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Pour la reconnaissance légale de l’homo/lesboparentalité

jeudi 26 décembre 2002, par Dominique Foufelle

Pour que cessent les discriminations homo/lesbophobes, la reconnaissance légale de l’homo/lesboparentalité s’impose avec la mise en question des préjugés que celle-ci inspire.

L’homo/lesboparentalité ne menace pas " l’ordre symbolique ", elle en marque les limites
"L’ordre symbolique" qui fonde la parentalité sur la différence des sexes et des générations, est un concept construit par des psychanalystes (dont Lacan), des anthropologues (dont C.Lévi-Strauss) et autres penseurs. Ce concept n’a pas de valeur absolue : s’il rend compte de la structure la plus courante dans les familles humaines, à savoir la trinité père-mère-enfant, il existe de nombreuses variantes et exceptions à ce schéma qui prouvent que "la vérité biologique de l’engendrement" et "la filiation" ne se superposent pas nécessairement. Dans la société des Nuers au Soudan, une femme stérile peut légalement épouser une autre femme qui lui donnera des enfants conçus par ailleurs [1].
D’autre part, le fait pour un enfant d’être élevé par deux femmes ou par deux hommes, n’implique pas plus le déni de sa conception hétérosexuelle que le "parentage" assuré par une sœur aînée, par des grands-parents ou un parent isolé. La socialisation obligatoire de l’enfant ne peut d’ailleurs le laisser longtemps dans l’ignorance à ce sujet.
Des études [2] montrent que les mères lesbiennes, entre autres, sont soucieuses de révéler leur origine biologique à leurs enfants, qui savent bien faire la différence entre le parent biologique (la "vraie" mère ) et le parent social (la compagne de la mère). Et cette dernière est souvent mieux appréciée que l’ami d’une mère hétérosexuelle, et plus soucieuse d’exercer l’autorité nécessaire, si l’on en juge par les réponses fournies aux questionnaires utilisés.
D’autres études révèlent que les enfants d’homosexuel/les devenus adultes, suivent pour la plupart la voie hétéronormative (90% selon une enquête menée sur 82 sujets [2]). Cela permet de penser que l’homo/lesboparentalité n’a rien d’un modèle opprimant, et que l’absence du parent de sexe opposé pendant l’enfance n’empêche pas l’attirance hétérosexuelle. C’est le contraire qui serait étonnant : l’école et la société offrent tant d’images de couples homme-femme qu’il faut avoir une attirance homosexuelle évidente pour ne pas céder à la pression du modèle dominant.

Les exemples observés ne prouvent en rien le caractère pathogène imputé à l’homo/lesboparentalité
Des études comparatives [2]), il ressort que " aucune ne décèle de troubles psychiatriques plus importants chez les enfants de mère lesbienne que chez les enfants de mère hétérosexuelle ", et s’il s’avère que les enfants d’homosexuel/les manifestent une plus grande prudence dans leurs relations aux autres, ils savent aussi se faire des amis sur qui compter.
Le fait qu’ils soient plus exposés que les autres à la stigmatisation les obligent à s’aguerrir comme ont dû le faire avant eux les enfants traités de " bâtards" et humiliés. Et la compréhension dont ils bénéficient en général de la part de parents, eux-mêmes discriminés, les y aide. Mais c’est en rendant légale l’homo/lesboparentalité que la société leur épargnera ces épreuves, comme elle a su le faire pour les enfants illégitimes, plutôt qu’en voulant les ignorer, les empêcher de naître ou d’être adoptés..

