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Assemblée européenne pour les droits des femmes

Atelier Violences

lundi 10 novembre 2003, par Dominique Foufelle

Nous voulons saisir l’opportunité offerte par le FSE pour renforcer les réseaux spécialisés déjà existants, impliquer les acteurs des mouvements sociaux dans les luttes contre les violences faîtes aux femmes et avoir une action coordonnée plus offensive au niveau européen.

Depuis plus de trente années, souvent seules, les associations féministes, par leurs luttes, ont contribué à rendre visible et inacceptable les violences faites aux femmes. Il s’agit aujourd’hui d’élargir le nombre de personnes concernées. Maintenant, nous ne pouvons plus tolérer des luttes pour un monde meilleur sans implication de ces mouvements sociaux contre les violences faîtes aux femmes. Les sociétés alternatives que nous voulons construire n’auront aucune légitimité démocratique si subsistent en leur sein des systèmes d’oppression tels que le patriarcat qui s’adosse sur les violences à l’encontre des femmes. Nous voulons organiser ensemble des campagnes d’envergure au niveau européen.
Malgré un ensemble d’améliorations apportées ces dernières années dans certains pays, notamment par l’adoption d’un arsenal législatif les sanctionnant, les violences à l’encontre des femmes restent la violation des droits humains la plus répandue dans le monde. Ces violences s’exercent tout au long de leur vie, dans la famille, dans l’espace public et au travail : infanticide de petites filles et sous alimentation sélective, mutilations sexuelles, sévices sexuels contre les fillettes, violence liée à la dot, mariages forcés, violence dans le couple, agression sexuelle, viols, harcèlement sexuel, agressions liées au lesbianisme, traite des femmes, système prostitutionnel, mais aussi image dégradante de la publicité, violences dans le langage quotidien.
Selon diverses estimations recueillies par des institutions européennes telles que le Conseil de l’Europe ou la Commission Européenne, 20 à 50 % des femmes en Europe ont été victimes de violences masculines. Il reste encore beaucoup à faire pour rendre compte de l’ampleur du phénomène, pour rendre visible ce qui est invisible.
Nos société occidentales continuent d’avoir un double discours au sujet de ces violences : réprobation sociale d’une part, mais aussi légitimation de la publicité sexiste au nom de la liberté d’expression, indulgence de la justice à l’encontre des auteurs de violences, mise en doute de la parole des victimes, etc.
Cette situation favorise les attaques contre les droits des femmes qui s’amplifient dans tous les pays d’Europe. Les ex-pays de l’Est voient souvent leurs acquis disparaître : le droit à l’avortement par exemple en Bulgarie. Les volontés de retours en arrière se multiplient.
La réalité des viols et agressions sexuelles incestueuses est partout remise en cause par le biais de la propagation de pseudo théories psychologiques. Par exemple est répandue l’idée que les enfants seraient en but à des "faux souvenirs" donnant lieu à de "fausses allégations". Leurs mères sont menacées de prison. Des "théoriciens" patentés se déplacent d’un pays à l’autre pour véhiculer ce discours. Des associations de pères font du lobbying auprès des pouvoirs publics pour faire modifier les législations du divorce. Ils prônent la "garde alternée" des enfants, même dans les cas ou le père est auteur de violences.

En dénonçant les violences envers les femmes, les associations de femmes, les féministes ne visent pas à victimiser les femmes, mais au contraire à leur permettre individuellement et collectivement d’être actrices de changement dans les relations entre les femmes et les hommes.
Cette violence trouve son origine dans la domination masculine qui marque les rapports sociaux de sexe, dans les discriminations qu’elle contribue à renforcer tant au sein de la société que de la famille. Cette violence constitue encore une norme profondément ancrée dans les cultures et les mentalités, norme qui dénie aux femmes l’égalité des droits avec les hommes.
Malgré l’apparente volonté d’agir des Etats, force est de constater que les lois ne sont que très imparfaitement appliquées et ce, quelle que soit l’organisation des services et des procédures judiciaires.
Nous considérons que les Etats sont responsables de la non application des lois contre les violences faites aux femmes et de la non application des conventions internationales pour l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’encontre des femmes.

