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Forum Social Européen

Rencontres Est-ouest : à problème universel, réponse collective

mercredi 31 décembre 2003, par Dominique Foufelle

Quelques heures pour débattre des solutions à opposer aux violences conjugales, c’est bien court. Les participantes françaises à l’Assemblée européenne des femmes ont pu néanmoins découvrir la situation dans les pays d’Europe de l’Est. Avec le soutien de l’Observatoire des violences envers les femmes en Seine-Saint-Denis, des Pénélopes, et de Femmes solidaires, des associations féministes dans les pays candidats à l’Union européenne étaient présentes pour faire partager leurs expériences.

La lutte contre les violences faites aux femmes est une priorité commune, à l’Ouest comme à l’Est. Dans des pays où le passage à une économie libérale frappe de plein fouet les femmes, la vitalité des organisations féminines pour promouvoir des changements en a surpris plus d’une. L’Union européenne représente un point d’appui pour les femmes de l’Est. A condition que les gouvernements et les institutions européennes développent les mesures en faveur des droit des femmes, respectent leurs engagements, et contrôlent leur application. La conclusion de ces échanges fut qu’il faut travailler avec tous les acteurs impliqués dans la lutte contre les violences. Sensibiliser et impliquer les femmes dans les structures de pouvoir. Et surtout bâtir des réseaux et des alliances entre les organisations de femmes en Europe, pour soutenir mutuellement nos propositions et lutter efficacement sur tout le continent.

Bulgarie : la pauvreté des femmes renforce les stéréotypes sexistes


En Bulgarie, une femme sur quatre est victime de violence domestique. Mais plus des deux tiers des victimes se taisent et rares sont les structures qui peuvent leur venir en aide. Pour Jivka Marinova de la "Bulgarian gender research fondation", la priorité est d’obtenir une loi de protection des femmes contre les violences conjugales : "Nous attendons des associations féministes qu’elles nous soutiennent, en écrivant au Premier ministre pour que le projet de loi contre les violences, déposé au parlement depuis plusieurs mois, soit enfin soumis au vote". Car les femmes bulgares viennent d’essuyer un échec. Le projet de loi pour l’égalité des sexes présenté dans le cadre de l’entrée de la Bulgarie dans la Communauté européenne, vient d’être rejeté par le parlement. "L’Union européenne représente pour nous l’opportunité d’améliorer notre législation et de faire avancer des revendications féministes, comme une loi contre le harcèlement sexuel", souligne-t-elle. Convaincue de l’urgence de changer les mentalités, Jivka Marinova insiste sur la nécessité de développer les recherches sur le genre et de promouvoir des programmes d’éducation pour sensibiliser les jeunes. "A la fin de leurs études, 55 % des jeunes femmes ne trouvent pas de travail, contre 24% des jeunes hommes. La pauvreté touche particulièrement les femmes et les stéréotypes sexistes se renforcent. Cela influence et restreint encore plus les choix professionnels des femmes".

Petites annonces contre trafic prostitutionnel en Hongrie


Judith Wirth est responsable de l’association NANE "Femmes ensemble contre la violence". Elle préside également le tout nouveau "Lobby hongrois des femmes", qui fédère 40 associations féminines. Dans ce pays de 10 millions d’habitants, une femme meurt toutes les semaines de violences conjugales. Le 29 novembre à Budapest, les Hongroises ont manifesté devant le ministère de la justice pour réclamer une loi contre les violences conjugales.
"Nous animons une ligne téléphonique pour les femmes victimes de violences. Notre association les aide juridiquement en se portant partie civile dans les procès. Elle assure des formations auprès des juristes et des avocats", explique Judith Wirth. Mais l’association a élargi ses activités à la prévention de la traite prostitutionnelle. "La libéralisation de l’économie a conduit à un surchômage féminin et à la perte de nombreux droits pour les femmes, avec une augmentation considérable du trafic prostitutionnel", souligne-t-elle. "Pour prévenir ce trafic et mettre en garde les jeunes femmes de plus en plus nombreuses qui souhaitent partir travailler à l’étranger, nous épluchons les offres d’emploi qui paraissent dans presse pour vérifier leurs informations, et fournir aux femmes des renseignements fiables sur ces annonces ".

En Lettonie, les femmes sortent avec un casque de hockey


Dace Beinare est psychologue au "Crisis center", un centre d’accueil psychologique et psychiatrique d’urgence. "Une sur quatre des personnes que nous recevons est une femme victime de violences", dit-elle. La particularité en Lettonie, c’est qu’il n’existe à ce jour aucune association féministe, ni aucune recherche conduite sur les violences et les discriminations. Les stéréotypes sexistes sont très ancrés, particulièrement dans la police et la justice. Il n’existe pas de loi pour protéger les femmes. Par conséquent, il n’existe aucune structure d’accueil et d’hébergement pour les femmes victimes de violences dans une ville comme Riga qui compte un million d’habitants." En cas de violences, la seule mesure se borne à trois heures de garde à vue pour l’agresseur explique Dace Beinare. Pour exiger la protection des victimes conjugales, et l’ouverture d’un centre d’hébergement, les femmes ont organisé un rassemblement, avec des casques de hockey sur la tête, symbolisant la nécessité de se protéger."Les gouvernants de Lettonie attachent beaucoup d’importance aux exigences de la Communauté européenne, souligne Dace Beinare. Nous demandons aux femmes d’Europe de faire pression sur notre gouvernement pour qu’il prenne en compte la protection des femmes victimes de violences et de discriminations. Cela aidera aussi les femmes à prendre conscience qu’elles ont des droits."

Nouvelle loi progressiste pour la Slovaquie


Marian Kolencik, de la Fédération abolitionniste internationale et du réseau Dafné, spécialisés dans l’aide aux victimes de la traite prostitutionnelle, explique qu’une nouvelle loi pour la protection des femmes victimes de violences conjugales a été votée au printemps 2003. Cette loi prévoit l’éviction du conjoint violent du domicile conjugal, quand la femme est reconnue comme victime, et de manière provisoire pendant la durée de la procédure. Dans la police, une unité spécialisée a été créée pour la traite des femmes. Cette unité est dirigée par des femmes.

Trafic dans les hautes sphères en Serbie


Nadedza Radovic avoue "ne plus savoir très bien de quel pays elle vient", depuis l’éclatement de la Yougoslavie. Mais elle s’exprime dans la même langue que sa jeune collègue bosniaque, Ajli Bajramovic. Il y a dix ans, dans un contexte de guerre, leurs deux associations n’ont cessé d’être solidaires et de maintenir le contact entre femmes serbes et bosniaques pour dénoncer les viols de guerre, et développer des actions de thérapies auprès des femmes victimes de violences.
A Belgrade, Nadedza Radovic s’attaque aujourd’hui au système prostitutionnel et à la corruption qui mine les plus hautes autorités de l’Etat. Suite à la défense d’une victime, une enquête a mis en cause le premier ministre de Serbie-monténégro, Mr Milo Dukanovic, qui a utilisé les services de femmes prostituées. "Un rapport de l’OCDE et d’une mission du Conseil de l’Europe sur le trafic de femmes a été remis à ce même premier ministre, mais n’a pas été remis aux associations de défense des droits des femmes", accuse-t-elle. "Nous demandons que ce rapport soit rendu public, et que la justice continue son instruction".

P.-S.

Agnès Boussuge, Clara Magazine – décembre 2003

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