Quant à la monoparentalité d’une lesbienne ou d’un gay, pourquoi serait-elle plus pathogène que celle assumée par nombre d’hétérosexuel/les et largement admise à présent ?
Les analyses évoquées ci-dessus témoignent d’une aptitude au "parentage" qui ne dépend pas de l’orientation sexuelle du ou des parents. Aussi paraît-il injuste d’accorder le droit d’adopter à un-e célibataire de plus de 28 ans et de le lui refuser dès lors que son homosexualité est connue ou supposée.
Si l’on objecte que le "complexe d’Oedipe" ne pourra jouer dans la structuration de l’enfant comme être sexué en l’absence d’un référent paternel ou maternel, l’on oublie de faire jouer cette objection pour les familles monoparentales "normales". Est-ce parce l’on constate que l’enfant trouve lui-même ses modèles d’identification de genre dans l’environnement familial et amical du père ou de la mère, quand ce n’est pas à l’école ou dans les médias ? Pourquoi l’enfant d’un-e homosexuel/le en serait-il incapable ?
C’est sans doute que l’on suspecte les mères lesbiennes et les pères gays de priver leurs enfants de références hétérosexuelles. Or l’aspiration à la parentalité chez la plupart des homosexuel/les répond, au contraire, au besoin de renouer avec la famille dont ils sont trop souvent exclus contre leur gré, comme en témoigne Didier Eribon dans son livre "Réflexion sur la question gay". Souhaiter assumer seul-e l’éducation d’un enfant ne signifie pas qu’on veuille l’isoler du milieu social environnant pour l’avoir à soi seul-e.
La société prévient d’ailleurs de tels risques en imposant, pour l’agrément en vue d’une adoption, des conditions affectives et sociales favorables à l’épanouissement de l’enfant.
Les cliniques qui, en Belgique par exemple, accordent la P.M.A. à des femmes célibataires ou lesbiennes s’entourent aussi de garanties du même ordre.

En résumé, l’homo/lesboparentalité ne présente pas les risques qu’on lui prête. Ce qui heurte ses détracteurs, n’est-ce pas, au fond, le fait qu’elle remette en question, en partie, la "hiérarchie des sexes" sur laquelle la société hétérosexuelle patriarcale s’est construite ? Mais n’est-il pas souhaitable que soit reconnu un modèle de couple parental fonctionnant sur un partage équitable des tâches et des responsabilités, pour que cette société évolue vers plus d’égalité entre les sexes et de sécurité pour les enfants ? Et que les familles monoparentales y trouvent aussi leur légitimité pour s’étayer plus aisément sur leur environnement ?

C’est dans cette optique que nous proposons, conformément à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, et à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne adoptée en Décembre 2000 :
* une modification du Code civil qui reconnaisse aux lesbiennes et aux gays, pacsé-e-s ou non, le droit à l’adoption, et autorise la co-parentalité ;
* une modification du Code de la santé publique qui permette aux femmes célibataires, lesbiennes ou non, le recours à la procréation médicalement assistée.

En complétant ainsi le dispositif amélioré par la "petite loi" du 12/10/2000, le Parlement harmonisera le Droit français avec la Déclaration Universelle des Droits de la Personne, et avec les textes fondateurs européens :
* La Résolution A3-0028/94 votée du 8 février 1994 sur "l’égalité du droit pour les homosexuels et les lesbiennes dans la communauté européenne" ;
* La recommandation R(97) 20 du 30 octobre 1997 sur les discours de haine "qui minent la sécurité démocratique, la cohésion culturelle et le pluralisme" ;
* La Résolution du 17 septembre 1998 appelant les gouvernements à faire respecter les droits à l’égalité des homosexuels et lesbiennes.
* L’article 13 du Traité de Rome modifié par le traité d’Amsterdam qui prévoit que le Conseil de l’Union européenne "peut prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, l’âge ou l’orientation sexuelle."

Contact : Raymonde Gérard, gerard.raym@wanadoo.fr

P.-S.

Coordination Lesbienne en France - Commission Lesbophobie - juin 2002

Notes

[1] Exemple cité par Françoise Héritier et repris par Stéphane Nadaud dans son ouvrage "Homoparentalité, une nouvelle chance pour la famille ?" ,page 46, Ed. Fayard

[2] Etudes développées par Stéphane Nadaud, op. cité pages 254 à 304

[2] Etudes développées par Stéphane Nadaud, op. cité pages 254 à 304

[2] Etudes développées par Stéphane Nadaud, op. cité pages 254 à 304

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