Lesbiennes, gais, bisexuels, transgenres, (LGBTQ) proclament quotidiennement la vérité sur ce qu’ils sont malgré les représailles qui pourraient s’ensuivrent. L’histoire de nos sexualités est plus lisible dans nos actes courageux quotidiens que dans le contenu des livres d’histoire de nos vies, et de nos mouvements de libération. L’effort continuel des LGBTQ à dire la véritable histoire de notre sexualité sera toujours enchevêtré dans les mensonges américains sur la sexualité. C’est le mensonge américain sur la sexualité qui enferme non seulement les personnes LGBTQ dans ses prisons de l’hétérosexisme, mais aussi les personnes de couleur dans ses prisons du racisme.
Le nom de mon père était Strom Thurmond
Essie Mae Washington-Williams, une enseignante retraitée de 78 ans, est un exemple classique de l’un de ces nombreux secrets, mensonges et contradictions dans l’histoire de la sexualité de ce pays. À la conférence qu’abritait un hôtel à Columbia, SC., le 17 décembre 2003, Washington-Williams a introduit sa présentation par ces mots : ’Le nom de mon père était Strom Thurmond.’
Strom Thurmond ou ’Ol’Strom’,a été était un raciste enragé pendant toute sa carrière. La plate-forme ségrégationniste loyale l’a transformé en héros national pendant la Convention Démocratique Nationale de 1948. À cette Convention, Thurmond et d’autres démocrates ségrégationnistes du Sud formèrent la Dixiecrat Party 1 [1]où Thurmond devint candidat à la présidence. En approuvant le système ségrégationniste, la plate-forme de la Dixiecrat Party avait proclamé orgueilleusement : ’Nous nous déclarons pour la ségrégation des races et l’intégrité raciale de chaque race’. Cette plate-forme était en opposition avec l’agenda des droits civils du Président Harry Truman.
Pendant que Thurmond épousait la suprématie blanche dans la sphère publique, il a consensuellement couché avec les femmes noires ou les a forcément violé dans la sphère privée. Et ces paroles infâmes, ’toutes les baïonnettes de l’Armée ne peuvent pas forcer le Nègre dans nos maisons’ sont revenues pour le hanter dans sa mort.
Le pouvoir des hommes blancs sur le corps des femmes noires
Les rumeurs ont circulés pendant la vie de Thurmond qu’il serait le père d’enfants bi-raciaux - appelés mulâtres - une histoire devenue familière dans le Sud des États-Unis. L’annonce de Washington-Williams, vient non seulement mettre fin à cette éternelle rumeur, mais aussi exposer la laide et sordide histoire sexuelle et raciale des États-Unis ; le pouvoir et privilège asservissant que les hommes blancs ont eu sur les corps des femmes noires.
À 16 ans, une domestique, Carrie Butlet la mère de Washington-Williams, avait été envoyée travailler chez les Thurmond, l’une des plus riches familles de la Caroline de Sud. Thurmond, juste 22 ans, fraîchement sorti de l’université et maître d’école, avait été soupçonné d’avoir une ’affaire’ avec sa domestique. Mais cette ’affaire’ suscite plusieurs questionnements en moi : une jeune femme noire domestique dans une famille blanche du Sud pendant l’ère de Jim Crow 2 [2] aux Etats-Unis pouvait-elle ne pas consentir aux avances du fils libidineux de ses employeurs sans subir des représailles contre elle et sa famille ? Une relation mutuelle pouvait-elle exister dans un milieu de race, d’âge, de classe et d’inégalités de genres aveuglantes que confrontaient Thurmond et la mère de Essie Mae Washington-Williams ? L’interaction entre Thurmond et Carrie Butler fut-elle appelée ’affaire’ afin d’ignorer non seulement les codes de Jim Crow en vigueur en Caroline du Sud en 1925 ; ou d’effacer la domination sexuelle que les jeunes hommes blancs du Sud exerçaient sur les femmes noires comme pendant l’esclavage ?
Le romancier Mississippien William Faulker a écrit à propos du Sud, et il connaissait son cœur, âme et caractère lorsqu’il a dépeint ses troublantes histoires de race et de relations sexuelles. Faulker a écrit : ’Le passé n’est jamais mort. Il n’est même pas passé.’ Edward Ball, l’auteur de Slaves in the Family, a déclaré au New York Times, ’le cas typique c’est que le fils du maître de la maison teste sa sexualité sur une vulnérable jeune femme dans la maison du maître. C’est exactement ce que fit Thurmond’.
