Lors du Forum social européen, qui s’est tenu à Paris/St-Denis/Ivry/Bobigny du 13 au 16 novembre 2003 en France, les Pénélopes organisaient un atelier intitulé « Démocratiser les forums sociaux ? ». Un point d’interrogation bien mérité alors que nous étions à la veille du 4e Forum social mondial qui allait avoir lieu en Inde et que les chuchotements écoutés ça et là pendant la préparation du FSE en disaient long sur le sujet : défiance, concurrence, prises de pouvoir, impossibilité de prendre la parole… Faisant également suite à l’initiative du début de l’année lors du 3e Forum social mondial à Porto Alegre, initiative appelée « débats croisés », ils nous paraissait essentiel de donner la voix à ceux qui ne l’avaient pas, voire même qui ne savaient pas qu’ils l’avaient. Ainsi, chaque mois, depuis mai 2003, une petite équipe munie d’une caméra est allée à la rencontre des Dyonisien-nes (habitant-es de St-Denis), bravant les cités, rues, places, parcs et autres lieux de passage. Bilan : plus que mitigé. Aux Francs-Moisins, l’une des cités populaires de la ville, les femmes et les hommes interrogés n’avaient presque jamais entendu parler du fameux FSE, événement qui allait se dérouler près de chez eux, dans leur propre ville. Mais les thématiques abordées au Forum social européen les intéressaient. Plusieurs des personnes rencontrées avaient des questions à poser sur les inégalités, des observations à faire sur les rapports homme-femme dans leur lieu de vie. Bref des choses à dire, et à entendre. Ailleurs, au centre ville, à la Porte de Paris… les entretiens révèlaient une tendance. Entre les personnes qui ne sont pas du tout au courant, celles qui sont au courant mais qui ont " plus urgent " à gérer et pensent qu’il faut déjà " régler les problèmes au niveau local ", ceux qui se sentent exclus, carrément pas invités car selon eux "ces forums sont dirigés par le haut " et ceux qui sont en colère car non consultés par leurs élus, le pas à franchir pour démocratiser les forums sociaux était grand.
L’idée avec cet atelier était donc de donner la parole à ceux qu’on n’entend pas assez, et replacer le FSE au cœur des lieux où il se déroule. Projection des micro-trottoirs effectués pendant plus de six mois et débat autour de ces questions : comment amener les populations locales, notamment les plus fragilisées économiquement à prendre la parole ? A participer aux débats ? A raconter leur expérience ? Quels moyens utilisés ? Qu’est-ce donc que l’élargissement social (une des préoccupations des organisateurs) ? A-t-il abouti ?
Des surprises
La tenue du débat (que vous retrouvez ici) a témoigné elle-même d’un grand intérêt pour la question posée. Organisateurs, représentant-es de la mairie, des associations locales, habitant-es, Européen-nes se sont ainsi retrouvés sur cette thématique essentielle de la démocratie dans ces forums qui veulent changer le monde. Plutôt bien rempli, l’atelier a vu s’exprimer des points de vue très différents, ce qui en a fait toute sa richesse. Donner le temps au temps. Réfléchir dans la durée plus que dans l’efficacité. Inventer des formes. D’un côté. De l’autre, revendiquer plus de place pour les habitant-es qui font l’effort de s’organiser, de proposer et qui se voient structurellement ejecté-es du processus. Un processus bien compliqué selon un organisateur. Européen, des enjeux très difficiles à maîtriser, une complexité absolue. Un sabotage complet de la communication sur la forum selon un maire-adjoint de la ville. Une ouverture ratée. Par manque de motivation des organisateurs. Une réelle opportunité pour un militant d’un forum social local. Le Basque qui pointe néanmoins le problème de la diversité linguistique et culturelle. Une grande messe « comme d’habitude » pour certain-es qui ont galéré pour atteindre de véritables lieux de discussion.
Enfin, ensemble, nous n’avons pas résolu le problème de l’élargissement social. Drôle de terme par ailleurs ! Mais nous avons ouvert quelques pistes, quelques chantiers. Chacun-e est parti-e avec dans sa besace le sentiment que tout n’est pas foutu, qu’il suffit de s’y mettre, d’échanger nos expériences et innovations. Rendez-vous au prochain numero ?