Programme de l’atelier

Concernant l’atelier " Violences " qui aura lieu dans le cadre de l’Assemblée Européenne des Droits des Femmes, le groupe de travail propose d’échanger nos informations, nos expériences autour de :

- L’ampleur du problème

- Les luttes, et les réponses aux attaques

- les avancées au niveau des législations et des moyens

- Nos revendications fortes.

Nous avons retenu trois questions à approfondir davantage du point de vue du bilan et des résistances :
1. Les violences dans le couple, la violence envers les femmes la plus répandue.
2. La résistance des jeunes femmes et la prévention des comportements sexistes dans les relations garçons/filles, une question d’actualité.
3. Le système prostitutionnel, une question qui fait débat en Europe.

Au niveau revendicatif, nous avons retenu les propositions suivantes :

- les législations positives doivent être élargies à l’ensemble des pays d’Europe,

- les Etats seront tenus pour responsables des conséquences de la non application des lois,

- il faut donner les moyens aux institutions, aux services, aux associations qui luttent contre les violences faites aux femmes ainsi qu’à celles qui viennent en aide aux victimes.

Campagne proposée :
A l’occasion du 25 novembre, journée internationale contre les violences faites aux femmes, nous pourrions avoir sur les thèmes ci-dessus, s’ils sont retenus, des actions coordonnées et diverses ce jour-là dans les pays européens. Cela pourrait démarrer en 2004. Nous invitons toutes les organisations sociales à s’unir dans ce but.

Les violences dans le couple


La persistance archaïque des violences conjugales, dans le huis-clos des familles, reste encore un sujet tabou. Bien que ces dernières soient sorties de l’ombre grâce à l’action des mouvements féministes qui se sont mobilisés à travers l’Europe depuis une trentaine d’années.
Ces violences au sein du couple, qu’elles soient physiques, psychologiques, sexuelles ou économiques, touchent à l’intégrité et aux droits fondamentaux de la personne humaine et constituent par ailleurs un problème de santé publique.
Selon les pays et les enquêtes réalisées par ces derniers, 6 à 15 % de la population féminine adulte serait touchée chaque année, au cours de leur vie, 25 % des femmes seraient victimes de la violence d’un partenaire ou ancien partenaire masculin et cela dans toutes les classes sociales.
Malgré l’adoption d’une recommandation en avril 2002 par le Conseil de l’Europe, les sociétés européennes d’aujourd’hui ont encore une attitude complaisante envers les auteurs. C’est encore trop souvent aux victimes de trouver des solutions, de se déplacer ou de se défendre.

Nous constatons, que :
… Les textes législatifs et les pratiques judiciaires varient d’un pays à l’autre, " délit aggravé " pour certains, " crime passionnel " pour d’autres, quels que soient les textes, en matière d’application, les peines prononcées restent légères, au regard des faits. La qualité d’ex-conjoint ou ex-concubin reste dans certains pays hors du champ des circonstances aggravantes, alors que le moment de la séparation ou post-divorce est une période sensible pendant laquelle se produisent en particulier les meurtres.
… Peu de pays disposent de statistiques sexuées, notamment dans le domaine de l’action de la police et judiciaire,
… Dans le cadre du traitement des auteurs de violence, certains pays préconisent des mesures d’éloignement et de contrôle judiciaire.
… Le coût social de la violence conjugale est rarement mesuré. … Les conséquences de ces violences sur les enfants sont insuffisamment reconnues. La continuation des violences, des harcèlements et des menaces sur la mère, à l’occasion d’un droit de visite et/ou d’exercice d’autorité parentale, sont peu pris en compte par les sociétés européennes.

Nous revendiquons :
Des statistiques sexuées, des enquêtes régulières permettant de mesurer les évolutions, une reconnaissance et une protection des victimes et leurs enfants, l’accroissement des moyens donnés aux associations spécialisées, une amélioration des lois et leur application, la suppression des mesures discriminatoires pour les victimes issues de l’immigration, la création de commission nationale ou décentralisées en vue d’améliorer les partenariats, la généralisation d’actions de prévention aux violences sexistes auprès des enfants et des jeunes.

