Selon le discours officiel, le Plan Puebla Panama aurait pour but d’élever le niveau social et économique de la région en mettant en place des plans et des stratégies conjointes de développement au sud-est du Mexique et aux pays d’Amérique Centrale. Il s’agirait par ailleurs d’une modernisation des infrastructures à travers différents projets de rénovation de routes, des ports et aéroports, de l’électrification de cette région, de la construction de gazoducs et d’oléoducs, de l’amélioration des moyens de télécommunications, tout en respectant l’environnement et les différentes communautés vivant sur ces terres…
Cependant ces projets de rénovation et de modernisation ne vont pas être délivrés aux entreprises locales qui n’ont pas assez de moyens pour prendre en charge de tels projets, mais plutôt à des sociétés transnationales et multinationales. Ces grandes sociétés seront d’ailleurs aidées par les institutions financières mondiales comme la Banque Mondiale ou le FMI qui ont répondu favorablement au projet et ont décidé d’accorder un prêt pour le démarrage du PPP. En fait, la logique première de ce plan de développement est une logique néolibérale et d’une ouverture pour intégrer cette zone comme une région de libre échange commercial à l’instar de son voisin, l’ALENA.
Par ici, la bonne terre !
Cette zone, riche de sa position géographique et de la composition de ses sous-sols, représente une véritable mine d’or pour ces sociétés transnationales et multinationales. Du fait de sa variété topographique et sa diversité climatique, la qualité des terres est excellente pour ses ressources naturelles comme les forêts, l’eau, et les cultures qu’elle permet… Pour cette raison, cette zone est la deuxième région d’Amérique du sud en termes de biodiversité, après l’Amazonie. A cela, il faut ajouter une grande richesse énergétique (pétrole, gaz et hydro). Dans le cas du Mexique par exemple, les 5 états concernés par le PPP représentent 90% de la production nationale de pétrole. Le Chiapas est producteur de 90% du gaz national. Enfin, cette région est aussi une zone géostratégique importante autant dans le domaine commercial que militaire. En effet, par son étroitesse géographique, elle est une connexion idéale entre les océans Pacifique et Atlantique. Or on sait que la voie la moins chère de transporter des marchandises est la voie maritime. Ceci permettrait de mettre en place des échanges commerciaux maritimes très lucratifs. Pour ce qui est du point de vue militaire, cette région représente une base idéale pour contrôler les deux océans. Vu les avantages que constitue cette zone, on comprend bien pourquoi les Etats-Unis appuient ce projet, Georges "W" Bush allant même jusqu’à évoquer un projet de Plan Floride Panama.
Les Etats-Unis voient en ce projet une véritable opportunité d’étendre leur marché et leur influence vers l’Amérique Centrale voire L’Amérique Latine. Les entreprises transnationales ou multinationales, dont la plupart siège aux Etats-Unis, auront non seulement accès à une main d’œuvre peu coûteuse mais aussi à des ressources énergétiques abondantes à proximité. L’étroitesse de cette zone facilitera les échanges commerciaux maritimes et permettra un faible coût de transport. Mais il y a aussi un avantage politique dans le contrôle de cette région. L’Amérique Centrale est le principal foyer d’immigrants clandestins vers les Etats-unis. En implantant des entreprises à faible coût dans leur pays, le flux de migration tendra à baisser. D’autre part, le contrôle de cette zone permettra de faire face plus efficacement au narcotrafic qui a des conséquences économiques et sociales néfastes aux Etats-Unis. Enfin, la pénétration des Etats-Unis et de leur influence politique permettrait d’affaiblir jusqu’à faire disparaître les résistances des guerilleros comme l’armée zapatiste, l’EZLN.
Et la main d’œuvre pas cher !
Les conséquences sociales de ce plan seraient désastreuses. Et les femmes ne seront pas épargnées. S’il se réalise, c’est autant dans leur travail que dans leur place dans la société qu’elles seront touchées. La plupart d’entre elles travaillent dans le milieu rural, surtout les femmes indigènes, les plus touchées. En effet la privatisation des terres impliquera l’expulsion des indigènes de leur terres d’où la perte de l’unité de base de production de la communauté et donc son appauvrissement. Cette privatisation va aussi entraîner la ruine des petits propriétaires. L’introduction des nouveaux moyens de production agricoles va diminuer la demande en main d’œuvre, d’où une augmentation de la pauvreté. Cela va obliger de nombreux paysans à migrer dans l’espoir d’un nouveau travail. La majorité des personnes qui migrent sont des hommes : les femmes auront dès lors la charge du travail restant.
Les femmes auront aussi la charge du foyer en attendant l’argent envoyé par leur mari. Mais les ajustements structurels qu’impliquera le PPP réduiront les prêts consacrés aux politiques sociales. Ce qui va évidemment augmenter les différences sociales dans les sociétés du sud-est du Mexique et des pays d’Amérique Centrale et entraver les droits sociaux comme le droit de se syndiquer, le nombre d’heures légales de travail au profit des exigences des entreprises.
Le PPP ne peut pas engendrer un développement durable dans cette zone. Les entreprises transnationales et multinationales n’amèneront pas de plus-value dans les pays concernés par le PPP. Il s’agira en fait d’étendre le modèle des "maquiladoras", c’est-à-dire des grandes entreprises où les règlementations sociales ne sont pas respectées et où la main d’œuvre revient à faible coût. Il y a peu d’émancipation envisageable dans ces conditions pour cette population.
Mais des alternatives à ce projet s’amorcent. L’organisation "Alliance for a Responsible Trade" propose un projet de développement basé sur une participation démocratique durant le processus de négociation, chaque groupe de population devant avoir la possibilité d’être entendu.