Au Maroc, il existe bien des structures sanitaires, mais les femmes et filles des zones rurales n’y jouissent pas toujours d’un accès facile ; et n’ont de toute façon pas le réflexe de s’y rendre spontanément. Les jeunes villageoises, contrairement à leurs frères, ne poursuivent guère longtemps leur scolarité. Elles restent au foyer paternel, en attendant leur mariage, fréquemment précoce, rapidement suivi de maternités. Surveiller médicalement une grossesse, ni elles ni leurs proches n’y songent, car il s’agit là d’un état « naturel », quand bien même la future mère sort à peine de l’enfance. Résultat : un taux de mortalité maternelle élevé, estimé à 228 pour 100.000 naissances contre, à titre de comparaison, 6 à 7 en France.
Pour sauver ces vies, il faut changer les habitudes. Ce qui ne se fait pas en un jour, pas avec des projets parachutés, pas sans cohésion avec des réseaux de partenaires locaux qui pérenniseront l’action.
« L’humanitaire, c’est pas mon truc », annonce d’emblée Taoufik Adohane, coordinateur du projet, qui assure la liaison entre associations françaises et marocaines. « Il ne s’agit pas d’une opération à renouveler. Nous ne venons pas pour vacciner et repartir. Nous visons l’insertion sociale, et c’est impossible sans partenariats locaux. »
Le Bus Santé restera dans la région de Tiznit, géré par l’association Bani, auquel le gouvernement marocain a promis la mise à disposition de matériel et de personnel sanitaires. Il passera une fois par mois dans chaque village, le temps qu’il faudra pour installer de nouvelles habitudes. Taoufik Adohane ne doute pas que le bus en lui-même puisse tenir dix ans, car « au Maroc, on se débrouille, on sait réparer les choses. » Le temps que les petites filles d’aujourd’hui trouvent « naturel » de ménager leur corps – et pourquoi pas ? plus du tout de se laisser imposer des maternités précoces.
Bénéfices mutuels
Déjà remarquable par son souci de justesse et de durabilité, l’initiative ne s’arrête pourtant pas là. Dans les partenariats internationaux, généreux donateurs et heureux bénéficiaires sont en général clairement définis et compartimentés. Pas de ça au Bus Santé ! Toutes celles et ceux qui y participent trouvent à s’y enrichir. Humainement, s’entend, certes – mais aussi, à terme, économiquement, puisqu’il s’agit de valoriser les compétences.
Côté Saint-Denis, par exemple, les stagiaires de Femmes Actives ont réalisé les housses des banquettes du bus. Double bénéfice : pour le Bus, dont les belles housses colorées apporteront de la chaleur au lieu d’accueil ; pour les stagiaires, dont les productions connaissent une vraie existence porteuse de sens.
Côté Tiznit, parmi un réseau dense et dynamique, deux membres d’un collectif d’artistes, qui s’est donné pour objectif d’éveiller l’intérêt des gens pour la culture, ont financé leur voyage pour Saint-Denis en réalisant des foulards sérigraphiés « à l’ancienne », proposés à la vente aux visiteur-ses du Forum. Eti ls ont réalisé vendredi près du bus la toile évolutive.
Conjuguer projet social, efficacité et expression personnelle, il semblerait donc que ce soit possible !