La résistance des jeunes femmes et la prévention des comportements sexistes dans les relations garçons/filles


Les jeunes femmes sont en première ligne du " back-lash ". Leur droit à l’espace public, conquis au cours des décennies précédentes, notamment par leur accès aux études, est peu à peu remis en question. S’habiller comme elles le souhaitent, sortir à l’heure choisie et avec qui elles veulent, peut devenir de véritables gageures. Si les jeunes filles des milieux populaires sont les premières victimes de ce retour en arrière, le droit à la rue est grignoté aussi pour les autres : les réflexions permanentes, la drague appuyée, les commentaires acerbes ou carrément les insultes sont autant de manière de signifier que la rue n’est pas un espace pour elles.
Un véritable contrôle social s’exerce sur de nombreuses jeunes filles, réalisé non seulement par les pères ou les frères mais aussi les amis et voisins de ceux-ci. Si elles dérogent aux règles fixées par les hommes, elles encourent des sanctions qui vont des insultes aux coups, voire à l’agression sexuelle et au viol. L’une des manifestations extrêmes de cette appropriation de la sexualité des jeunes femmes est le mariage forcé qui tendrait à augmenter dans certaines communautés.
Dans ce contexte, la situation des lesbiennes est préoccupante dans de nombreux pays. Il leur est très difficile de se construire face à une norme hétérosexuelle omniprésente. Les jeunes filles, sous le poids de la pression sociale ont beaucoup de difficulté à se définir homosexuelles pendant l’adolescence et même entre 20 et 30 ans. Ceci génère blocages scolaires, psychologiques. Le désespoir ressenti peut même mener au suicide : un rapport Daphné européen révèle que parmi les jeunes lesbiennes interrogées, 61% ont eu des pulsions suicidaires et 22 % sont passées à l’acte). En France, une étude révèle des conséquences similaires dues au rejet lesbophobe.

Face à cette situation, elles commencent à organiser leur résistance. Que faire ?
- Réaliser une véritable information sexuelle dans le cadre scolaire qui prendrait en compte toutes les sexualités. Ne pas limiter l’éducation à la sexualité aux seuls aspects biologiques mais prendre en compte les dimensions affectives. Insister sur le respect de l’autre par des actions de prévention des comportements sexistes.
- Intégrer dans les formations des enseignants et de toutes personnes en contact avec les jeunes des modules de sensibilisation vis à vis des comportements sexistes et lesbophobes.

- Organiser des campagnes nationales d’information qui s’adressent à tous les publics. Le droit à une sexualité librement choisie ne doit pas être porté par les seules associations féministes, l’ensemble du mouvement social, syndicats et parti politiques doivent aussi s’en saisir.

- Créer des structures d’appui pour les jeunes femmes victimes de violences, et des structures d’hébergement pour celles qui sont en rupture familiale. Former les personnels policiers, médicaux et sociaux sur ces questions

Le système prostitutionnel


Le corps humain n’est pas une marchandise !

Après la drogue et les armes, la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle, des femmes et des enfants en particulier, constitue la troisième source de profit pour le crime organisé international, avec un chiffre d’affaires annuel qui s’élève à plusieurs milliards de dollars. Dans l’Union Européenne 500 000 femmes, originaires des pays d’Europe de l’Est et d’Afrique sont victimes de la traite. Les femmes sont recrutées sous de faux prétextes, puis kidnappées, séquestrées par les réseaux de proxénétisme.
Les politiques mises en place face à la traite visent plus à poursuivre les victimes, pour trouble à l’ordre public ou immigration clandestine, qu’à reconnaître leur statut de victimes et à les protéger.
La situation prostitutionnelle est par définition contraire à ce que les femmes revendiquent : le droit à une sexualité libre et choisie construite sur le désir partagé.

Les approches sont très différentes d’un pays à l’autre. Nous proposons de débattre autour de la situation des prostituées, du rôle et de la responsabilité des clients et des proxénètes.
Une application par les Etats des Conventions internationales sur le proxénétisme affaiblirait considérablement le système prostitutionnel.

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