Nous voulons être actrices de notre propre histoire, de notre propre vie. Nous exigeons la moitié du pouvoir – un pouvoir qui ne soit ni indirect ni occulte- dans la sphère productive et la responsabilité partagée dans la sphère de reproduction.
Nous nous fixons comme objectif d’abolir le rapport de pouvoir entre l’homme et la femme et nous voulons œuvrer au renouvellement nécessaire des règles de la démocratie pour que le pouvoir ne soit plus synonyme de domination : nous revendiquons l’accès au pouvoir comme moyen pour construire avec les autres et non comme outil d’autorité et moyen d’oppression. Notre combat contre la domination de sexe s’inscrit dans un projet global de remise en cause de toutes les formes d’exploitation.
Les luttes des femmes, des féministes ont conduit à des conquêtes importantes identifiées par des lois nationales et européennes. Même quand il n’y a pas formellement d’opposition à l’accès des femmes au pouvoir, les obstacles restent nombreux et les mécanismes de résistance subtils ainsi, malgré les dispositifs législatifs et les prises de position officielles dans certains pays , les femmes sont très largement exclues des lieux de pouvoir ou privées de son exercice effectif dans toutes les structures de la vie économique, politique et sociale y compris dans les structures qui se fixent comme objectif de changer la société : partis politiques, syndicats et associations ; il en résulte de profonds déséquilibres.
Les difficultés d’accès aux responsabilités sont innombrables : poids des traditions et force des stéréotypes, inégale répartition des tâches dans la sphère domestique et familiale, inégale répartition des temps sociaux, ségrégation des métiers et des formations, inégal accès au savoir .La démocratisation des institutions, l’amélioration en profondeur des conditions de vie et de travail des femmes, le recul de la précarité constituent des préalables nécessaires à une véritable participation des femmes à la vie publique.
Aujourd’hui, les femmes qui se sont libérées du mythe de Pénélope doivent démontrer qu’elles sont des gagnantes super organisées et efficaces et capables surtout de concilier vie professionnelle, vie publique et vie privée. Ce succès a un revers immédiat celui de considérer les femmes des milieux populaires, confrontées à des conditions de travail pénibles et qui n’ont pas les moyens de se faire aider, comme inadaptées à la modernité ; il contribue à discréditer toute forme de lutte collective pourtant nécessaire pour modifier la condition de toutes les femmes. Par ailleurs, tout se passe comme si le choix de l’investissement public se faisait pour les femmes inévitablement au détriment de la sphère privée : derrière l’accès aux responsabilités se profile presque toujours la culpabilité.
Nous récusons toutes les justifications de l’absence de femmes dans les lieux de décision au nom d’une soi-disant « identité féminine » caractérisée par l’absence de goût, voire l’inaptitude au pouvoir. Au lieu de s’égarer dans la recherche des essences abstraites, il est urgent de définir un projet d’émancipation pour la société toute entière en luttant pour l’égalité réelle entre les individus des deux sexes : la lutte contre la domination de sexe n’a de sens que dans le cadre d’un projet global de remise en cause de toutes les formes d’exploitation.
Que proposons nous ?
Une Europe sociale ne peut qu’être une Europe dont la constitution prend en compte les inégalités afin de les abolir.
Le projet ultra-libéral de Constitution européenne repose sur des rapports de domination patriarcale .L’égalité homme femme y figure comme un « objectif » mais non plus comme l’une des valeurs de l’Europe .S’ opposer à ce projet est l’un de nos axes d’action.
En 1995, l’Union Européenne a promulgué des recommandations sur la participation équilibrée des hommes et des femmes aux prises de décision, aujourd’hui l’avenir de l’Europe se débat dans le silence et l’invisibilité des femmes.
Nous demandons que les textes sur l’égalité hommes femmes deviennent des impératifs appelant des lois contraignantes au niveau européen.
Nous demandons que les associations féminines et féministes qui ont actuellement un statut consultatif au niveau des institutions européennes soient reconnues comme de véritables partenaires sociétaux au même titre que les syndicats sont reconnus comme partenaires sociaux.
Les acquis des femmes dans le domaine du pouvoir politique sont récents et menacés en permanence. Nous exigeons l’exercice effectif de la parité dans les pays qui ont une loi et nous revendiquons la parité dans toutes les instances européennes dont les membres sont nommés, que ces structures soient consultatives ou décisionnelles.
Malgré l’investissement croissant des femmes dans la sphère publique, le modèle social traditionnel continue de faire reposer sur les femmes et sur elles seulement le poids des tâches domestiques et familiales .Aussi la question de l’égalité, celle du pouvoir réfèrent elles à celle de l’articulation entre la vie privée et la vie publique. Nous demandons que soient pris en charge au niveau social les moyens matériels et les dispositifs permettant aux femmes d’assumer leurs responsabilités. C’est une condition nécessaire pour l’accès aux postes de décision des femmes de toutes les catégories sociales , pour échapper à l’élitisme féminin.
Il faut traiter ce qui fait matériellement obstacle et lutter contre les stéréotypes dont l’un des plus forts est l’idée d’une antinomie entre femme et pouvoir. L’intériorisation par les femmes elles mêmes de ces stéréotypes les conduit le plus souvent à adapter en conséquence leurs ambitions scolaires et professionnelles. La tolérance sociale sur l’inégale situation des femmes conduit à la permanence de ce phénomène et au silence qui l’entoure. Il faut donc bousculer les normes qui se transmettent dès l’enfance en commençant par l’éducation des filles et des garçons notamment au sein de l’institution scolaire, montrer aux filles des modèles d’investissement possibles, préparer les filles à jouer un rôle actif dans toutes les sphères de la société. Nous demandons les moyens politiques pour agir sur le processus continuel de construction du genre (formation des éducateurs et des enseignants, éducation civique, contenus éducatifs, manuels scolaires….).