base.
Les idées de l’écoféminisme revendiquent la nécessité de développer des propositions locales, qui correspondent aux contextes spécifiques. Pour qu’elles soient menées à bien, les réflexions et les actions écoféministes doivent reposer sur la participation d’un groupe local assez large. Ce qui n’existe pas pour l’instant en Belgique selon Anne Nyssen, féministe militante à Bruxelles.
Pertinence universelle
Les idées de l’écoféminisme prennent comme point de départ la situation des femmes dans les pays du Sud plutôt que dans les sociétés du Nord/Occident, explique Anne Nyssen. Et les idées majeures de l’écoféminisme sont également valables pour la Belgique ou l’Occident. La critique envers une économie néo-liberale qui repose sur des marchés mondiaux et qui réduit la population au statut de de simples consommateurs, est partout pertinente. Ainsi que les propositions de s’appuyer davantage sur une économie locale qui privilégie le maintien du tissu social. La conservation de la nature, un des autres pilliers fondamentaux, devient elle aussi incontournable, et cela met sérieusement en question nos modes de production et de consommation. Les écoféministes sont aussi porteuses de fortes revendications contre la guerre et la militarisation, la paix étant une des préconditions à tout développement local.
En outre, Anne Nyssen trouve que l’écoféminisme a clairement montré qu’on ne peut plus penser l’émancipation par l’échange de sa force de travail contre un salaire, puisque dans le cadre d’un système d’économie néo-libérale, cela peut facilement aller jusqu’à esclavage. "D’un autre côté nous ne pouvons pas toutes devenir des productrices de matières premières, comme le suggère une des propositions importantes de l’écoféminisme", et c’est pourquoi, des réflexions sur le développement d’une économie basée davantage sur l’échange de services et même de savoir-faire, seront nécessaires selon elle. Le manque de groupes de réflexion et de propositions écoféministes, propres aux contextes des societés occidentales, est aussi peut-être une des raisons pour laquelle certaines féministes ici ont parfois critiqué l’écoféminisme comme étant un mouvement qui propose, simplement dit ‘un retour en arrière’, spécule Anne.
Des clichés dangereux ?
Anne Nyssen a encore un point de critique contre certains elements de l’écoféminisme, qui porte sur la base de l’analyse feministe : « L’écoféminisme a quand même une tendance essentialiste, dans son focalisation sur le lien entre la femme et la nature, où c’est la femme qui donne vie, qui l’entretient, qui la nourrit, qui fait pousser la vie, qui cultive… ». Ce lien très fort risque fort de nous amener à une compréhension essentialiste, où l’être d’une femme est fondée principalement sur l’image de la Mère, qui reproduit la vie humaine ainsi que celle de la terre. Et Anne n’est pas la seule feministe à se méfier des analyses féministes qui accentuent la relation entre la femme et la nature, qui a plutot été une longue histoire d’ésclavage’.
Au sujet d’une contribution éventuelle des écoféministes au Sommet de Johannesburg, Anne Nyssen pense à priori que ce processus ne convient pas aux idées de l’écoféminisme, parce que celui-ci entre difficilement dans le concept de développement durable tel qu’il a été défini, ni par les portes qu’ont ouvertes les institutions. Cela dit, des idées issues de l’écoféminisme ont été reprises par d’autres mouvements qui contribuent au processus du Sommet de Johannesburg sur le développement durable. Cependant ca se fait curieusement souvent en laissant un des principaux pilliers d’analyse un peu à coté - celui de l’analyse féministe.