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Forum Social Européen

Du territoire à la politique

mardi 12 novembre 2002, par Joëlle Palmieri

« Je vois la ville et le territoire comme l’image de l’histoire, de la mémoire collective, la matérialisation des relations économiques, culturelles et idéologiques d’hier et d’aujourd’hui ». Maite Martinez, économiste et urbaniste espagnole, est cinglante. A partir de ce postulat, la militante exprime un regard très clair sur la relation entre territoires, inclusion, femmes et politique.

Elue aux bureaux du Réseau Femmes et habitat et de Hic (Habitat International Coalition), Maite Martinez travaille depuis 25 ans sur l’histoire des territoires, tout en ayant cumulé pendant dix ans un siège de députée de Izquierda Unida (Coalition de gauche) au Parlement espagnol, mandat abandonné depuis. C’est à ces différents titres, qu’elle s’est penchée sur la relation des femmes au pouvoir et à la politique.
Intéressée plus particulièrement à la coopération avec l’Amérique Latine, surtout avec la République dominicaine, le Guatemala ou le Brésil, l’urbaniste analyse les potentialités et les obstacles rencontrés dans les territoires à mettre en place des coopérations serrées entre la base (les porteurs de projet) et les financeurs locaux. Dans ce cadre, elle travaille avec les institutions internationales pour appuyer les politiques de décentralisation. Force est de constater alors que la problématique inclusion/exclusion est présente de façon permanente dans l’occupation de l’espace. Et cette question amène immanquablement à poser celle de la place des femmes, et donc de la relation au pouvoir et plus précisément à la politique : « On ne peut pas parler d’inclusion et de démocratie, si les femmes ne sont pas des citoyennes à part entière », affirme Maite Martinez.

Du privé au public

Se pose alors la contradiction entre le personnel et le politique, autrement dit le public et le privé. « Le système organisationnel est fermé, en particulier, l’organisation familiale, ce qui crée un lieu d’oppression », explique Maite Martinez. Ainsi, il arrive que des femmes n’aient pas d’identité propre, qu’elles n’existent pas. Elles prennent leur existence dans leurs fils, leurs maris. Salariées, il leur est possible de gagner un peu d’indépendance, au moins financièrement. Une étape qui les rend plus fortes, voire leur donne les capacités de contester ce système pernicieux. "Partout dans le monde, et en particulier en Amérique Latine, témoigne-t-elle, les femmes sont les protagonistes. Et pourtant, ce sont les hommes qui expliquent l’expérience et qui les représentent. Pourquoi donc ?"
Et là, c’est l’économiste qui parle : « A la fin du XIXe siècle et au XXe siècle, le capitalisme s’est consolidé. L’inclusion s’est faite par le travail. Mais les femmes, tout en occupant des postes, sont restées exclues. Les syndicats ont pris le pas. » Et pourtant, en Amérique Latine, que ce soit sous les dictatures, ou pendant les guerres civiles, « les femmes ont tout ressenti dans leur peau : pour elles, pour leurs fils, leurs maris ». Elles ont dû assurer la survie quotidienne et maintenir la famille. Par ces pratiques, elles ont gagné en prise de parole. Au Nord, « sans doute à cause d’un héritage plus bourgeois, les femmes jouent un rôle plus caché ». Mais, elles se sont intégrées dans un système éducatif, ce qui est un signe déterminant de changement.

La responsabilité des femmes

« Les femmes sont elles aussi responsables de leur situation. Elles doivent aujourd’hui s’unir et lutter pour convaincre, en particulier, ici en Europe ». Ces dernières années ont connu de petites avancées de la part des hommes en relation avec la vie familiale. Mais les femmes doivent aujourd’hui passer à l’offensive, « commencer à ne pas avoir peur de dire ». Ainsi, après Istanbul, en 1996, lors de la conférence onusienne Habitat II, il s’est avéré qu’« une autre façon de faire de la politique se réalisait avec plus de présence des femmes », explique la féministe. « Les femmes ont une approche politique différente. Elles ne s’attachent pas tellement à la chaise. Elles arrivent en politique avec l’idée de faire certaines choses concrètes », insiste Maite Martinez. Qu’elle soit de droite ou de gauche, « quand une femme idiote, stupide, incompétente occupera un lieu de pouvoir, on sera arrivé à l’égalité ». Et d’ajouter : « il n’est pas acceptable que toutes les places soient occupées par des hommes ! Les plus défavorisés, les sans ou peu éduqués, les travailleurs précaires ou les sans travail, les pas Blancs, sont des femmes. De fait, les femmes matérialisent toutes les formes d’exclusion. Lutter pour que la voix des femmes soit entendue devient donc un enjeu majeur. »
Dans un contexte de Forum social européen, avec des mouvements qui sont de gauche, il n’est plus possible de ne pas parler des femmes. Et l’urbaniste de conclure : « S’il existe des alternatives au néo-libéralisme, on ne doit pas s’arrêter au discours. Il est d’ores et déjà nécessaire de montrer des pratiques, pour la plupart portées par les femmes, et en particulier dans l’organisation. »

Voir également :
« Sexe, mensonges et commerce international »

Avant Johannesburg, le réseau femmes et habitat, entretien avec Ana Falú

P.-S.

Joëlle Palmiéri - Apress - 8 novembre 2002

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