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Un toit et de l’eau

lundi 31 mars 2003, par Dominique Foufelle

Le Réseau des femmes habitantes du Niger conjugue soutien à la création d’alternatives économiques et lutte politique contre les privatisations. Il y a urgence, car déjà la misère a précipité la jeunesse du pays dans l’errance.

Ibo Foureratou représentait au 3è Forum social mondial le Réseau des femmes habitantes du Niger, qui fait lui-même partie du réseau HIC (Habitat International Coalition), et est soutenu au plan national par le Mouvement nigérien pour la défense des droits de l’homme et des peuples – animé par une femme, précise-t-elle. Pour réaliser son objectif, l’amélioration de la condition des femmes les plus démunies, le Réseau a choisi la voie de l’économie solidaire. Après un an d’existence, il a déjà permis à quatre groupes de femmes de créer leur activité économique : embouche (élevage de bœufs en prés), jardinage ou petit commerce. Il s’adresse, dans un premier temps, aux femmes des zones rurales. Il a obtenu le soutien de l’ONG suisse Pain pour le monde, qui a confié la gestion des crédits accordés à un cabinet d’économistes nigérien-nes. Le Réseau aide au montage des projets ; le cabinet les traite, et une femme y anime des formations. Seule garantie demandée pour l’attribution d’un micro crédit, le parrainage par le Réseau ; la caution est solidaire.

Une jeunesse à la dérive


Cette option pragmatique n’exclut pas le combat politique, contre la privatisation des services publics, pour l’accès des femmes à la terre et au logement. En février 2001, avec la Coordination démocratique de la société civile dont elle est vice-présidente, Ibo Foureratou a participé au mouvement populaire contre la privatisation de l’eau et des services de l’université. " Après des déclarations du gouvernement restées sans effet, on a opté pour la rue ", raconte-t-elle. Six mois de manifestations quasi quotidiennes, qui ont abouti à la libération des responsables étudiants emprisonnés, mais non au règlement de la question des privatisations, toujours en suspens. Pour l’heure, la Coordination a délaissé la rue et élabore d’autres stratégies.
Le problème de l’habitat se pose de façon récurrente au Niger, avec l’exode rural saisonnier, chaque année pendant la " période de soudure ". A la saison sèche, d’octobre à juin, nulle culture n’est possible dans le pays. Les ruraux affluent vers Niamey, et y occupent anarchiquement les espaces vides ; ainsi se créent des bidonvilles dans la ville et à sa périphérie. Une fois installés, ils refusent d’abandonner le terrain. " Et ils ont raison ! ", affirme Ibo Foureratou. La solution, pour elle, c’est la transformation de ces bidonvilles en habitats sains. Elle cite en exemple un conflit opposant en 1999 les propriétaires de terrains et leurs occupants. L’Etat s’est interposé en médiateur ; il a viabilisé l’espace et a fini par imposer la vente à crédit de lots aux occupants. " Ils ont eu des échéances sur 5 ans pour rembourser l’achat, certains n’y arriveront pas, c’est certain. Mais ils ont pu construire et rester dans des conditions décentes, explique Ibo Foureratou. Le conflit continue, mais cette fois entre les propriétaires et la municipalité. "
Les principales victimes des conditions de vie misérables dans les bidonvilles sont les enfants. " C’est la rue qui les éduque ", résume Ibo Foureratou. Avec les conséquences que l’on sait : drogue, exploitation sexuelle, sida, délinquance… " Même quand on aide leurs parents à créer une activité économique dans leur village, ces enfants sont tellement habitués à la rue qu’ils ont du mal à y rester. Beaucoup fuguent et retournent à la ville. Leur intégration sociale s’inscrit dans une longue démarche car ils sont très atteints. " Ibo Foureratou déplore la non-adéquation de la politique sociale du gouvernement : " Le peuple est consulté quand les projets sont déjà prêts, alors que les propositions devraient venir de la base. L’Etat nigérien n’a pas les moyens de mener une politique efficace pour la jeunesse, mais il doit quand même se donner cette priorité. " Et pour qu’il le puisse, précise-t-elle, pour que le pays ait une chance de se redresser, il faut impérativement que sa dette soit annulée sans conditions.

P.-S.

Dominique Foufelle - mars 2003

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