Lisez plutôt :
P. 3 : l’éditorial de Jean Daniel, "Nous autres, pères"
Pour Jean Daniel, l’enfant, c’est forcément le fils. Le fils, enfant du père. Il se réfère aux religions monothéistes et affirme que c’est le père qui transmet au fils :"ce que le fils veut espérer et ce que le père peut encore donner". Des filles, des femmes, des mères, il n’est jamais question. Le masculin est universel.
JD fait ensuite une digression tout à fait significative ; il évoque la question du vote des femmes dans un canton suisse qui, au début des années 90, ne l’avait toujours pas accordé. Il cite une femme suisse qui à l’époque affirmait que le droit de vote aux femmes n’était pas une nécessité :"Pour moi, il n’y a pas des individus qui votent. Il y a des groupes familiaux qui se prononcent. (...) Le père chez nous n’est qu’un agent de liaison avec l’extérieur et en l’occurrence un facteur"... Sauf que c’est lui seul qui avait le droit de vote et qu’il faisait bien ce qu’il voulait dans l’isoloir... Et puis, qu’est-ce que cette digression de JD est censée démontrer ? On n’ose comprendre.
JD conclut son éditorial en évoquant son père (un vieux patriarche) : une figure autoritariste, silencieuse, fruste et sans la moindre marque d’affection envers ses enfants ; un personnage aux coups de gueule et aux accès de violence mémorables, dont Jean Daniel dit se souvenir ainsi : "nous avions peur, mais nous étions à la fois impressionnés et rassurés par cette tonitruance, par cette présence de la force puisée dans l’intensité de tout un héritage". De l’art de décrire un homme violent sous un jour flatteur.
P. 12 : Les "Promise Keepers"
Interview avec Barbara Ehrenreich.
Titre de l’article, "la révolte des daddies".
Sous-titre : "C’est dans les années 50 qu’un mouvement de rébellion des pères s’est fait jour aux Etats-Unis. Réduits à la prosaïque condition de père économique, les daddies revendiquent aujourd’hui le droit à une exitence moins laborieuse et plus hédoniste".
Une manière très édulcorée de décrire la naissance des groupes de pères divorcés aux Etats-Unis, dans les années 50 : des pères qui refusaient de payer les pensions alimentaires.
Pourquoi le Nouvel Obs les appelle-t-il les "daddies" ? Mystère. Ça fait plus américain, sans doute.
L’interview retrace simplement l’histoire de la révolution des mœurs au 20e siècle. Ehrenreich ne porte aucun jugement sur les groupes de pères divorcés refusant toute aide financière à leurs enfants ; elle évoque l’apparition du mouvement des Promise Keepers en 1990 en toute fin d’entretien, et l’explique comme une réponse à la déresponsabilisation des pères. Si bien que ce mouvement chrétien masculin et très réactionnaire n’est pas clairement dénoncé comme tel et apparaîtrait même comme une organisation sympathique.
L’article est émaillé de photos où on voit des hommes (pères) aux gros bras s’empoigner avec vigueur et solidarité.
Les commentaires des photos n’invitent nullement au regard critique sur cette organisation pourtant dénoncée en France en juin 1996 (cf un reportage sur la deuxième chaîne tout à fait édifiant) : "Au sein des grands rassemblements des Promise Keepers (..) organisation chrétienne exclusivement masculine, les témoignages de tendresse et de solidarité ne sont pas absents".
P. 24 : "L’invention du paternage"
Par Jean Le Camus, professeur émérite de psychologie à Toulouse, auteur de ’Le père éducateur du jeune enfant’, et ’le vrai rôle du père’.
Le rôle du père, donc.
"La contribution à la socialisation est l’effet auquel on pense en premier, et c’est bien légitime car le père accompagne l’enfant sur le chemin de l’intégration sociale (acculturation) et de la construction de la personne (subjectivation)".
La mère non ? D’après monsieur Le Camus, non. Pas la mère !!
"Le père fait figure de passeur, d’initiateur aux règles et d’incitateur à l’intégration dans les groupes et les institutions.
Découverte plus surprenante : le père apporte une contributiuon spécifique à la construction du langage et de l’intelligence de l’enfant. Parce qu’il a tendance à utiliser un vocabulaire plus technique que celui de la mère-par exemple, il dire "4x4", "traction avant" ou "grosse cylindrée" plutôt que "voiture"- (...) le père se révèle come un partenaire langagier plus difficile".
C’est vrai que nous autres femmes, sorties des casseroles et des chaussettes sales, de quoi diable pouvons-nous parler ?!!
Sur une classe d’âge il y a pourtant, je crois, plus de filles diplômées que de garçons. Elles doivent donc avoir du vocabulaire, quand même, les femmes...
P. 34 : le "témoignage" d’un père
Le titre : "elle m’accuse d’avoir violé notre fille".
Le témoignage s’ensuit. Très complaisant. Farci d’insinuations et de désinformations.
Je cite l’article :"Faux témoignages, fausses allégations sont monnaie courante pour obtenir la garde de l’enfant. Son ex-femme l’avait d’ailleurs menacé".
