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Féministes, encore un effort pour être révolutionnaires !

mercredi 31 mars 2004, par Dominique Foufelle

Un des arguments récurrents des détracteurs (voire trices) du féminisme, c’est qu’il ne rassemblerait sous sa bannière que des "bourgeoises" coupées des réalités sociales, devisant et tempêtant en leur tour d’ivoire. Argument fallacieux, réducteur, nous le savons, que nous nous décarcassons à contredire. Pourtant, hélas !, il y a des fois où on serait tenté de leur donner raison…

Dimanche 21 mars 2004, midi. Il vente sur le parvis devant la Maison des Arts de Créteil. Ceux qui connaissent l’endroit savent qu’on ne s’y rend qu’en cas d’absolue nécessité et que son attrait ne saurait rivaliser avec celui d’un brunch dominical sous la couette.
Justement, il y a une raison de se propulser jusqu’à la Maison des Arts : le Festival International de Films de Femmes s’y déroule. Les Pénélopes et ses partenaires de Femmes en Réseau, viennent ce matin-là y montrer les deux premiers films de la série consacrée aux structures d’économie solidaire membres de ce réseau, Femmes Actives et Déclic. L’occasion d’une rencontre entre deux "mondes" : celui de féministes pas forcément engagées dans les luttes sociales, et celui de femmes engagées dans la défense des droits économiques ne se définissant pas forcément comme féministes. Las ! elle n’aura pas lieu.

Débat coulé dans la piscine


Le jour et l’heure sont à l’évidence ingrats ; ils nous sont échus après moult changements (à la baisse). Mais nous comptons sur l’affluence de la clôture, où seront re-projetés les films primés. Sauf que l’événement ne débute qu’en après-midi – d’où Maison des Arts déserte. Pas de public de hasard à l’horizon.
Nous n’aurons pourtant pas une salle vide, puisqu’on a songé à nous fournir un public captif : le contenu d’un car affrété par le centre social de Bezons. Des femmes exclusivement, qui devraient être sensibles aux propos des films, puisque elles-mêmes issues de "quartiers sensibles" (CQFD, non ?). Peut-être pourrons-nous finalement tenir un vrai débat fructueux ?
Mais le temps presse ! Celui qui nous est accordé a été révisé (à la baisse) au fil des négociations avec la direction du Festival. Une heure et demi chrono pour la projection et le débat. Pas le temps de flâner : nous enchaînons présentation de l’association, films, présentation des membres du réseau, en simultané avec la projection sur écran des pages d’accueil de leurs sites. Et nous remballons : direction la "piscine", espace conçu comme convivial bien qu’à ciel ouvert sur le hall.
Entre temps, Femmes Actives y a installé son buffet, commandé par le Festival, dans le but de l’offrir au public, dont le nombre potentiel a été revu (à la baisse) après modification de la date et du temps accordé. Un buffet gratuit, donc. Alors comment se fait-il que les participantes doivent retirer un ticket, au prix de 12 € ? On nous rassure : c’est Bezons qui paie. Sympa, non ? Oui, nous nous réjouissons d’apprendre que notre intervention fait partie d’un forfait d’excursion.
Le programme établi avec la direction du Festival prévoit que le public prendra place sur les gradins munis de coussins de la "piscine" et que nous débattrons tout en grignotant. Un pis-aller, mais bon… Or, voilà qu’on installe des tables et que toutes sont invitées à s’y installer en rangs d’oignons. Et le débat, alors ? Pas de panique : le temps accordé a été revu (à la hausse). Bon, nous attendrons le dessert.
Le moment enfin venu, Jackie Buet prend en personne les choses en mains. Sur la scène, au centre des intervenantes des Pénélopes et du réseau, elle rappelle que nous venons de voir "deux films de Femmes Actives". Nous nous permettons de rectifier : il s’agit de deux films produits par Les Pénélopes (pas totalement inconnues dans le Landerneau – ou si ?), sur des structures membres de Femmes en Réseau.
Et qui sont les dames présentes ? Une se lève et, en tant qu’assistante sociale, nous présente les associations ici représentées. Des associations de quartier, tournées vers la convivialité et les loisirs. Sympathiques et indéniablement productrices de lien social. Mais Femmes en Réseau, c’est autre chose : des alternatives économiques, basées sur la valorisation des compétences, portées par des femmes et chapeautées par personne. Cela, nous aimerions l’expliquer plus avant… Mais hélas ! nous nous heurtons à un problème de taille : l’absence de micro. Nous aurions cru la Maison des Arts (et le Festival) mieux équipés ; peut-être faut-il songer à lancer une souscription ?
La "piscine" est en contrebas, entourée par la galerie du hall d’entrée, soit une hauteur de plafond d’environ 5m et peu de murs pour emprisonner le son. Ajoutez à cela que le hall commence à se remplir, et que l’attraction suivante attend les convives… Vous en concluez fort justement que seules quelques convaincues s’attardent.

Quel féminisme voulons-nous construire ?


Chou blanc, donc, pour cette rencontre dont les enjeux nous semblaient d’importance.
Pour nous, faire connaître Femmes en Réseau, c’est témoigner des possibles qu’ouvrent les réalisations de ses membres. C’est souligner la force qu’apporte l’union autour d’objectifs communs. C’est aussi montrer un féminisme en action, sur le terrain social, un féminisme de proposition.
Qu’il faille hausser le ton pour se faire entendre, y compris au sein des mouvements de transformation sociale, nous y sommes accoutumées. Mais que des féministes nous relèguent au rayon des alibis sociaux, voilà qui nous navre et nous inquiète.

P.-S.

Dominique Foufelle - mars 2004

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