Mettre en place un dispositif qui fasse la démonstration de la nécessité et de la possibilité d’une communication populaire, tel est l’objet de cette opération. Il s’agit de faire avancer ou animer les débats qui traversent les mouvements sociaux, en concordance avec la demande sociale, partout dans le monde, de façon très concrète et pragmatique. Pour cela il s’agit de mettre en relation synchronisée et simultanée des lieux de débats et de faire la démonstration que ce dispositif est simple, peu coûteux, facilement appropriable, réplicable à tout moment et donc totalement autonome. Ce dispositif permettra de fait la création de dynamiques croisées entre quartiers, réseaux, acteurs, sans intermédiaire identifié.
Une initiative déjà éprouvée
Le 7 mars 2000 à 17 h, heure locale, à Montreuil (93), Les Pénélopes organisaient un débat croisé via le Net, entre les Montreuillois-es présents dans la Salle des fêtes mais aussi des Norvégiennes, Espagnoles, Italiennes, Allemandes, Anglaises, Russes et Américaines... Petit retour dans le temps. Rendez-vous était pris depuis deux mois. Puis, dans les différentes villes, des groupes de femmes et les populations des quartiers se sont connectés à Internet et se sont trouvés. Le public de Montreuil, curieux, ne s’attendait pas à telle aventure. Comment tous ces gens, et en particulier les femmes, allaient pouvoir discuter de leur vie quotidienne, du travail, à plus de 1 000 km de distance, instantanément et ensemble et ce, malgré la barrière des langues ? Tour de passe-passe ou utilisation des technologies de la communication pour mieux se connaître, établir des passerelles, tisser du lien ? Eh bien, opération réussie, dans une immense joie collective. Les Berlinoises ont épaté tout le monde avec leur pépinière d’entreprises, regroupant plus de 200 femmes, installées dans un même building, gérant leurs affaires qui couvrent plusieurs domaines d’activités. Les Espagnoles ont impressionné avec leur façon de se connecter. Occupant un squatt, elles rejoignent la toile, en détournant des branchements électriques sur les réverbères de leur rue, c’est-à-dire uniquement la nuit tombée ! Une quête a été alors spontanément organisée à la Salle des fêtes de Montreuil pour les aider. Les Russes ont expliqué leur difficulté à se connecter au réseau (très peu d’accès) mais surtout, les problèmes plus généraux auxquels les femmes sont confrontées. Les Anglaises ont découvert avec étonnement l’enthousiasme général. En effet, chez elles, comme chez les Scandinaves, l’accès à Internet est gratuit. Cela ne leur évite pas d’être, comme en France, plus au chômage, d’occuper des emplois précaires et d’être victimes de la pauvreté. A la plus grande surprise de tous, même les Américaines ont partagé cet engouement pour la rencontre virtuelle. Banalisé, ce média ne leur donne plus accès à des échanges. Cette échange via le Net les a réjouies car il leur a ouvert un nouvel espace de discussion !
Dispositif opérationnel
Retour au présent. Pour relancer un processus similaire, très concrètement, une vingtaine de villes ou régions doivent être identifiées, en particulier en Europe comme St-Denis, Evry, Lille, Pays Basque et peut-être Barcelone, Bruxelles, Rome, Berlin, Belgrade, Vienne, Moscou... Il est également envisagé, si possible, des connexions avec l’Afrique, en particulier le Maghreb (Maroc) et l’Afrique de l’Ouest (Sénégal), l’Amérique latine, en particulier Buenos Aires (Argentine), Porto Alegre (Brésil) et le Mexique, et l’Amérique du Nord, en particulier Montréal.
Dans chaque ville, une salle accueillera des habitants (pas nécessairement plus de cent) à une heure et date convenues à l’avance pour discuter d’un thème commun et unique, également collectivement convenu à l’avance. Ces thèmes peuvent être aussi variés que : exclusion et démocratie participative, désengagement de l’Etat et richesse du tissu associatif... ils doivent rester suffisamment larges pour intégrer le maximum d’acteurs et de mouvements (jeunes, femmes, sans, syndicats...).
Dans cette salle, hormis des chaises pour que les personnes puissent s’asseoir, il faut prévoir un ordinateur connecté à Internet équipé d’un logiciel de Chat ou de mail et éventuellement d’une Webcam, et, de préférence, un rétroprojecteur avec écran connecté à la machine, pour que les personnes puissent voir le débat inter-ville en ligne.
Dans chaque salle, un-e animateur-trice - par ailleurs, organisateur-trice de la soirée et donc en lien avec quelques réseaux ou populations de quartiers - assure le relais entre le débat et questions de la salle et le débat en ligne avec les autres villes. Il s’agit d’assurer des aller-retour entre les différents débats. Pour cela, il ou elle envoie les éléments du débat local sur le chat, et tout est visible sur l’écran, ainsi que les commentaires qui viennent des autres villes.
Pour des questions de langues, il faut prévoir dans chaque salle des personnes ressources pour pouvoir traduire ce qui s’échange (de préférence trois langues : anglais, espagnol, français).
Pour des raisons de décalage horaire, il faut prévoir les débats vers 18h heure française, pour qu’à Moscou ça démarre à 22h et à Porto Alegre ou Buenos Aires à 14h.
Pourquoi réaliser la première opération pendant le FSMIII ?
Du 23 au 28 janvier 2003, se tient à Porto Alegre, au Brésil, le troisième Forum social mondial (Fsm). Pour organiser le pendant de l’institutionnalisation nécessaire mais contraignante de ces nouveaux lieux d’expression des mouvements sociaux, l’Apress a décidé d’organiser en parallèle une opération "débats croisés" qui renoue avec les pratiques d’une communication populaire. Le FSMIII ne devient alors qu’un prétexte pour illustrer la nécessité de répondre à une demande sociale, au plus près des espaces de vie des populations, au plus proche de leurs préoccupations, tout en croisant ces expressions multiples dans une perspective internationale.
Cette opération répond donc au moins à deux objectifs :
offrir la possibilité à tous ceux qui ne participent pas au FSM de créer leur propre espace de débat et de le communiquer au FSM
offrir un espace de dialogue entre acteurs de terrain et populations
désamorcer la tendance institutionnelle des forums sociaux mondiaux et continentaux
Il s’agit donc de faire côtoyer des formes d’expression représentatives et participatives. Une autre façon de penser la démocratie, en somme.
A Porto Alegre, le dispositif décrit ci-dessus sera donc opérationnel et pris en charge par un membre de l’Apress. Le débat y accueillera des participants au FSM mais aussi des habitants de la ville. Pour des raisons d’agenda, il faudrait prévoir que ce débat ait lieu le lundi 27 janvier 2003.
Contact : Apress, 21 ter rue Voltaire - 75011 Paris - 33 1 43 73 34 80 - info@mediasol.org