Le Nouvel Observateur ignore-t-il que les fausses allégations sont un concept récent, très malhonnête, visant à discréditer la parole des enfants et de ceux qui les protègent ?
Ignore-t-il l’existence d’un rapport de l’institut des hautes études de la sécurité intérieure, appelé "Violences en famille" et rendu public en 1997, qui établit que les ’fausses accusations’ (souvent non-volontaires) représentent une proportion comprise entre 2 et 8 %, les 8% concernant des enfants relativement âgés.
C’est dire que les accusations d’inceste sont vraies dans 92 à 98% des cas. (sans parler des nombreuses études américaines qui prouvent la même chose : voir notamment les articles de Trish Wilson,http://members.aol.com/asherah/dhhs.html, ou le dossier de presse "Mères En Lutte", Lyon, mars 2000 ; voir également Le Livre de la Honte par Laurence Beneux et Serge Garde, p 235 ).
Le Nouvel Observateur ignore-t-il l’enquête que le Collectif Féministe Contre le Viol mène depuis plusieurs années, et qui montre que les accusations d’inceste, pourtant étayées de troublantes preuves, aboutissent presque toujours à un classement sans suite, à un non-lieu ou à un acquittement de l’agresseur. Par contre, toujours selon le CFCV, les mères qui se risquent à ne pas confier un enfant au père parce qu’elles ont de bonnes raisons de le penser coupable d’actes graves, risquent la prison, et y vont dans 1/3 des cas. (Voir dossier :"Agressions sexuelles incestueuses dans un contexte de séparation des parents : dénis de justice ?", CFCV 9 villa d’Este 75013 Paris).
Je cite à nouveau :"Hubert Van Gijseghem, professeur de psychologie à l’Université de Montréal et expert près les tribunaux, fait autorité en matière de recherche concernant les abus sexuels. C’est notamment sur lui que Bernard s’appuiera pour sa défense"
Le Nouvel Obs ignore-t-il qu’Hubert Van Gijseghem développe un discours ambigu, parfois à la limite de la justification de l’inceste et de la pédophilie ? Van Gijzeghem, dans un article intitulé "L’enfant victime de la fausse allégation d’abus sexuel" in revue P.R.I.S.M.E. (1992, volume 3), écrit : "La plupart du temps, l’allégation est le fait d’une mère frappée par la détresse de son enfant, qu’elle interprète comme étant l’effet de gestes abusifs de la part de l’ex-conjoint(...) Etant donné la grande suggestibilité de l’enfant, particulièrement l’enfant du divorce, l’abus qui n’existait pas prend forme peu à peu au fil des interrogatoires". Van Gijzeghem n’indique pas à quel moment l’appel au secours d’un enfant doit être pris au sérieux. Jamais sans doute ?
Je cite encore : "La garde alternée, la résidence paritaire, etc. sont des mesures acceptables qui peuvent être prises au nom de l’enfant- si l’on considère que celui-ci a plus besoin de ses deux parents que d’une seule école"
Pourquoi le Nouvel Obs va-t-il au-delà de ce que prescrit la loi de 2002 relative à l’autorité parentale, qui a la décence de défendre le droit de l’enfant à une scolarité stable ? Comment un enfant peut-il avoir DEUX écoles ?
P. 50 : "En finir avec les parents sous X"
Par Dominique Youf, philosophe.
L’auteur dénonce le système de filiation volontaire, c’est-à-dire la reconnaissance de l’enfant laissée à la discrétion des parents, notamment le père, mais aussi la mère, si elle accouche sous X.
Voici ce qu’il écrit :"La filiation volontaire donne (..) à la femme le pouvoir de priver son enfant de père en cachant à ce dernier sa grossesse, en d’autres termes, de faire un enfant sans père. Si une telle conception de la filiation affirme un droit à l’enfant, elle se fonde en réalité sur la négation des droits de l’enfant. (...)C’est pourquoi la Convention Internationale des Droits de l’Enfant a changé la donne, en stipulant, dans son article 7, que l’enfant a le droit de connaître ses deux parents et d’être élevé par eux".
Remarque : la Déclaration des Droits de l’Enfant stipule aussi que l’enfant a droit à la vie. Quand est-ce qu’on nous interdira d’avorter ?
D’une manière générale, j’ai noté que Nouvel Observateur cite en référence des données statistiques, des idées, émanant de l’association Sos Papa, aux dérapages verbaux et à l’antiféminisme assez ahurissants (voir leur site, leurs e-letters, etc.).
J’évoquerai pour finir les photographies qui ilustrent ce magazine. Des pères branchés, jeunes, mignons, vêtements décontractés, barbe de deux jours, l’air révolté, l’œil bleu (cf. couverture du magazine, p. 65).... Des enfants qui sont la plupart du temps des filles, aux poses langoureuses (p. 65, p. 51), aux expressions déjà adultes… des "petites femmes", aux bras de leurs pères, la bouche trop rose, fardée (déjà..), les bras amoureusement enlacés autour du cou du papa-ado (couverture)...des petits enfants parfois très dévêtus (p.31).... Des photos qui gênent et à mon sens évoquent bien autre chose que l’amour filial.
A voir. A lire. A dénoncer.