Tout tribunal qui rendrait justice pourrait comprendre que l’élément du viol statutaire est présent dans ’l’affaire’ qui lie Thurmond et Butler. Toutefois, comme s’il s’agissait d’un rituel de passage, les jeunes hommes blancs avaient souvent eu leurs premières expériences sexuelles avec les femmes noires et, continuaient à semer leur avoine sauvage en elles pendant et après le mariage blanc.
Une hypocrisie très répandue
Dans Incidents in the Life of the Slave Girl, Linda Brent est violée par un homme blanc nommé M. Sands pour éviter de futurs abus sexuels par son maître Dr Flint. Et, comme Thurmond, Sand s’est occupé de ses enfants bi-raciaux, mené une vie publique ’respectable’ avec sa femme blanche, et Brent comme la mère de Washington-Williams n’a pas révélé publiquement sa relation - une forme ’d’arrangement entre les hommes d’honneur’ et la vielle pratique sudiste.
Thurmond n’est pas le seul ségrégationniste à avoir épousé la suprématie blanche dans la vie publique tout en couchant au moins avec une femme noire dans la vie privée. Thomas Jefferson (1743-1926), notre troisième président américain et auteur de la Déclaration de l’Indépendance était un grand opposant du métissage surtout en terme des relations entre Noirs et Blancs. Dans son opposition au métissage des races il déclara : ’Leurs (Africains-Américains) mélange avec d’autres couleurs produit une dégradation qu’aucun amoureux de ce pays, aucun amoureux de l’excellence du caractère humain ne saurait innocemment approuver’.
Comme ce pays vient de le découvrir par les tests génétiques, Thomas Jefferson a eu une relation pendant 38 ans avec son esclave-maîtresse Sally Hemings (1773-1836) trente ans plus jeune que lui, de qui il fut le père d’au moins un enfant, le plus jeune nommé Eston. Les tests génétiques confirmant que Eston était le fils de Jefferson, les historiens ont conclu que Jefferson était le père de tous les sept enfants de Hemings : Thomas Jefferson Hemings né en 1790, Harriet Hemings I née en 1796, Beverley Hemings 1798, Thenia Hemings 1799, Harret Hemings II 1801, Madison Hemings 1805, et Aston Hemings 1808.
Peur et fascination engendrent mensonges et contradictions
Il existe deux caractéristiques communes aux sexualités des Africains-Américains, hommes et femmes : L’exploitation et la violence sexuelle. Toutefois, il devrait être souligné que, l’exploitation et la violence sexuelle contribuent à la fois à la construction des sexualités des Noirs ; au contrôle et à l’organisation des sexualités des femmes blanches, des autres personnes de couleurs et LGBTQ.
Le problème adressé dans cette ’affaire’ entre Thurmond et Butler est celui mentionné à mi-voix mais jamais entièrement exploré qu’est la peur des hommes Blancs, la fascination et l’attirance vers la sexualité des Noir(e)s. Commentant sur l’appétit sexuel des hommes blancs, Ball indique qu’ ’Il y avait cette incontrôlable, inconsciente attirance vers l’autre ; les personnes noires. Je crois qu’il y avait vaguement un peu de Storm Thurmond dans plusieurs cœurs des blancs.’
Ceci est similaire à la peur de plusieurs hétérosexuels, fascination et attraction envers les LGBTQ. Et la façon dont les membres d’un groupe dominant cachent leurs pulsions sexuelles et leur violence envers nous se dévoile par les mensonges, secrets et contradictions de leurs vies publiques et privées.
Sortir du placard
Sortir du placard est un acte dangereux. Ceux d’entre nous qui l’avons fait savent à quoi ça ressemble – la peur mais aussi le goût de la liberté. À une salle pleine de reporters, Washington-Williams a dit : ’Enfin, je me sens complètement libre.’
Il a fallu 78 ans à Essie Mae Washington-Williams pour se libérer des mensonges, secrets et contradictions qui ont enseveli sa vie d’enfant illégitime de Storm Thurmond. Son histoire nous apprend que, nous qui sommes hors-la loi à cause de notre orientation sexuelle ou à cause de l’histoire sexuelle que nous héritons devons nous séparer des mensonges, secrets et contradictions qui emprisonnent nos vies.